Sucrerie
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Réassort du coffret Pokémon 151 ...
Voir le deal

Trouve le messager [Sel]

2 participants

Aller en bas

Trouve le messager [Sel] Empty Trouve le messager [Sel]

Message  Sucrerie Jeu 10 Sep - 22:20

La lettre lui sera confiée par l'un des habitants du Shelter, un gosse d'une dizaine d'années, qui dira que le messager était un jeune page à l'étonnante livrée, toute de rouge et d'or, avec un sourire à tomber -Certes pas en ces termes là, et en rougissant.

La lettre en elle même est d'un vélin impeccable, scellée d'une enveloppe plus commune, cachetée à la cire dans une attention surannée. L'écriture y est fine et longue, élégante, les boucles légèrement exagérées. Et surtout, traine sur le papier le souvenir d'un parfum inoubliable et indescriptible... Toute en français, hormis quelques mots.

My dear shadow bird,


J'ai encore en mémoire votre sourire, et les promesses échangées, tout comme le goût que vous aviez montré pour le jeu. Puisque vous l'aimez, alors, jouons, mon cher. Le messager porte votre présent tout comme il le sera, vous comprendrez tout à fait en l'ayant attrapé.

Je vous confierai d'autres choses sur le bal, bientôt, mais pour l'heure, installez-vous confortablement auprès d'un feu, et laissez-moi vous conter l'histoire de l'Étranger.

C'était là une terre à demi sauvage comme il y en a encore dans les parts reculées des contrées civilisées, des parcelles de nature et d'Esprits qui se refusent à la main de l'Homme. On les nomme Vierges, on a tord, car elles sont là terres fertiles et sauvages qui ne reconnaissent pas ces vertus, tout comme les rares personnes qu'elles daignent laisser vivre en leur sein. Ces gens là ne sont guère différents de nous, sauf qu'ils savent parler aux Esprits qui veillent, qu'ils savent leurs rêves, qu'ils ne connaissent de frontières en eux-mêmes que celles qu'ils n'ont pu encore repousser.

Dans l'une de ces terres, que je ne vous situerai pas, bien que l'ayant foulée un jour, il y avait une tour de pierre, il y avait un bourg de bois. Dans le bourg, des villageois, dans la tour, trois êtres: Le grand sage dont la barbe frôlait le sol, dont on avait oublié l'âge, la Reine, et le Roi. Pas de prince, pas de princesse, seulement le désarroi Car, s'il n'y avait de descendants, c'était là un signe que les temps avaient passé, que la nature s'était lassée. La fin de ce qu'ils étaient, et ils ne voulaient rejoindre l'humanité sourde aux secrets enfouis, abritée de ses icônes sévères et froides, quand ils avaient une maîtresse vivante et enveloppante comme une mère. L'Hiver vint, et emporta le Roi, terrassé par un grand cerf. La fin était consommée, et le sage baissait la tête de n'avoir su guider.

Ici commence le conte.

Ainsi me vient un étranger, à moi la Veuve, et il m'offre le Diable dompté. Il avait le teint blême de ceux qui ne viennent que lors des nuits, il tenait en sa main bien close une boite qu'il me tendit. Elle détient la voix du démon sur vos terres, me murmura-t-il, car jamais il n'élevait le ton, et forçait à se pencher vers lui pour mieux entendre. Il me dit, je puis en délivrer vos terres, vous pourriez le charmer, mais il vous faudra, sans doute, offrir quelque chose que vous auriez souhaité garder. Je restais coite, et lui offrit le logis, il choisit comme chambre celle de mon mari.

Je vous laisse ainsi en suspens, et j'ose espérer que ma cruauté ne me vaudra qu'une réponse enflammée.

Yours,
Ambrosa.

Le feu, alors, éclaira la pièce d'une lueur plus rouge. A moins que ça ne soit que le fruit de la rêverie.


Dernière édition par Sucrerie le Mar 15 Sep - 7:36, édité 2 fois
Sucrerie
Sucrerie
Milady

Messages : 311
Humeur : Sweet.

Masque Venitien
Rang & Statut: Veuve Delight - Noble Sulfureuse
Amours & Haines:

https://sucrerie.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Trouve le messager [Sel] Empty Re: Trouve le messager [Sel]

Message  Seleire Ven 11 Sep - 20:50

La réponse a été portée par le gamin du Shelter. Et à vrai dire, le gosse avait l'air ravi par la balade, une lueur d'espoir dans les yeux. Sel' lui avait raconté que dans ce manoir, ils avaient des sucreries. Il ne savait pas bien ce que c'était, mais peut-être qu'il pourrait en manger quelques unes, après tout, il avait sagement fait la course et il n'avait même pas ouvert l'enveloppe qu'il serrait précieusement contre son cœur.

L'enveloppe est toute simple, griffonnée de l'écriture fine et brouillonne, presque illisible de Seleire. Au dos de l'enveloppe, quelques mots griffonnés : "N'en veuillez pas à l'artiste en herbe qui a pris cette lettre pour son plan de travail." Et en effet, si un côté du vélin est simplement couvert d'encre, de mots griffonnés, de l'autre, quelqu'un a réalisé un portrait de Seleire. Simplement quelques coups de crayon noir, et pourtant, l'essence même de son regard et de ses sourires semble avoir été capturée et apposée ici. Seuls les yeux ont été colorés, d'un vert presque violent, qui donne à "l'œuvre" une étrangeté presque dérangeante.

Dame de mon cœur.

Je ne pense pas nécessaire de vous dire que j'ai dévoré votre lettre avec le plus grand plaisir, déjà impatient de recevoir la prochaine avant même d'avoir terminé la première.
Que dire, ma très chère, je ne suis pas poète, et les mots s'échappent très facilement quand on essaye de les coucher sur le papier. Votre messager aura certainement eu l'occasion de vous parler du Shelter. Et peut-être cela a-t-il éveillé votre curiosité.
Je vis là depuis plusieurs années à présent. Quand je suis arrivé, ce n'était qu'une petite maison tordue, mais déjà, ça riait, ça courait et ça se chamaillait tout le temps. Je me suis contenté de leur donner une vie un peu moins difficile. C'est Emi, cette chère vieille grand-mère, qui fait la beauté des lieux. Je suis certain que tous se feraient un plaisir de vous y accueillir si l'envie vous prenait de venir y faire une visite. Cole a déjà été renversé par votre messager.

Transmettez lui ce message de ma part : "Il ne tient qu'à moi de faire durer le jeu, une nuit, je viendrai t'emporter pour ne peut-être plus te libérer." et je vous en serai éternellement reconnaissant.

Le suspens, Dame de mes nuits, est bien la posture qui me convient le plus. Où serait le plaisir sans l'attente, les hésitations et les questions que l'on se pose. Je les savoure chacune autant que je déguste votre présence lorsque ce privilège m'est offert. Que seriez-vous, Dame de tous les secrets, si vous ne saviez provoquer cette fébrilité en tout un chacun. C'est avec ce sublime désir inassouvi que je vous laisse, Dame de mon cœur. Les mots ne sauront jamais remplacer le feu d'une émotion et pourtant, je brûle de poser les yeux sur les prochains que vous m'accorderez.

Sel'.
Seleire
Seleire
Âme Londonienne

Messages : 73

Masque Venitien
Rang & Statut:
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Trouve le messager [Sel] Empty Re: Trouve le messager [Sel]

Message  Sucrerie Mar 15 Sep - 8:01

Le gamin revint, portant une enveloppe et des joues d'autant plus roses, mais seulement le lendemain. Les poches pleines de bonbons enveloppées, et les yeux pleins d'étoiles. Reçu comme un roi, confessera-t-il, et désolé d'avoir découché, mais la chambre avait l'air si bien. Oui, il a tout juste croisé le messager, et il pense que c'est le fils naturel de la Dame des lieux, en tous cas, il avait les mêmes yeux. Violets, assurera-t-il. Ils sont violets. C'est très rare, et ça s'oublie pas.
La lettre enfin, dans son enveloppe serrée, simplement marquée d'une petite phrase: "Au Sel." Toujours son écriture, une fois encore, son parfum.

Mon cher étranger, tout comme je le suis;

Ma curiosité, Monsieur, est toujours en éveil à voir ce qu'il y a d'extraordinaire et de rare, fusse-t-il dénigré de ceux qui font perdre à l'Art sa majuscule en l'encadrant comme leurs chers tableaux pensifs. Aussi, oui, je réalise tout ce que votre confession pouvait avoir de précieux et je chéris l'instant où j'en passerai le seuil. Pardonnez-moi de nous faire languir tous deux de ce moment, mais j'aime à les choisir et je le veux idéal.
N'en voulez pas à votre petit Cole, il était si charmant et si curieux de tout que, partageant ce défaut tous deux, je lui ai montré tout ce qu'il a pu avant que ces bâillements ne finissent par lui voler sa voix. J'ose espérer que vous n'avez pas été inquiets, et que ces quelques douceurs -Si toutefois il ne les a pas toutes mangées- feront passer le temps que je vous ai volé de lui. Transmettez mon admiration complice à votre Emi, je vous prie, au nom de votre éternelle reconnaissance. Le messager est averti. Quant à votre artiste en herbe, il est ma foi une fort jolie pousse, je ne puis que vous conjurer de lui laisser toute la place qu'il faudra à ses branches pour capter la lumière de l'inspiration. Il est en bonne place à mes appartements, pardonnez-moi d'en voiler vos écrits.

Reprenons le conte, voulez-vous?

La fièvre me prenait, jour après jour, nuit après nuit, je ne rêvais plus. Mes songes étaient faits de lions et de loups, qui me déchiraient de part en part et se partageaient mes entrailles, luttant les uns contre les autres afin d'obtenir la noblesse de ma chair. Las! Le sage ne pouvait plus rien, disant que notre Mère avait fait son choix que de nous laisser flétrir, moi après mon tendre défunt. J'eus beau appeler ses mannes, serrer contre mon coeur ses souvenirs, rien n'y faisait. Il n'y avait que la voix de l'Étranger pour m'apaiser, bien que jamais je ne pus me souvenir d'un seul des mots que nous échangeâmes depuis sa venue. Mon esprit était troublé, je me sentais défaillir, pourtant je me devais de lutter le temps de ma vie, pour moi, pour mon peuple inquiet, portant déjà son propre deuil.
Je vis le printemps depuis ma fenêtre, fascinée de ce mince espoir, songeant là que c'était le dernier que je verrai fleurir sous la lumière tendre, j'y restais toute la journée. Et, là, je le vis, l'Étranger qui avait pris la couche de mon mari pour la sienne. Il dansait parmi les tombes, au dessus de la dernière demeure de mon époux allongé. Il semblait le narguer, le défier, et je vis à son front deux pousses de cornes qui se divisaient. Horrifiée, je m'en précipitais à la Tour gardant notre Sage, et ce fut pour le trouver pendu de désespoir, devant ses os des augures. Ils ne m'avaient jamais parlé et ne me parlèrent pas davantage. Je pensais aux bêtes qui se divisaient ma vie, et ne voulait me résoudre à être biche aux abois. J'en étais si révoltée que je le prononçais à haute voix, et j'entendis la sienne m'appeler. Pourtant, l'Étranger n'était nulle part.
Une Reine ne mourant pas sans lutter, je pris ma mante et l'épée de mon amour passé, pour sortir auprès des tombes.

My sweet shadow, si vous deviniez déjà les contours de cette histoire, vous auriez là un ascendant sur moi.

Avec tendresse,
Votre conteuse.
Sucrerie
Sucrerie
Milady

Messages : 311
Humeur : Sweet.

Masque Venitien
Rang & Statut: Veuve Delight - Noble Sulfureuse
Amours & Haines:

https://sucrerie.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Trouve le messager [Sel] Empty Re: Trouve le messager [Sel]

Message  Seleire Mar 15 Sep - 11:20

Ils se sont longuement chamaillés pour savoir qui aurait le privilège de porter la lettre cette fois, Cole bien sûr, a été écarté d'office, et la bouderie règne au Shelter alors que Seleire a fini par mettre un terme aux disputes en décidant arbitrairement. C'est à Raphael d'y aller. Plus rien d'une tête blonde, il est grand, adolescent tout en coudes et en genoux, d'épais cheveux noirs ébouriffés jusqu'à un point remarquable. En contradiction avec son âge et son apparence, sa posture voutée, il fait preuve d'une certaine assurance, d'une tranquillité sereine qui n'a rien de morne.

Si l'écriture a été soignée, ça ne se voit pas, toujours aussi peu lisible. Un autre dessin a été glissé dans l'enveloppe, cette fois-ci, la feuille est couverte d'abstrait, couleurs sombres, dont seul le cœur est lumineux, faiblement. Une sensation d'étouffement, qui au premier regard prend à la gorge avant de se diluer dans les vagues formes, brumeuses, que l'on distingue à peine.



Très chère Enchanteresse,

Tout d'abord, avant de commencer, je tiens à vous dire si je n'évoque pas le conte, c'est dans la simple écoute de la conteuse, je n'ai nulle envie de vous interrompre, de faire part de mes impressions, et de troubler ce récit. Lorsqu'il sera terminé, alors vous connaîtrez ma pensée.
Ne vous en faites pas pour Cole, Dame, je sais assez de l'attraction qui règne en votre demeure pour ne pas m'étonner le moins du monde qu'il y ai cédé avec tout l'enthousiasme dont il est capable. J'aurais été déçu même qu'il en soit autrement.

Sachez, douce Pandore, que vous avez semé une amusante discorde au sein du Shelter. Et c'est Raphael qui cette fois a reçu l'insigne honneur de vous porter cette simple lettre. Je crains fort que ne vous attende déjà une cour de petits enthousiasmés pour le jour où vous trouverez le courage de franchir le seuil de la cage aux fauves. S'il m'arrivait d'accepter de vous laisser repartir, c'est contre eux qu'il vous faudrait lutter pour atteindre la porte.
Emi aurait voulu que je vous demande de ne pas inonder nos petits messagers de sucreries dans le même temps où je vous transmettrai ses remerciements. Mais voilà mon avis, si les garnements qui vivent ici ne s'ennuient que rarement, toujours occupés à comploter et se chamailler quand ils n'ont rien à apprendre ou à faire, je regretterai fort qu'ils reviennent sans cet immense sourire qui fait trois fois le tour de leur tête et cette mine mystérieuse de celui qui gardera précieusement le secret de ce qu'il à vu pour s'en faire un petit trésor.

Et lorsqu'on parle de petit trésor, peut-être l'occasion arrivera de vous présenter le mien, Dame. Qu'enfin j'ai pu sortir de son pot pour lui laisser tout loisir de s'épanouir. Peut-être à ma prochaine visite la glisserai-je dans ma poche. Toujours est-il qu'elle a l'air d'avoir décidé de vous faire profiter de sa passion. Prenez garde à ne pas vous laisser ensorceler. Pas trop vite du moins.

Et cette visite aura lieu, Dame de mes rêves, pour la simple raison que, que vous le sachiez ou non, vous me devez un baiser.
Nul besoin de préciser que je pense à vous et au sucre délicat qui vous pare.

Sel'.



Seleire
Seleire
Âme Londonienne

Messages : 73

Masque Venitien
Rang & Statut:
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Trouve le messager [Sel] Empty Re: Trouve le messager [Sel]

Message  Sucrerie Sam 19 Sep - 22:36

Raphael fut de retour au surlendemain, le sourire aux lèvres et la mine de celui qui venait de s'éveiller d'un rêve. il refusa d'en dire davantage, mais déclara avoir passé les meilleures nuits qu'on puisse imaginer. Les poches emplies non plus de confiseries, mais de petits présents sans valeur pour beaucoup, mais qui ravissent les enfants. Pour celle ci un ruban pour celui là une feuille d'arbre rare, séchée et prise entre deux pages rigides, pour celui-ci un vieux livre. Pour une-telle, une plume d'oie, pour untel, une miniature de cheval en bois sculpté.
Et pour Sel', la lettre, accompagnée de deux autres enveloppes. Un petit mot scellé, marqué de ces termes: "Attendez d'avoir bien lui, avant d'ouvrir ceci". Et un autre, laissé libre, marqué d'une entête limpide: "A l'artiste".

Sweetheart,

Longs me paraissent les jours, dans l'attente de nos moments. Vous aurez votre dû, et c'est une dette qui me tient résolument à coeur de ne pas laisser impayée. J'ai voulu céder à votre Emy, j'ose espérer qu'elle verra l'intention d'un seulement bon oeil, cette fois, sans que vos petits ne s'en trouvent déçus.
Quant à votre trésor, ma fenêtre vous est toujours ouverte, et j'écris ces quelques lignes tout en espérant vous voir vous y pencher, charmant corbeau au chant de rossignol.

Il suffit, voilà votre récit.

Il y avait la tombe de mon époux, fermée, alors qu'un instant l'ombre joueuse me la laissa entrevoir ouverte. Mon cœur manqua un battement et fit un bond, alors que je m'effrayais, alors que j'espérais le revoir tout à la fois. Rien ne vint sauf le souffle de l'Etranger sur ma nuque. Je le sentais présent, je ne le voyais nulle part. La frayeur me saisit toute entière, moi qui m'étais jusqu'alors refusée à elle sans faillir. Les ombres s'élevaient, je les combattais, je les mettais en garde, je délirais enfin. Vaincue de terreur et d'épuisement, avant le point du jour, je m'efforcerais sur la tombe, gisant au dessus de celui qui reposait. Je fis un rêve trouble tout autant que troublant, et m'éveillais dans mon lit. Mes servantes empressées me demandaient quel monstre avait pu m'assaillir, pour qu'on me trouve au matin dénudée et blessée, couchée comme je m'étais couchée sur la tombe, je ne trouvais rien à leur dire.

Une saison passa, l'été venait et portait ses fruits, ainsi que moi. J'étais enceinte, tous célébraient le miracle de la terre. Tous, sauf mes servantes qui m'avaient trouvée et qui n'osaient plus la moindre question. L'Etranger était toujours là, à me chanter ses mots, et je m'enfonçais encore davantage dans la faiblesse qui m'avais prise cette nuit-là. J'avais voulu le chasser, mais sans entendre ses paroles, je m'étais effondrée au soir même, mourante au levé jusqu'à ce qu'on me rapporte sa voix auprès de moi. La colère avait succédé à la peur, mais je m'étais résolue à offrir mon fruit à mon peuple avant de le chasser enfin, et de ne plus voir le jour. L'automne s'en vint et mes langueurs n'avaient rien à lui envier. Mon peuple revivait, les temps étaient étrangement fertiles et cléments, bien que sombres et étranges comme les chants de l'Etranger. L'hiver enfin para les terres. La lune était rougeâtre et le ciel clair lorsqu'il arriva l'instant de la délivrance, et, stoïque face à la douleur comme l'est une Reine, je m'attendais à voir venir l'Etranger. Il me venait chaque jour, juste à l'instant où le soleil était mourant. Il ne vint pas, et à l'agonie de la souffrance venait s'ajouter celle de l'enfantement. Je me retenais de hurler de dépit, de sombrer de fatigue, je ne parvenais plus à rien. On se pressa auprès de moi, on pleura, on disait déjà que l'enfant allait mourir avec sa Reine. Je ne voulais pas mourir avant d'avoir offert l'espoir, et je demandais qu'on me porte ce présent que j'avais gardé caché, dans une boîte et encore une autre boite, et on vint me le chercher, en dernière volonté d'une mourante.

Je l'ouvris, me disant que le prix ne pouvait être pire que cette fin. Je me trompais. De cette boîte, il ne surgit rien. Il n'y avait rien d'autre que le vide et l'absence, bien qu'il me sembla percevoir un instant son soupir. Je versais une larme et m'effondrais.

Une seconde fois je revins à moi, au milieu de ma chambre vidée de vie, mais non de présences. Ils étaient là, tous autour de moi, ceux qui empressés de pleurer ma mort n'avaient pas attendu la fin de ma vie, et avaient trouvé la fin de la leur. La boîte vide était contre mon ventre qui l'était tout autant, et face à moi se tenait l'Etranger. Il tenait mon enfant contre lui, souriait comme un ange, et ses paroles me vinrent, claires et foudroyantes, pour se graver en moi comme ses premiers propos l'avait fait.

« Ainsi je te délivre du démon de tes terres, ma Reine, en quittant tes côtés. Tu m'as offert ce que je désirais, je t'offre ton prix. Un an tu as été mienne, un an je te laisse libre. Notre fille sera belle et la lignée féconde. »

Et il parti, sans que je ne puisse rien dire. Je ne pus plus rien prononcer. Je règne sur les ruines de ce qui a été, et un an m'aura été nécessaire pour creuser toutes ces tombes, puis la mienne, aux côtés de mon époux. Ne parlez pas, mais répétez, ne prononcez jamais les mots de l'Etranger. J'ai gravé ces mémoires sur ce qu'il reste de nous tous, puissiez vous lire et transmettre. Que personne n'ouvre la porte à son propre démon.

Ainsi se termine le conte, ainsi reste la boite vide, ouverte, qui attend de se refermer un jour sur un autre.


Contez à votre tour, et donnez la chasse à mon petit messager, il s'ennuie.

Un baiser vous attend,
Ambrosa.


Le mot scellé contient un vélin fort sur lequel il est marqué:

Votre réponse, il me faudra cueillir,
Au pied d'une Dame de fer, lorsqu'elle tranchera l'instant
Entre deux jours, pour savoir de qui, entre aujourd'hui et demain
Est le vainqueur, est le gisant. La question se pose encore, venez m'y répondre
J'attendrai.

Quant à la note à l'artiste, elle contient une esquisse faite au fusain d'un visage enfantin, tout à fait reconnaissable parmi les volutes de brumes, d'une enfant ravissante, tenant un crayon.
Sucrerie
Sucrerie
Milady

Messages : 311
Humeur : Sweet.

Masque Venitien
Rang & Statut: Veuve Delight - Noble Sulfureuse
Amours & Haines:

https://sucrerie.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Trouve le messager [Sel] Empty Re: Trouve le messager [Sel]

Message  Seleire Sam 19 Sep - 22:57

Au grand dam des garnements du Shelter, la réponse fût portée par une ombre, qui se contenta de glisser le parchemin plié en deux sous la porte. Et Sel' ne prit pas la peine de leur dire que ce ne serait certainement pas la dernière fois qu'ils profiteraient des gourmandises Delight.

Toujours la même écriture, mais pas d'enveloppe, pas de marque, simplement cette écriture qu'elle n'aura aucun mal à reconnaître. Le texte est écrit en français.



Mon amour, j'ai pensé
Avec naïveté
Qu'un brin seul de muguet
Pouvait te ramener
Alors j'ai retrouvé
Un ou deux vieux sonnets
Pour te rappeler, pour te rappeler

A moi, mon amour
A travers ce beau jour
De printemps, j'ai laissé
Près de tes pieds tomber
Un brin seul de muguet
Mais il s'est desséché
Attendant ce baiser
Qui ne viendra jamais

Le mois de mai
S'est joué de moi
Cette année
J'ai laisser couler trop d'émoi
Cette fois le mois de mai
S'est moqué de moi
Cette année
J'ai laissé couler trop d'émoi
Cette fois

Il est parti le temps
Il n'a pas pris son temps
Me voilà qui t'attend
Comme un vieux prétendant
Me voilà qui regrette
Devant ces quelques miettes
Une vieille amourette
Qui n'a ni queue ni tête

Mon amour, j'ai pensé
Avec naïveté
Qu'un brin seul de muguet
Pouvait te ramener
Alors j'ai trouvé
Un ou deux vieux sonnets
Que tu n'as jamais aimé

Le mois de mai
S'est joué de moi
Cette année
J'ai laissé couler trop d'émoi
Cette fois le mois de mai
S'est moqué de moi
Cette année
J'ai laissé couler trop d'émoi
Cette fois

Je voulais, je l'avoue
Danser joue contre joue
Je l'avoue, je rêvais
De te faire tournoyer
Respirer cet air frais
Regarder rayonner
Le visage d'un amour
Qui n'a pas vu le jour

Mon amour, j'ai pensé
Avec naïveté
Qu'un brin seul de muguet
Pouvait te ramener
Alors j'ai retrouvé
Un ou deux vieux sonnets
Je sais, tu n'aimes pas les sonnets

Je sais.

Rien de plus, ni dessin, ni signature, ni quelques mots d'acceptation. Nul besoin de tout ceci, la réponse viendra, telle qu'elle a été demandée. Qui serait assez fou pour croire qu'il refusera le rendez-vous qui lui a été donné. Bien au contraire, il s'occupera de la réponse jusqu'au début de la nuit, puis, tranquillement, s'habillera, se préparera, et arrivera au lieu donné. Un peu en avance, toujours, surtout lorsqu'il s'agit d'une femme, pour s'assurer que le danger ne se profile pas, bien sûr, mais surtout pour le plaisir d'attendre.
Seleire
Seleire
Âme Londonienne

Messages : 73

Masque Venitien
Rang & Statut:
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

Trouve le messager [Sel] Empty Re: Trouve le messager [Sel]

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum