Sucrerie
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-14%
Le deal à ne pas rater :
Apple MacBook Air (2020) 13,3″ Puce Apple M1 – RAM 8Go/SSD 256Go
799 € 930 €
Voir le deal

Close your eyes, little one [Amelia]

2 participants

Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Neige Sam 13 Juin - 3:05

A certains moments, dans toute vie, il y a une pause. Un instant de flottement, où l'existence se tourne vers elle même, et se questionne. Tous les êtres pensants traversent cette étape, accouchement difficile des blessures et des résultats des apprentissages, déceptions, amertumes et défaites.

Neige, ce soir, affleurait cet état sans y être. Il était là, assis sur l'un des boudoirs, son carnet de dessin sur les genoux. Il retraçait, de mémoire, un visage. Ca ne lui arrivait pas fréquemment, pour ne pas dire que c'était l'une des premières fois. Il haïssait l'inexactitude dans ses gestes. Il ne supportait pas de ne pas avoir le mouvement net, suffisant, ni heurté ni imprécis. Il se voulait serpent fluide, il se voulait mécanisme idéal. Dessiner de mémoire était un exercice cruel. Souvent, l'oeil voyait, mais l'âme effaçait ce qui est au profit de ce qui était ressenti, le coeur aimant adoucissant les traits d'un visage à coup sûr. Tout artiste imposait à son trait la couleur de son essence propre.

Mais pas Neige. Neige ne dessinait pas, Neige reproduisait. Son seul effort d'imagination était de pouvoir se figurer une posture, et d'y plaquer l'image presque photographique de la personne choisie, bien qu'il n'aie rarement l'utilité de le faire. Neige analysait son propre trait, et se forçait à penser qu'il s'agissait là d'une oeuvre d'un autre, à disséquer comme d'autres. Et il n'y voyait rien. Pas l'ombre d'un ressenti, pas une seule accroche à cet éclat qui fait vivre une image. Il n'y avait rien de tout cela, l'image était précise, la personne était, de façon saisissante, reconnaissable, mais elle était comme morte. Ce n'étaient que ses traits, posés, plaqués. Sans aucune valeur, sans la moindre once de vitalité. C'était Mère qui le lui avait demandé. Et Neige contemplait le tableau mort qui représentait pourtant le visage qu'il estimait aimer, nécessairement, d'Ambrosa. Celle qu'il avait connue sous le nom de Mélinée.

Il reposa le carnet sur l'alcôve face à lui, une fois qu'il estima que l'esquisse avait accouché d'un portrait achevé. Neige était, extérieurement, toujours le même être, à peine plus qu'une ombre blanche vêtue de rouge. Ce soir, intérieurement, il était un gouffre instable, qui venait d'être bousculé sur les fondements même de son existence. Aimait-il sa mère. L'aimait-il vraiment, ou prétendait-il le faire. Usurpait-il le droit à son affection, à sa place, à lui adresser ces mots qu'il s'avouait dire parce qu'il avait appris à les prononcer?
Ca passerait, sans doute. Le déni était une force stable et confortable, une force comme il aimait à trouver en lui pour s'y appuyer. Sans questions. Les choses en lui étaient là, et voilà tout. Aucun besoin d'avoir de raisons. Oui, ça reviendrait, l'état froid et sans recul. Mais pour l'instant, il était un homme qui venait de croiser son reflet et d'y voir comme un autre visage que le sien.

Quelqu'un entra, et pour une fois, il ne le vit pas. Elle, par contre, voyait.
Neige
Neige
Âme Londonienne

Messages : 57
Humeur : Fasciné. Toujours.

Masque Venitien
Rang & Statut:
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Amelia Sam 13 Juin - 12:32

La vie d’Amelia était différente, par bien des aspects. Pourtant au sein du manoir Delight elle y était à sa place et la différence avec le reste du monde était moins flagrante, plus subtile. Il s’agissait plutôt de différences dans la différence que chaque habitant du manoir vivait à sa façon, même si la jeune fille, en plus du reste, se démarquait encore d’une façon peu commune.

En effet, personne ne l’avait jamais vue sortir la journée. Sa peau diaphane ne semblait pas avoir rencontré les rayons du soleil depuis des années et ses yeux ne semblaient même plus assez forts pour affronter la luminosité de l’astre à son zénith. Elle dormait la journée, par à-coups, dans des pièces aux lourds rideaux voilant totalement le monde extérieur. Et sa vraie journée à elle commençait au crépuscule, alors que bien des gens la terminaient, fourbus.

Ce soir là, elle s’était mal réveillée. Elle se souvenait avoir rêvé, ce qui était plus qu’habituel, mais tout ce dont elle se rappelait était une vague sensation de gêne peu rassurante, les images n’étaient pas nettes, comme si une couche de brouillard avait tout recouvert. Elle avait pris l’habitude d’orienter ses « journées » en fonction de ce qu’elle voyait. Elle savait généralement où elle devrait aller, ce qu’elle devrait faire puisqu’elle l’avait déjà Vu quelques heures plus tôt.

Mais là rien. Rien du tout. Elle ne se voyait guère aller se promener dans le brouillard londonien dans l’espoir de se revoir son rêve en vrai, de vivre ce qui devait arriver. De plus, elle ne voyait guère l’intérêt de sortir, la lune était trop brillante, la nuit était trop claire, elle risquait d’avoir du mal à trouver ce dont elle avait besoin.

Au lieu de ça, elle se mit à déambuler sans but précis au sein du manoir, mécontente. Elle n’avait pas l’habitude de marcher sans savoir où elle allait, sans avoir au moins une idée de ce qui allait se passer. Cet aveuglement soudain était désagréable. Au bout de quelques minutes, elle réalisa que ses pas la menaient en direction des appartements de Lady Delight.

Brusquement, elle était rassurée. Elle allait surement pouvoir lui expliquer ce qui se passait, la réconforter, trouver une explication logique à cette situation. Marchant d’un pas un peu plus alerte, elle continua d’avancer, se dirigeant vers les boudoirs.

Tout allait s’arranger, elle le sentait. Ce n’était pas vraiment une Vision, plutôt une de ses certitudes qu’elle aimait avoir pour se rassurer.

Brusquement, elle s’arrêta, figée devant la personne installée sur l’un des boudoirs. Cette grande silhouette en noir et blanc, que la couleur semblait avoir déserté, était installée, un carnet de croquis à ses côtés. Il semblait mécontent lui aussi, comme s’il avait raté quelque chose.

Sans qu’elle s’en rende réellement compte, son estomac se contracta légèrement et elle eut du mal à déglutir. Son corps se tendit devant la silhouette de Neige mais elle s’avança quand même bravement, sans montrer d’hésitation. Elle montra du doigt le carnet de croquis et prit la parole, de sa voix rêveuse, presque d’un autre monde.


« Tu as raté ton dessin ? Tu n’as pas l’air content. »

Comme à son habitude, elle ne prenait pas réellement la peine d’utiliser les formes de politesses usuelles avec les membres de son entourage, elle n’en ressentait pas le besoin, même si devant Neige, elle éprouvait un sentiment qu’elle était incapable de définir.
Amelia
Amelia
Little Bird

Messages : 73

Masque Venitien
Rang & Statut: ~ Sucrerie ~
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Neige Lun 15 Juin - 5:51

Il aurait été dehors, le couteau aurait gagné sa main, et la pointe aurait frôlé la gorge de celle à qui appartenait ce pied qui avait fait murmurer le sol, à s'approcher. Car il n'avait pas entendu avant que le pas n'arrive trop près, à la distance de frappe, et il était devenu réellement rare qu'on puisse l'approcher ainsi si on n'était pas volontaire et entrainé. Si on n'était pas de la même eau. Mais il était au Manoir de Mère, et Mère avait dit qu'il ne devait pas montrer son couteau tant que son propre sang n'avait pas ajouté une nuance fraîche au pourpre du sol. Alors, seulement, il tourna le visage, planta ses yeux fendus sur ce qui arrivait. Amelia. Celle qui Voyait.
Il se redressa à demi, dans l'un de ces gestes lents et coulés qui étaient pour moitié responsables de ce surnom de Serpent. Elle lui pointait le carnet; si bien des humains auraient suivi ce geste du regard, lui, non. Il ne variait pas, plongé dans ces yeux trop grands, qu'il comparait intérieurement à des gouffres dans lesquels elle se noierait elle même un jour. Le mouvement s'acheva dans sa main, qui se tendit pour aller jusqu'à la ligne de la mâchoire de la jeune fille. Mère l'avait appelée l'Oisillon, un soir, et Mère caressait parfois des rossignols au dehors. Elle frôlait leur bec, lissait leur plumage, et les oiseaux chantaient. Sa Soeur semblait être nerveuse, son corps était légèrement tendu et ça ne lui échappait pas. Même s'il semblait définitivement incapable de se rendre compte qu'il provoquait ces réactions là. Aussi, patiemment, comme Mère avait dit, il tenta de la rassurer.

Sa main, elle le touchait pas, pas tout à fait. C'était un frôlement infime, car il la savait fragile. C'était presque comme s'il ne voulait que transmettre la chaleur de sa peau, signifier sa présence, montrer que sa main ne portait pas la lame. Il oubliait, le Serpent, qu'à frôler sans toucher vraiment on était ambigu, que là oùon était ambigu on était troublant, et il y avait quelque chose d'involontairement sensuel dans sa façon de parcourir la ligne de sa gorge, de remonter à la lèvre, de descendre à nouveau par une ligne médiane, d'arriver à la marque de la clavicule, d'en suivre la courbe de la main entière, de faire mine d'englober l'épaule, de repousser une mèche derrière l'oreille, pour enfin, descendre à sa main, en soulever légèrement un doigt avant d'y poser le dos de la sienne. Vraiment, il se voulait inoffensif. Il se faisait encore plus étrange.

La question le fit ciller.

    Il est tel qu'il devait être.

Et la réponse le fit ciller encore. Il était encore troublé de ce tourment infime, de cette révélation dérisoire qui était un insecte menaçant des fondations faites de pierre. Il ne chercha pas à lui sourire, puisque ce sourire était peint à ses lèvres, ce soir. Il n'avait pas vraiment l'air nerveux, ni moins étrange que d'ordinaire. Mais quelque chose montrait, sans qu'on puisse réellement dire quoi, indiquait qu'il n'était pas bizarre de la même façon de d'ordinaire. Quand bien même, même parmi les siens, on le considérait comme moins humain. Que même parmi les siens, on murmurait que lui, n'avait jamais été humain. Qu'il avait été Serpent et transformé. Qu'il avait été Golem et affiné.
Il était grand, Neige, trop grand. Et il était proche, il la surplombait d'une ombre à la fois protectrice et terrifiante.
Son esprit chercha, et parvint presque totalement, à occulter le portrait et le problème soulevé par lui, par la présence de sa Soeur.


    Et toi, tu es inquiète. Si quelque chose te menace, je peux le trancher.

A l'évocation d'un combat, insensiblement, sa pupille se dilata, se fit légèrement moins oblongue. Curieusement plus humaine.
Neige
Neige
Âme Londonienne

Messages : 57
Humeur : Fasciné. Toujours.

Masque Venitien
Rang & Statut:
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Amelia Lun 15 Juin - 23:20

La tension dont elle n’était pas consciente disparut soudainement et laissa place à de l’étonnement pur et simple. Neige ne semblait pas l’avoir vue venir, lui qui était toujours aux aguets et dont les réflexes quasi instinctifs la laissaient parfois rêveuse.

Et puis son regard planté dans le sien, telle une lame acérée. Elle le soutint sans ciller, comme hypnotisée pendant ce qui lui sembla être une éternité. Elle pencha la tête sur le coté, comme pour accentuer son interrogation tandis qu’il se redressait à moitié devant elle.

Rien que dans cette position il était bien plus grand qu’elle. En même temps, Amelia était petite pour son âge. Peut-être était-ce du au manque de soleil, elle n’en savait trop rien. Elle contemplait ainsi le monde d’un angle de vue différent des autres, au sens propre comme au figuré. Et là elle avait l’impression que Neige faisait un effort pour se mettre à sa hauteur, comme s’il cherchait à ne pas l’effrayer.

Pourtant elle n’avait pas réellement peur. Après tout, si Mère tenait tellement à Neige, c’était certainement pour de bonnes raisons. Et si Mère l’aimait, Amelia l’aimait aussi, c’était une évidence pour la jeune fille qui ne réalisait pas complètement le potentiel de cette silhouette démesurée.

L’espace d’un instant, des images lui revinrent à l’esprit tandis qu’ils continuaient de se fixer sans dire un mot. Les différents invités au Manoir qui semblaient plutôt enclins à l’éviter, qui refusaient la plupart du temps de le fixer dans les yeux. Amelia voyait souvent tout cela de loin, préférant rester dans l’ombre plutôt que d’entrer sur scène, assister au spectacle des robes froufroutantes et des costumes sombres tout en restant cachée derrière un rideau ou restant en haut de l’escalier, dans un recoin. A bien y penser, Neige était étrange, troublant même, bien qu’elle n’arriva pas réellement à savoir pourquoi.

Ses yeux se détournèrent des siens, suivant le mouvement de sa main avec curiosité, n’ayant pas Vu qu’il allait agir ainsi. Une fois la paume de sa main apposée sur la sienne, elle reproduit mécaniquement le chemin qu’il avait parcouru de sa main libre comme pour essayer de comprendre pourquoi il pouvait avoir agi ainsi, son regard se fixant à nouveau dans le sien. Ses doigts fins terminèrent leur course au dessus de la paume du Serpent, emprisonnant sa main entre les siennes l’espace d’un instant, avant de brusquement mettre les mains derrière son dos, comme une petite fille.


« S’il est réussi, je me demande quelle tête tu fais quand ton dessin est raté. »

Elle continua de le fixer avec un mélange de curiosité et d’interrogation tandis qu’il semblait se redresser devant elle, lui paraissant encore plus grand que d’habitude.

Et puis sa voix, sa question qui n’en était pas une, plutôt une affirmation. En même temps, Amelia n’avait jamais réellement cherché à cacher ses sentiments, à afficher un masque neutre. Son état d’esprit pouvait aisément se lire sur ses traits fins et à bien y réfléchir, elle trouvait que les choses étaient plus faciles comme cela. Sa voix se fit quelque peu hésitante, comme si elle cherchait les bons mots.


« Je… je ne suis pas vraiment inquiète en fait. Mais… tu saurais trancher dans le brouillard ? »
Amelia
Amelia
Little Bird

Messages : 73

Masque Venitien
Rang & Statut: ~ Sucrerie ~
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Neige Ven 19 Juin - 6:55

Elle avait serré sa main.

Le Serpent continuait de la fixer, droit, immobile et neutre d'aspect, alors qu'elle retraçait son propre chemin. Petit oiseau lissant ses plumes, après avoir été frôlée d'écailles. Elle était solitaire, timide. Renfermée. Il savait qu'elle faisait cela parce qu'elle voyait, et qu'il était difficile de Voir vraiment, parce que la vue entraînait le savoir, que le savoir entraînait la responsabilité, et que pour les avoir touchées, il savait maintenant ses épaules frêles et ses os fragiles. Il s'imagina un instant les lui briser, sans son couteau, juste de ses mains, comme ça. Il s'imagina lui crever ces orbes pénétrantes, qui perçaient ce qui devait rester opaque, et lui dire "Va, je t'ai libérée, envole-toi à présent". Il s'estima presque cruel de ne pas le faire. Elle était belle, ainsi tourmentée, ainsi condamnée par un don empoisonné. Il la trouvait esthétique, fascinante dans son déséquilibre, retenue dans le vide par un fil qui menaçait de se rompre. Il en oubliait tout à fait qu'il en était de même pour lui, n'entendait plus les rumeurs de ses fondations qui s'effritaient. Le problème, enfin, n'était plus.

Mais elle avait serré sa main, et des cendres de ses doutes en naissait un autre. Elle avait refusé la réciproque du geste par cette attitude enfantine, d'une fraîcheur attendrissante qui ne l'atteignait pas. Quelque chose était né, en un écho qui avait avorté aussitôt, qu'il ne pouvait rendre, et qui restait donc à rôder en lui. Il lui semblait qu'il avait envie de la toucher encore, ce qui lui paru neuf, et donc étrange. Il aurait pu se méfier, se rétracter davantage encore derrière sa façade, son refus de s'observer, mais Mère lui disait qu'il ne devait s'épargner pour les siens, alors il s'abandonna. Se laissa aller à cette infime brèche qu'Amelia ne sentirait sans doute pas. Mais qu'elle Verrait, peut être. Ce qu'il ne se dit pas.


    Comme ce qui est imparfait, je le déchire.

Fit-il alors, lui confiant de fait la raison pour laquelle il ne l'avait pas achevée pour lui épargner les douleurs de vivre. Il ne parvenait pas à en être désolé. Au moins avait-il pu s'en justifier auprès d'elle, sourd et aveugle au fait pourtant si simple que ses pensées n'étaient pas celles du monde.

Elle hésita alors, et il porta à nouveau la main à son épaule, pour la soutenir. Même si c'était sa main à elle que la sienne cherchait, encore, sans trop comprendre pourquoi. Il y avait là un manque qui refusait de se dire.


    Je connais la Brume. Elle peut saigner, tu sais. Alors je peux trancher, elle aussi, et son frère le brouillard avec elle.

Il s'était penché, légèrement, pour le lui souffler plus près de l'oreille. Pour ne pas dire les Noms trop fort. C'était une question de respect. Ses pupilles s'étaient étrécies encore davantage, à mesure de ses pensées, de l'évocation de sa Danse, de son Art. Et dans ses yeux, peut être verrait-elle l'abysse qu'il abritait, ce grand vide décoré d'un sang vif.
Neige
Neige
Âme Londonienne

Messages : 57
Humeur : Fasciné. Toujours.

Masque Venitien
Rang & Statut:
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Amelia Sam 20 Juin - 0:32

Il la fixait, sans rien dire, son regard un peu perdu, vraisemblablement dans ses pensées. Elle n’essaya pas de l’en détourner, elle-même habituée à se perdre plus d’une fois dans son propre esprit, à essayer de comprendre ce qu’elle voyait, à démêler ce qui lui était propre de ce qui appartenait aux autres, à ces inconnus qu’elle croisait parfois ou à ces gens auxquels elle tenait.

Elle le regarda déchirer son dessin et l’écouta avec soin parler de l’imperfection.


« Tu dois déchirer beaucoup de choses dans la vie alors. Parce que rien n’est parfait autour de nous. Et puis, je trouve que c’est mieux comme ça, ce serait ennuyeux si tout était parfait, lisse, sans défaut. Enfin, si tu… »

Soudainement, le brouillard qui l’enveloppait depuis plusieurs heures s’ouvrit devant elle, comme tranché en deux. Et c’est là qu’elle le Vit.

Cette longue chevelure blanche cachant son regard. Ces traits parfaits si durs, emprunts d’une violence contenue qui n’attendait qu’un signe pour se déclencher. Un sourire étrange flottant sur ces lèvres, comme détentrices d’un secret qu’elles allaient bientôt révéler.

Et cette lame acérée, brillant d’un magnifique reflet argenté. Elle devait être douce au toucher, songea-t-elle un instant, tandis que la lame se levait devant elle.

Son regard lui apparut enfin, tandis que la lame s’approchait dangereusement de sa gorge. Ces yeux vides de tout sentiment, comme un puits sans fond où elle pourrait se noyer.

Elle savait ce qu’il allait faire, elle le lisait dans ses yeux. Il allait l’attraper plus fermement par l’épaule et elle sentirait ses os si fragiles craquer sous une pression presque inhumaine. Il pourrait la broyer sans un effort apparent, quelques secondes suffiraient.
Il allait ensuite faire glisser cet éclair argenté le long de sa gorge si fine, y mettre enfin de la couleur. Le rouge allait remplacer sa pâleur, cette quasi transparence qui lui était propre. Mais elle n’allait pas bouger d’un centimètre, elle allait le laisser faire puisque c’était ce qui devait arriver. Elle se contenterait de le fixer, ses grandes prunelles bleutées pleines d’interrogation sur la réelle raison de cet acte.

Elle allait enfin s’effondrer, peut-être se tordre de douleur, elle n’en était pas vraiment sure. Elle n’arrivait plus à voir ce qui allait se passer pour elle ensuite car il aurait détourné les yeux pour les fixer sur le couteau maculé de sang.

Il allait regarder le couteau curieusement, presque avec une pointe de tendresse tandis qu’elle se viderait de son sang à ses pieds.

Et puis soudainement les images se firent totalement floues, comme si tout ce qu’elle Voyait avait brutalement perdu son essence. L’esprit de Neige semblait à la fois sur de ce qu’il fallait faire tout en hésitant, cherchant, découvrant d’autres voies possibles auxquelles il n’aurait pas songé.

Une autre image apparut soudain dans l’esprit de la jeune fille. Elle lui tenait la main, avec confiance tandis qu’il la fixait, le regard insondable. Pas de sang, pas de rictus, aucune violence.

Incapable de savoir quelle image était la bonne, elle ouvrit les yeux, prenant une grande inspiration. L’esprit de Neige était comme le brouillard, pire peut-être. Le brouillard lui pouvait se dissiper alors que l’esprit non.
Un goût d’acier bien réel la finit revenir à la réalité tandis qu’elle portait machinalement la main à sa bouche, découvrant du sang sur ses lèvres fines.

Elle s’était mordu la langue jusqu’au sang durant sa Vision sans même s’en rendre compte et ses doigts ensanglantés lui démontraient à quel point elle pouvait avoir perdu pied l’espace d’un instant.

Elle leva alors les yeux vers le Serpent et sans aucune hésitation posa sa main ensanglantée sur celle qui tenait son épaule. Elle glissa ses doigts entre les siens et souleva délicatement sa main loin de son corps qu’elle savait si fragile, tout en gardant sa petite main collée à la sienne.


« Et si le brouillard était… vivant ? »

Sa voix, à peine plus haute qu’un murmure, presque inaudible. Mais elle pouvait chuchoter, il était là, tout près, trop près peut-être.
Amelia
Amelia
Little Bird

Messages : 73

Masque Venitien
Rang & Statut: ~ Sucrerie ~
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Neige Mer 24 Juin - 9:07

Elle avait perdu pied, et lui, l'avait vu. S'il avait penché la tête de côté, il n'avait rien laissé échapper d'autre que ce geste, et son pouce, celui de sa main libre -Enfin, celle qui était posée sur le Couteau- se détacha du repli de la garde, pour en effacer une goutte. La contempler à son doigt, avec une sorte de...

Tendresse.

Son regard vint se planter dans le sien, à nouveau, et c'était celui d'une épée. Vif, tranchant, inhumain. Dur et froid. Sans âme. Juste un vague écho lointain, quelque chose de ténu, d'abandonné. Un enfant au fond d'un puits, les os brisés, bâillonné. Une horreur lointaine, qui était devenue quotidienne. On le trouvait dérangeant et on avait oublié pourquoi, on avait occulté cette impression au premier regard croisé, peut être.

Elle lui prit la main.

Quelque chose troubla son regard qui était là bien trop clair, bien trop ouvert, comme si les gouttes de sang avaient été une flammèche lancée dans l'abîme, qui, lentement, en avait découvert les abords immondes en y chutant. Les ténèbres s'étaient-elles voilées, ou l'abîme s'était-il refermé?


    Tu saignes.

Lâcha-t-il, d'une voix qui était un contraste violent, presque hors propos, tant elle était toujours chaude, basse, évocatrices d'instant auxquels il semblait même n'avoir jamais songé. Une autre de ses anomalies. Ses yeux s'évadèrent là, vers cette main, ce lien, et ses doigts s'en jouèrent à leur tour, les entremêlant, ferme. Ca n'était pas doux, ça n'était pas tendre. C'était chaud, oui, car comme la voix, la chair l'était, mais c'était une aberration sensible.
Il se redressa, légèrement, comme s'il fuyait l'Oisillon. Comme s'il voulait l'englober d'un seul regard, d'un seul tenant. Sa main, celle qui traînait là, près de son cou, effaça avec une délicatesse de peintre l'ombre carmine qui colorait trop violemment son portrait. Il rectifiait la couleur.
Portant, ensuite, ses doigts à ses lèvres peintes, pour effacer le rouge. Goûter l'âme. Les yeux s'étaient plissés, presque insensiblement, la pupille s'était étrécie. C'était rare qu'elle le fasse autant, c'était rare de pouvoir deviner que les miroirs de son âme avaient effectivement des allures de serpent. Blanc, fendu. Démoniaque, auraient-ils dit, là, au dehors. Il garda la main sur sa joue. Encore. Même s'il ne savait dire pourquoi, cette fois. Ce qui le perturba, alors, il cilla, encore une fois.


    Le brouillard l'est parfois. Je lui a déjà parlé.

Il cilla encore, alors qu'une pensée incongrue avait traversé son esprit. Et, son regard commençant à faire le miracle de sourire -Ses lèvres l'omettant parfaitement- il souffla, penché de nouveau.

    Tu ressembles au brouillard. Je te dessinerai dans la Brume.

Un violent élan de satisfaction, qui confinait presque à la joie, éclot en ses entrailles pour rouler à sa gorge. Il n'en montrait que ça, que cet éclat dans ses pupilles réduites à un trait, comme pour l'éteindre. Il savait, désormais, ce que Mère avait voulu dire.
Neige
Neige
Âme Londonienne

Messages : 57
Humeur : Fasciné. Toujours.

Masque Venitien
Rang & Statut:
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Amelia Mer 24 Juin - 23:52

Il la regardait.

Ou plutôt leurs regards étaient plongés l’un dans l’autre. Elle avait l’impression de regarder un abysse sans fond, comme si le néant pouvait l’attirer à lui, l’engloutir totalement et la perdre pour toujours.

Ce regard qui semblait à première vue à la fois vide et plein de promesses. Cette promesse de néant, de noir éternel, sans vision, sans images s’entrechoquant sans cesse dans son esprit. Rien à voir, rien à penser, le repos éternel.

Puis cet écho lointain, qu’elle distinguait juste assez pour sentir autre chose que le néant absolu et lui permettre de le fixer sans ciller, sans avoir envie de détourner son regard. Elle n’éprouvait aucune gêne, aucune peur face à lui, alors que tout ce qu’elle avait Vu, tout ce qu’elle pouvait déceler dans ces iris sombres ne pouvaient que l’inciter à frémir devant lui.

Et pourtant elle gardait sa main dans la sienne, dans une retenue pleine de simplicité, comme s’il s’agissait de la seule chose à faire. Brusquement, elle la serra, d’une pression plutôt forte pour sa petite personne, comme si elle y mettait toute son énergie, comme si elle oubliait sa propre fragilité pour marquer un contact qui lui semblait à la fois irréel et fascinant.

Et sa voix, cette affirmation qui semblait troubler le silence instable qui régnait entre eux. Oui elle saignait, et pourtant cela ne semblait guère lui importer. Elle sentait à peine la douleur, la seule réelle incommodité était ce goût étrange qu’elle sentait entre ses lèvres.

Elle ressentait bien plus les doigts glissant sur sa joue. Ils étaient étrangement froids tandis qu’elle sentait qu’ils semblaient effacer toute preuve de cet instant étrange, où elle avait perdu tout sens des réalités. Ou alors comme s’ils voulaient toucher, marquer cet instant, elle n’arrivait pas réellement à savoir et ne le cherchait pas non plus.

Et son regard changea, comme si le vide avait été comblé, comme si le néant s’effaçait pour laisser place à autre chose, qu’elle saisissait encore moins. Elle murmura de nouveau, sentant la légère pression des doigts de Neige tandis qu’elle laissait échapper quelques mots.


« Et comment quelque chose de vivant peut se dissiper ? Ou au contraire, comment le brouillard peut-il prendre une forme aussi… solide ? »

Un sourire fugace traversa soudainement son visage quand il parla de sa ressemblance avec le brouillard. Elle avait la même pensée le concernant, sans bien arriver à saisir pourquoi.

« Me dessiner dans la Brume ? »

Cette question, formulée à moitié, comme si elle espérait qu’il en dirait plus, qu’elle comprendrait. A son tour elle pencha la tête sur le coté, déposant sa main libre sur l’avant bras du Serpent, pour le retenir ou lui demander d’ôter ses doigts de son visage. Peut-être tout simplement pour avoir un autre contact réel, physique avec lui, pour ne plus perdre pieds et rester ancrée dans l’instant présent.
Amelia
Amelia
Little Bird

Messages : 73

Masque Venitien
Rang & Statut: ~ Sucrerie ~
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Neige Jeu 2 Juil - 3:36

Elle était si floue. Si floue, lui qui appréciait les lignes, les droites et les courbes précises, dessinées, meurtrières de réalités. Pourtant, il ne songea pas un instant à rompre l'affrontement de leurs âmes par leurs miroirs, puisqu'il y voyait son reflet dansant, puisqu'il trouvait là une partie de réponse. Puisqu'il n'y avait pas toujours de raisons autres à faire les choses que parce qu'elles étaient évidentes. Ils étaient là, ensemble, et il n'y avait pas d'autres vérités que celle-ci. Quand elle lui saisit le bras, il l'enroula autour de sa taille, sans la presser contre lui, même s'il l'en rapprochait légèrement. Qu'il était chaud, le Serpent. Un feu lointain couvant sous la peau comme un incendie qui porterait le masque de la glace. Et qu'elle était petite, frêle, précieuse. En cet instant, il songea à ranger son couteau plus loin, pour ne plus sentir à son flanc, pour ne plus qu'il rappelle toujours comme il était là pour tuer, trancher, détruire, alors qu'il aspirait -Étrangement- à soutenir et à garder cette oeuvre si délicate d'un dieu dont certains marmonnaient les malédictions autour d'eux.
S'il était si bon artiste, alors Neige consentait à lui pardonner.


    Regarde-moi. Souvent je me dissipe. Souvent je suis effacé. Mais je suis là. Comme le brouillard. J'attends mon heure pour être. Comme tu le fais sans le savoir. C'est ainsi que nous sommes, Soeur.

Oui, il trouvait qu'ils se ressemblaient, par la brume, par cette façon d'être absents parfois. Ce n'est pas qu'il en avait véritablement conscience, mais c'est ainsi que Mère l'avait décrit. Et puisque Neige le voyait d'elle, alors l'évidence était et prenait toute place, toute mesure, Loi parmi les lois du monde au même titre que le sang et la gravité. Il hocha la tête, légèrement, se voulant encourageant, s'espérant confusément précis.

    Oui, te peindre. Trouver les véritables traits de ton visage. Est-ce que tu voudrais que je te cherche dans la Brume.

Sa voix s'était faite un cran plus basse, puisque c'était là chose personnelle, et que Mère disait qu'on murmurait les offrandes intimes aux Dames. Puis, il cilla encore. Et, pour ne pas lui faire peur, il ajouta.

    Et voudras-tu que je t'y trouve.

Englobant son visage tout entier, de l'oeil de celui qui retraçait et non de celui qui tranchait les contours, il se surprit à la trouver belle, et à ne pas l'avoir vu jusque là.
Neige
Neige
Âme Londonienne

Messages : 57
Humeur : Fasciné. Toujours.

Masque Venitien
Rang & Statut:
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Amelia Ven 10 Juil - 1:34

Elle le sentait se rapprocher d’elle, imperceptiblement. Elle n’avait pas peur de sombrer dans l’immense abyme qui s’ouvrait à elle tandis qu’ils continuaient de se regarder, de se chercher au fin fond de leurs âmes.
Sa peau était chaude, bien plus que la sienne et elle ne put s’empêcher de frissonner en ressentant cet écart de température lorsqu’il enroula son bras autour d’elle, tel le feu s’approchant de la glace. Pour la première fois depuis longtemps, l’instant présent n’était troublé par aucune image de l’avenir, que ce soit le sien ou celui du Serpent. Elle se contentait de ressentir le présent, avec un certain trouble. Il ne lui arrivait guère plus ces derniers temps de ne rien voir de ce qui allait pouvoir lui arriver.

Ils étaient là, englobés dans cette brume protectrice qui semblait les couper du monde et de toute influence extérieure. Sa main resserra son étreinte sur le bras de Neige, comme pour assurer qu’il n’allait pas s’éloigner tout de suite, que le moment n’allait pas s’arrêter sans qu’elle ne comprenne réellement ce qui pouvait se passer entre eux.

Un éclair de compréhension fugace éclaira soudain ses yeux trop grands tandis qu’elle l’écoutait parler de la Brume. A la fois présent et absent, à la fois ici et souvent ailleurs. Elle comprenait enfin pourquoi elle s’était prise à le comparer au brouillard, c’était évident quand elle y pensait. Et puis elle avait aussi l’impression de constamment évoluer dans la Brume, de la voir se dissiper brusquement avant de voir se refermer certaines voies devant elle. Mais jamais encore elle n’avait songé à se comparer à cette Brume, à s’identifier de cette façon à cette sensation tellement peu tangible et pourtant tellement ancrée en elle.

Et puis, réaliser qu’ils se ressemblaient tous les deux. Bien plus qu’on aurait pu le penser au premier abord. Peut-être était-ce pour cela qu’elle n’avait pas peur de lui, en plus de ce que quelques uns auraient pu qualifier comme de l’inconscience face au danger. Elle se surprit alors à parler d’une voix encore plus basse, à peine audible.


« Notre heure vient, elle arrive bientôt. La Brume va se dissiper, nous verrons ce qui s’y cache mais les autres aussi pourront nous voir. Souvent, ils auront peur. Mais nous serons ensemble, c’est ce qui importe. »

Elle prit alors un air plus songeur en l’écoutant expliciter ses propos. Un sourire fugace orna de nouveau ses lèvres fines tandis qu’elle hochait doucement la tête.

« Oui, tu vas me peindre. J’aimerais savoir à quoi je ressemble… pour toi… à travers la Brume. »

Sa main quitta son bras tandis qu’il l’observait et elle effleura sa joue du bout des doigts avant de laisser tomber sa main là où elle était quelques instants auparavant.

« Et tu me trouveras. »

Elle le fixait avec attention, comme emplie d’une certitude tranquille tandis qu’elle restait proche de lui, sans bouger.

Amelia
Amelia
Little Bird

Messages : 73

Masque Venitien
Rang & Statut: ~ Sucrerie ~
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Neige Dim 12 Juil - 19:01

Le monde semblait s'être décidé à s'arrêter aux yeux de l'oracle. Il s'y était peut être réfugié, là, au creux de ses pupilles. Ils étaient là, tous deux, l'un contre l'autre, et cette vérité lui paru soudain pesante, forte, impérieuse. Elle était, il était, ils devenaient. Il la voyait troublée et décidé à la fois, et encore une fois il ne comprenait pas. Et, pour l'une des premières fois, il ne souhaitait pas chercher à comprendre, seulement à ressentir. Décortiquer viendrait plus tard. Quelque chose de vieux, d'usé, de rongé par la rouille et d'organique en lui semblait s'éveiller, lui souffler de rester là, de ne plus chercher à activer ses mécanismes droits et froids, et de simplement vivre. Ce qu'il ne savait pas faire.

Le trouble le contaminait à nouveau, comme s'il était un spectre tournant entre eux, allant de l'un à l'autre. Il tenait la réponse, mais elle était fuyante, là, réfugiée dans ces yeux, sous cette peau. Devrait-il la déchirer, ou la supplier, l'amadouer pour qu'elle revienne à la surface? Elle le retenait contre elle, Mère ne supporterait pas qu'il blesse une Soeur, mais cette tension interne était quelque chose de nouveau et d'impérieux, qui se faisait lentement insupportable. S'il la fendait pour trouver ce qu'il y avait en elle, il la briserait, et peut être aurait-il perdu la substance qu'il cherchait à saisir, quand bien même aurait-il la réponse.

La peinture, se dit-il, peindre son image et y projeter ses pensées, elle l'avait accepté. Il la toucherait à travers ça, au travers de la Brume, puisque le Sang le lui permettait. Il s'aperçut alors seulement que sa main était revenue à sa gorge, à sa joue, et qu'elle la décrivait à nouveau, non pour sentir l'os, la texture de la peau, mais pour... Pour... Quoi? Il la détacha alors, comme si lui, le Serpent, s'était brûlé à la peau de l'Oisillon. Une envie, un instinct dévorant, que de la déchiqueter aussitôt pour que cesse l'incertitude naquit et mourut en l'espace d'un battement de coeur.


    Nous nous trouverons.

Acheva-t-il, et ses propres mots eurent l'effet d'un baume. Un soulagement qu'il savait confusément passager, mais salvateur. Elle avait réanimé quelque chose d'interdit, de trop vieux, de trop blessé pour ne pas montrer les dents. Où donc Mère avait-elle voulu le guider? Où l'emmènerait l'Oiseau?

Il avait déjà choisi de lui faire confiance, alors il prit les conclusions qui s'imposaient. Détachant enfin son regard du sien, il ferma les yeux, et la serra contre lui, tout à fait, avec une douceur inédite. La douceur de l'arme, qui se sait tranchante. Elle était une anomalie, son anomalie. Elle allait peut être l'achever, mais il n'avait aucune crainte. Ce qui devait arriver sera. Ils trouveraient peut être leur fin, au bout de leur chemin. Si ainsi était leur accomplissement, Neige resterait docile.


    Je te peindrai sans te voir, pour retrouver tes traits.

Et il comprit que s'il la étreignait délicatement, c'était pour ne pas l'étrangler.
Neige
Neige
Âme Londonienne

Messages : 57
Humeur : Fasciné. Toujours.

Masque Venitien
Rang & Statut:
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Amelia Lun 13 Juil - 23:29

Le temps était comme suspendu, plus rien ne comptait en dehors de son regard, de ses gestes et ce qui allait se passer en cet instant présent. Une certitude s’empara alors pourtant d’elle. Cet évènement si étrange, si incongru, allait avoir des conséquences qu’elle n’arrivait même pas à concevoir. Le regard du Serpent changeait de seconde en seconde tandis qu’il l’observait et elle avait du mal à décrypter les sentiments, les ressentis qui passaient fugacement dans ses yeux.

Elle sentait pourtant la menace qui pouvait émaner de lui. Elle sentait qu’il pouvait la briser, comme tant d’autres pouvaient la détruire avec tant de facilité. Elle se découvrait soudainement si proche du gouffre, proche de cet instant où plus rien n’aurait de sens, que ce soit physiquement ou mentalement, alors que d'autres l'avaient déjà lu dans son regard. Elle réalisait qu'à chaque instant de son existence elle ne cessait d’attendre le moment où elle se verrait brisée entièrement, sans possibilité de revenir en arrière. Et elle ne savait pas si elle devait s’en inquiéter ou se sentir soulagée à l’idée d’être un jour libérée.

Mais elle ne voulait pas être libérée de tout cela. Elle voulait continuer cette vie que bien des gens condamnaient. Elle savait pertinemment qu’en d’autres lieux, d’autres temps, ils auraient été ravis de la voir brûler sur un bûcher. Aujourd’hui ils se seraient contentés de l’enfermer au fin fond d’une geôle et de l’y oublier, au grand plaisir de tous…

Peut-être était-ce pour cela qu’elle n’aimait guère les étrangers. Et, bien qu’elle sente la violence dont était empli Neige, elle n’avait définitivement pas peur de lui. Elle se sentait plus proche de lui qu’elle ne l’avait jamais été et, d’aussi loin qu’elle se souvienne, plus proche de lui que de personne.

Peu lui importait la peinture en cet instant. S’il ressentait le besoin de la peindre, de la trouver de cette façon, elle se laissait peindre avec joie, sans se soucier de ce que cela pouvait bien impliquer. Et pour une fois, elle n’en avait aucune idée, ce qui ne la dérangeait guère.

Elle sentit de nouveau ses doigts sur sa gorge et ressentit un certain trouble dont elle ne connaissait pas réellement la nature. Elle apposa délicatement sa main libre sur le torse du Serpent, comme pour écouter les battements de son cœur.


« J’ai confiance. En toi, en nous. Malgré la Brume, ou plutôt grâce à elle, nous nous trouverons. »

Et puis soudain cette étreinte. Le Serpent s’enroulant autour de l’Oisillon avec ce qui lui sembla être de l’affection, sans chercher à lui faire du mal ou à la tuer. Son fragile équilibre se trouva bouleversé l’espace d’un instant, comme si un nouvel ordre des choses était en train de s’instaurer. Elle ferma alors les yeux, appréciant ce moment étrange auquel elle était incapable de donner une substance.

En une fraction de seconde il pourrait la tuer, il lui suffisait juste d’accentuer un peu son étreinte. Ce choix lui était offert et pourtant elle ne bougeait pas. Elle attendait, sans aucune crainte, sans autre mouvement que d’accentuer la pression de ses mains sur lui.


« Et comment feras-tu pour me peindre sans me voir ? »

Ces quelques mots murmurés, son visage tout contre l’épaule du Serpent, tandis qu’elle respirait calmement, presque sereinement, comme si elle ne semblait pas réellement se soucier de la réponse.
Amelia
Amelia
Little Bird

Messages : 73

Masque Venitien
Rang & Statut: ~ Sucrerie ~
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Neige Jeu 16 Juil - 17:10

Un homme normal aurait caressé ces cheveux. Il aurait sans doute murmuré des choses tendres, à demi mots, qui ne seraient pas trop osés encore. Il aurait sans doute envisagé d'apposer ses lèvres sur ce visage, peut être la joue, ou les lèvres déjà, en frôlement. Un homme normal aurait pris les devants, lui aurait promis des retrouvailles proches, aurait été en ville chercher un présent pour la demoiselle. Un homme qui aurait eu pleine conscience de lui même aurait sourit, au moins, n'aurait pas eu cet instinct bizarre de chercher à éteindre la flammèche en lui. Il n'aurait pas été si sombre, pour vouloir dévorer la lumière qui n'était qu'une lueur encore. Il aurait fait un nid pour cet Oisillon si tranquille, si docile en ses bras.

Mais Neige n'était pas ainsi. Ses battements de coeur restaient sourds et lents, réguliers, indifférents, pourtant, il sentait quelque chose s'ancrer en lui comme une souffrance diffuse, comme s'il avait oublié une vieille blessure et qu'il avait trop couru, trop poussé, et que la cicatrice s'était rouverte en dedans. Il ressentait un malaise dont il ne savait analyser la cause, bien qu'il aie cru la tenir quelques instants auparavant. Était-ce elle, était-ce lui, étaient-ce eux? Était-ce une curieuse alchimie entre eux dont il n'avait aucun des codes? Il n'était qu'un nouveau né, frêle, fragile et dépendant, en demande. Lui, le soldat, l'arme, le protecteur. Lui qui se résumait à son couteau. C'était comme si sa chair venait de pousser autour de la garde, et qu'il ne savait s'il devait la tenir encore, ou devenir autre. Devenir quoi?

L'urgence se fit impérieuse, et alors qu'un homme véritable aurait cajolé cette jeune femme, il se détacha. Sans éclat, sans ambages, sans mot encore. Sans sourire. Il lui faisait confiance, mais lui ne savait se jauger. Il ne devait blesser la Soeur, alors il devait ranger le couteau. Auprès de Mère, dans son fourreau. Mère saurait l'apaiser, Mère saurait lui dire s'il marchait sur le bon chemin. Neige ne supportait d'être contradictoire, lui qui n'était que lois. Il se devait de chercher, et de chercher seul. Il craignait, oui, d'une vieille crainte qu'il avait oubliée depuis des années. Il avait peur de lui faire mal, de dénaturer ce qu'elle était, et de perdre ce qu'ils avaient trouvé.

C'était curieux, comme il avait froid, soudain, sans elle contre son coeur. Il y porta la main.


    Je chercherai ton visage en mon âme.

Toutes émouvantes que pouvaient être ses paroles simples, sans barrières, sans masque, elles étaient sincères et vraies. S'il réussissait à la trouver en lui-même, ça signifierait qu'elle y serait vraiment. Et il aurait un nouvel éclairage sur le chemin qu'il parcourait en aveugle. Aveugle, mais accompagné.

Il en parlerait au Chat, oui, sans doute. Il le fallait.

Il recula d'un pas encore, prenant ses pinceaux sans les regarder, son carnet sans le voir.


    Je te retrouverai. Je pars.

Quelque chose en lui se serra, et il senti une étrange brulure à ses yeux. Les larmes montaient. Il n'avait pourtant jamais pleuré.
Neige
Neige
Âme Londonienne

Messages : 57
Humeur : Fasciné. Toujours.

Masque Venitien
Rang & Statut:
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Amelia Ven 17 Juil - 0:44

Elle sentait les battements réguliers du cœur du Serpent, surprise. Sans bien comprendre pourquoi, cette sensation de sérénité augmentait à mesure que les secondes passaient, grâce à ce bruit sourd. Elle se sentait en sécurité dans cette étreinte, inconsciente que cette image pouvait être celle de l’Oisillon emprisonné entre les anneaux du Serpent.

Brusquement une nouvelle image Vint à elle. La Brume arriva de nouveau, s’insinuant de toutes parts, les englobant. Neige resta alors la seule chose visible à ses yeux, comme son seul point d’ancrage dans ce brouillard épais. Il la regardait, presque avec bienveillance, tandis qu’ils semblaient seuls au monde. Et la Brume disparut brusquement, tout ce qui se trouvait autour d’elle redevint clair, tandis qu’elle se retrouvait seule, Neige ayant disparut soudainement.

Elle rouvrit les yeux et prit une profonde inspiration. Ils étaient toujours là, tous les deux. C’est alors qu’elle comprit cette étrange vision. Neige était son présent, elle ne voyait que lui. Si elle désirait voir au-delà, elle perdait cet instant fugace. Peut-être était-ce la raison pour laquelle elle n’arrivait pas à réellement Voir Neige dans un avenir quelconque. Ou peut-être était-ce parce qu’elle était trop concernée elle-même par cet avenir pour arriver à discerner quelque chose à travers la Brume tout étant à ses côtés.

Devait-elle le garder près d’elle ou devait-elle regarder au-delà ? Elle ferma de nouveau les yeux et, sans chercher à comprendre, sans se questionner plus loin, décida de rester près de lui, malgré les risques, malgré le gouffre qui pouvait les aspirer et les détruire tous les deux. Alors qu’elle resserrait son étreinte, il se détacha brusquement, sans violence, sans éclat.

Il devenait nécessaire de s’éloigner l’un de l’autre, peut-être d’essayer de comprendre ce qui venait de se produire, plutôt que de se contenter de ressentir l’instant. Elle comprenait désormais pourquoi elle avait été troublée quelques heures plus tôt, pourquoi elle n’avait pas Vu en quoi allait consister sa journée. Pourrait-elle le Voir bientôt ? Ou plutôt le verrait-elle bientôt ? Cette question lui semblait plus importante, plus essentielle pour son esprit que l’idée d’avoir une vision quelconque le concernant. Mais elle n’avait aucune réponse et se demandait si quelqu’un serait capable de lui en donner une.

Mère peut-être le saurait. Elle connaissait mieux Neige que quiconque et elle la connaissait mieux que quiconque. Elle saurait peut-être lui dire ce qui s’était passé, ce qui allait se passer. Cet espoir, ténu, lui permis de lâcher son étreinte à son tour et de le laisser.

Elle poussa un léger soupir tandis qu’il lui parlait doucement. Elle était de nouveau seule, perdue dans le brouillard. Elle frissonna tandis qu’elle le regardait s’éloigner brusquement, comme s’il avait peur d’elle.


« Trouve moi vite alors… et reviens…»

Elle recula alors d’un pas, les mains tendues à quelques centimètres de lui, réalisant soudainement l’espace qui les séparait. L’Oisillon observa alors le Serpent de ses grands yeux démesurés sans dire un mot de plus, elle savait qu'ils n'auraient pas besoin de combler le silence ni l'un ni l'autre.

Puis elle tourna les talons.

Amelia
Amelia
Little Bird

Messages : 73

Masque Venitien
Rang & Statut: ~ Sucrerie ~
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Close your eyes, little one [Amelia] Empty Re: Close your eyes, little one [Amelia]

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum