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The Years Slipped Past Like Flowers

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Message  Lucian Laurel Dim 7 Juin - 6:59

Le pantalon d’abord. Puis la chemise. Et ensuite, la cravate. Ses doigts s’exécutaient machinalement, sans même qu’il n’ait à les guider. Lord Laurel se vêtait, assis sur le bord du lit qu’il partageait ou plutôt, qu’il feignait de partager avec son épouse. La présence de Diane dans la pièce était à peine perceptible. Sa Lady s’étiolait plus qu’elle ne brûlait, elle se déplaçait sans bruit, sans brusquerie et pourtant, il la savait bel et bien là, à quelques pas de lui. La distance entre eux était douloureusement palpable. Pas d’une douleur vive, non. Pas après toutes ces années. Elle avait la sensation d’une cicatrice quasi-disparue, d’un membre tranché qu’on croirait toujours rattaché à son corps, impression fantôme qui ne se résignait pas à mourir.

Il se releva pour chausser ses bottes, se saisir de sa redingote abandonnée sur le dossier d’un fauteuil. Si arranger sa mise était devenu une habitude, entrer en contact avec sa femme lui était désormais tout sauf aisé. Trop d’années les avaient séparés. Sa main aurait voulu s’étendre, se poser sur le bras glacé de Diane ou mieux encore, l’attirer elle dans une véritable étreinte, la réchauffer du feu qui se consumait en lui… mais il ne se souvenait plus des gestes qu’il lui fallait poser, de comment insuffler de l’affection dans son regard, dans ses paroles lorsqu’il s’adressait à son épouse.

Sa voix transperça le silence, sonnant presque étrangère à ses oreilles, comme si le mutisme s’était imposé depuis trop longtemps entre eux.

« Il nous faudrait bientôt songer à l’avenir de nos filles, ma chère. Je n’ai pas encore pris le soin de considérer les différents partis qui s’offrent à elles. Peut-être y avez-vous réfléchi vous-même? »

Question purement rhétorique. Leurs enfants n’avaient jamais été au cœur de leurs préoccupations, possiblement parce qu’ils n’avaient pas été à la hauteur des attentes de chacun des époux. Qui plus est, tous savaient que Lady Laurel était beaucoup trop indolente, trop repliée sur elle-même pour se charger du mariage de ses filles.

Lucian s’était avancé vers sa Dame, son regard d’acier cherchant à croiser le sien, à établir un lien entre eux. Ses doigts se seraient presque rapprochés pour soulever un menton d’une grande délicatesse, redresser ce cou de cygne pour que se dévoile un visage trop souvent sibyllin.

« Vous portez-vous bien, ces derniers temps? Il me semble ne pas m’en être assez inquiété… Pas autant que ne le devrait un homme qui sait son épouse souffrante. »

Si sa voix était demeurée égale, elle ne s’était toutefois pas élevée au-dessus du murmure, comme s’il craignait de faire fuir la créature insaisissable devant lui. Souffrante, Lady Laurel? Pas du mal que la société londonienne voulait bien lui attribuer. Lord Laurel, lui-même dévoré par l’abîme qu’était la Brume, savait à quoi s’en tenir.
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Message  Diane Laurel Lun 8 Juin - 12:53

Elle lui tournait dos. Tout était dit dans cette simple posture. Lorsqu'elle était en dehors de ce lieu précis, elle n'avait pas à être si ostentatoire pour démontrer toutes ces barrières infranchissables qu'il y avait entre eux. Il suffisait de voir ô combien ils n'avaient en commun que quelques gouttes d'un sang frelaté à force de tourner dans de trop proches veines. Comme Milord était haït, alors qu'elle était simplement oubliée. Petit à petit. Année après année. Il n'y avait guère que son rang et sa beauté pour la rattacher encore à l'existence mortelle, tant elle avait cessé de se mêler à d'autres, d'être autre chose que cette figure pâle et lointaine, faiblissante dryade captive d'une ville qui aurait poussé autour de son arbre.

Elle les méprisait, tous. Tous ces gens si petits, si identiques, si vains, si mièvres. Les mêmes émois, des rêves semblables, des aspirations basses. Du bétail bêlant, tout juste bon à bouffer et à se laisser traire. Cette chambre était son havre, son refuge. Aucun être de l'extérieur n'y entrait, jamais l'une de ses filles n'y avait posé pied. De ses filles naturelles, s'entend. Eve, elle, avait profané son sanctuaire sans doute. Son humeur avait été si jubilatoire, passé un temps, que la Chasseresse était persuadée qu'il avait été là, avec elle, et qu'ils avaient consommé l'acte. La fillette avait dû le vivre comme une victoire. Pauvrette. Si elle savait.

Mais il était là, avec elle, et c'était pour Diane une lutte sempiternelle. Elle sentait ce feu en lui, elle qui était si glacée. Elle savait, devinait cette envie contrainte, muselée, de s'approcher d'elle et de la réchauffer. Elle s'était revêtue de glace, et s'il approchait, elle serait à nouveau nue face à lui comme elle l'avait été dans ses instants sublimes de fusion entre eux, ses instants lointains, merveilleux et assassins qu'il avait souillés de son départ. Elle lui en voulait toujours. C'était lointain, c'était diffus, elle finirait par le tuer pour ça et de la pire des manières qui soit, par la déchéance et la honte, mais ce n'était plus vif. Elle s'était trop revêtue pour ça. Même si elle devait lui tourner le dos, car, même si elle se refusait à l'avouer à quiconque, son regard, le regard de son époux, ranimait une flamme en elle. Une flamme qui faisait écho aux rares souvenirs du lieu. Aux soupirs, aux souffles partagés, aux mains qui se nouent, aux corps qui se déchirent.

C'était une chose qu'elle avait abandonné à Eve. Elle l'avait permis, approuvé, scellé de la Brume pour avoir au moins la fierté lâche de se dire que leur amour était factice. Que le coeur de son époux lui appartenait encore, ne serait-ce que de cette façon. Qu'elle avait le pouvoir d'éteindre ça demain. Forte de son carcan de mépris et de haine si âgée, elle se retourna. Elle avait la cruauté d'être de celles sur qui le temps ne fait que renforcer l'allure, donner une réelle profondeur à cette beauté que la jeunesse offre, pour la garder avec elle souvent lorsqu'elle part. Sa jeunesse à elle était encore là, figée dans une mort étrange qui l'a laissée là, intacte, immobile, inutile. Elle savait que sa chevelure, en s'éclatant sur l'oreiller, réveillait parfois des pointes dans les entrailles de Lucian. C'étaient ses friandises. Ses avants goûts de vengeance.
Elle était là, presque abandonnée, aussi pâle qu'une gisante, quand elle referma les yeux, refusant son regard après avoir offert sa vue. Une lâcheté coutumière.

La seule en âge d'être convoitée est la vôtre, cердце моё.


Le russe, entre ses lèvres, avait la saveur d'un alcool fin. Elle feignit de s'étirer, offrant gorge, l'arc de l'épaule. Jamais elle n'avait saisit cette fibre pourtant si aisé, si évidente, dans le coeur de son éloigné mari pour la faire gonfler, gonfler et gonfler encore jusqu'à ce qu'il en aie l'âme éclatée d'amour et d'impuissance à son égard. Elle le pouvait. Elle le pouvait, oui. Parfois elle en était même tentée.

Mais je vous sais trop protecteur envers elle, et trop enthousiaste de ce qu'elle est pour la laisser à d'autres mains que les vôtres.


L'épine de la rose. Le fiel à ses lèvres. Elle feignit d'admirer cette vue qu'elle connaissait plus que par coeur, avec le détachement de celle qui ignore à quel point l'engagement est bafoué.

Je vais bien.


Soupira-t-elle enfin, d'une façon si ténue que ç'en était presque inaudible. Elle aurait aimer lui hurler qu'il l'avait assassinée il y a de ça presque vingt et un ans, et qu'il était bien tard pour s'en inquiéter. Elle se contenta de sourire à la bruine sur les vitres.
Comme les jours avant celui-ci.
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Message  Lucian Laurel Lun 8 Juin - 18:27

Un pincement de cœur. Un élancement vague qui lui parcourait la poitrine. C’était ce que Diane suscitait encore chez lui alors qu’elle se tournait pour lui faire face, ne lui offrant toutefois pas la grâce de plonger leur regard l’un dans l’autre. Son épouse lunaire. Lucian retint le léger soupir qui menaçait de s’échapper de ses lèvres. Ses doigts se seraient perdus dans la chevelure de sa Séléné, mais peut-être celle-ci se seraient-elle dérobée à son toucher, s’y serait-elle soustraite par un quelconque artifice. Il n’y avait pas que les années pour le retenir, le contraindre à la léthargie. Il y avait Diane elle-même et cette fâcheuse impression que s’il s’avançait vers elle, la prenait dans ses bras pour l’allonger sur ce lit, leur lit dont ils n’avaient pas fait usage depuis si longtemps ; elle se briserait, s’évanouirait et de leur étreinte, ne demeurerait plus qu’un souvenir amer.

Puis, la Chasseresse décocha ses flèches. Lord Laurel ne découvrait que rarement son flanc. Qu’on profite de sa faiblesse momentanée, de l’ouverture offerte pour attaquer et non s’exposer à son tour l’amenait d’abord à refermer ses murailles, puis ensuite durcir son âme déjà aride, déjà revêche et émaciée. Ce n’était pas là une tragédie. Il ne fallait pas le plaindre. Malheur d’aristocrate était bien petit comparé au combat pour la survivance que devaient mener chaque jour les petites gens de Londres. Le quotidien de la noblesse était celui des intrigues, des piques lancées avec un sourire de miel et des bassesses enveloppées de soie et de dorure.

La question était désormais : lui fallait-il simplement parer ou pouvait-il se permettre de répliquer? Il savait être le principal fautif du désastre qu’avait connu leur mariage. Si seulement il était resté en Angleterre, dans son domaine, auprès de sa famille… mais il n’aurait pu s’y résoudre. Il lui fallait absolument partir à l’époque. Aujourd’hui, il ne regrettait rien, même si le pouvoir, le mal qu’il avait rapporté de ses errances risquait de l’engloutir dans d’impénétrables abîmes, même s’il lui avait fallu sacrifier épouse et enfants. La faim avait été trop forte.

Parer ou réplique? Cette joute ne déclarerait aucun vainqueur. Les femmes avaient la rancune tenace et lui ne savourerait pas de prétendue victoire sur sa propre épouse. Chaque camp rongeait ses griefs, ses remords depuis trop longtemps pour que de la lutte émerge autre chose qu’une défaite égale. Ainsi, sa voix s’éleva à son tour, aussi policée que froide, dénuée d’animosité, possiblement lasse :

« La nôtre, ma douce. Je vous serais gré de l’accepter comme la vôtre également. »

Un infime soupir franchit la frontière de ses lèvres avant qu’il ne poursuivre :

« Ou à tout le moins, si vous ne daignez pas m’en faire la grâce derrière les portes closes, le faire devant le reste du monde. »

Une trace d’ironie éclaira ses prunelles grises, l’homme qui se sait perdu et qui en rit, qui fait mine de porter attention aux convenances alors qu’elles ont été bafouées il y a de ça des décades et des décades :

« Ne nous faites pas apparaître plus désunis que nous ne le sommes déjà. »

Lord Laurel s’était rapproché de sa dame. Elle affirmait aller bien. Il ne possédait pas son pouvoir, ne pouvait se fier qu’à ses sens, qu’à son instinct pour déterminer si elle disait vrai. Sans doute qu’elle mentait, non pas pour l’épargner, seulement pour éviter de fausses commisérations.

« Je vous crois, » se contenta-t-il de murmurer.

Murmurer, oui, car à nouveau cette envie d’un contact, d’un frôlement, d’un frémissement l’avait étreint et à nouveau, cette crainte de provoquer la fuite ou l’effondrement. Pourtant, sa main s’était avancée d’elle-même pour effleurer une mèche d’un blond pâle. Son épouse lunaire. Ne l’avait-elle pas appelé « mon cœur »? Par dérision, sans doute. Son regard d’acier suivit celui de sa femme, porté vers la fenêtre.

« Désiriez-vous sortir, ma chère? Le temps ne s’y prête guère. »

Aurait-elle aimé tout ce que ses yeux avaient pu contempler de merveilles, alors qu’il parcourait le monde? Aurait-il dû l’emmener avec lui? Que de regrets passés, futiles. Il retint ses doigts de s'aventurer jusqu'à caresser la courbe trop douce, trop lisse, trop parfaite d'une joue. Que du passé.
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Message  Diane Laurel Mer 10 Juin - 4:32

La saveur des émois de Lucian était celle du soufre. Un relent d'enfer naissait à chaque inflexion de son âme, chaque mouvement, comme s'il avait été remplacé par quelque incube amnésique, que son époux de chair et de sang ne lui était en réalité jamais revenu. Quelque part, Diane aurait aimé, elle aurait eu le confort de songer qu'il n'avait jamais voulu quitter ses bras, qu'elle avait davantage d'attraits qu'un lointain indéfini, que c'était d'une volonté extérieure malintentionnée que son malheur diffus était né. Mais elle ne connaissait que trop bien le coeur des incubes, et celui des damnés. Son époux était bien des seconds, et alors qu'il frôlait sa chevelure -Oh, à peine, c'était juste s'il avait véritablement fait le geste- elle plongea ses yeux dans les siens. C'était là chose rare, et presque brutale. Comme ces yeux-là avaient de la force. Comme ils démentaient son statut de morte, de spectre, rien qu'à cette façon qu'ils avaient de saisir l'âme et d'y plonger comme des griffes, des racines. Ce qu'ils faisaient sans doute, d'une certaine façon.

Ne parlons plus d'elle.


Fit-elle alors d'une voix trop douce, trop floue, qu'elle regretta aussitôt, détachant son regard de ses yeux. On aurait pu croire n'avoir que rêvé trop fort de cet instant. De ce contact, pas même physique, mais au moins une preuve de son existence au delà des murs et de la Brume. Comme s'il venait de découvrir sur sa peau lisse une cicatrice, une marque qu'il lui aurait lui-même infligée -Preuve qu'il pouvait la toucher. Elle était lasse, si lasse. Déjà fatiguée de cette journée, de cet instant. Elle n'était pas d'humeur à se battre, elle ne l'était plus depuis des années.
Son désir, disait-il. Son désir était qu'il étrangle cette sotte, qu'il dévore ses propres filles, et qu'ils partent de cette ville qui n'était qu'une prison, un cloaque qui avait englué le papillon qu'elle était pour le laisser se dessécher, lentement. Elle semblait si fragile, sur l'instant, sur ce détour, cette fuite parmi d'autres. Mais fragile à être consolée. Blessée à en être pansée. Elle se refusa de l'être, et avant qu'il ne puisse lever sa main et la toucher vraiment sans faire un geste trop grand -Et par trop volontaire pour leur inertie affectée- elle se releva à demi, presque assise, soutenue de son bras.
Il y avait une sensualité sourde et morbide à sa vision. La beauté de la maladie, de la souffrance, le baiser froid de Thanatos. Elle était désirable, car, dans un biais presque pervers, sa faiblesse lui allait comme une parure, une coquetterie.

Je ne sais quel siècle s'y prêtera.


Finit-elle par dire, , visage éternellement offert à la vitre giflée de pluie. C'était là bien davantage les années qu'un peu d'eau qui faisaient peser sa langueur. Elle voulait se faire fade, pour qu'il la quitte, qu'il aille rejoindre les bras de sa petite vipère au sang trop chaud et trop acide. Si plein de drames et de volutes, quand elle était l'éther même. Mais encore une fois, elle se refusa de griffer son coeur pour écorner son propre reflet dans l'âme de Lucian. Elle ne se toucherait jamais. Elle voulait de l'émoi authentique, qu'il soit haineux, méprisant ou tendre. Dépourvu de Brume. C'était la seule chose au monde qu'elle souhaitait dépourvue de Brume.
Il avait fallu que ce soit la seule chose au monde qui se soit refusée à elle.
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Message  Lucian Laurel Jeu 18 Juin - 3:40

Leurs yeux se rencontrèrent finalement et, ce qui aurait dû être un coup d’épée dans l’eau, l’acier transperçant l’onde claire des prunelles de sa Dame, se mua en véritable joute. Son regard gris croisa le fer avec celui, limpide mais non moins létal, de son épouse. Il y eut sans doute plus de vérité à cet instant qu’il n’y en avait eu jusqu’ici, dans cet échange stérile, las, trop convenu pour être convaincant.

Si les piques dirigées vers Ève ne l’avaient pas surpris, Lord Laurel fut autrement plus étonné de constater qu’elles n’étaient pas lancées par simple usage. En faisant taire ce nom tabou, honni, sa Chasseresse admettait une faiblesse, découvrait à son tour un flanc vulnérable et elle dut le réaliser elle-même, car déjà, se dérobait-elle à nouveau. Une haine dénuée de souffrance l’aurait poussée à tordre le poignard dans la plaie, la rendre béante pour que s’en écoule toutes ces années de dépit… et pourtant, elle choisissait un silence lourd de tension. Était-ce un traitement plus cruel encore? Il était sûrement préférable à d’incessantes remontrances et, plus encore, il trahissait une douleur que Lucian croyait depuis longtemps éteinte. Avait-il été naïf de présumer que Diane ne déversait son fiel que parce que cela était son rôle de femme trompée?

Une légère appréhension, une pointe de curiosité – non, pas de la peur, l’âme de Lord Laurel, consumée par la Brume, était devenue étrangère à de tels transports – l’étreignirent à la suite de cette révélation, cette victoire factice. Actéon, transformé en cerf, n’avait-il pas été dévoré par une horde de cinquante chiens, après avoir entrevu une Diane nue, sans voile? Il ne doutait pas que la vengeance viendrait un jour. Il n’était pas sot au point de compter se tirer indemne de la liaison aussi sulfureuse et délicieusement illicite qu’il connaissait avec Ève. Peut-être se savait-il d’ores et déjà damné et n’en avait cure… Peut-être avait-il confiance que la Brume aurait raison de lui avant qu’aucun mortel n’ait le temps ou l’habileté pour le vaincre…

Il émit un rire bref à la remarque de sa compagne, la montre à gousset à son veston lui paraissant soudainement plus lourde à porter. Jusqu’ici, l’âge ne l’avait pas amoindri, n’avait pas réussi à éteindre le feu qui brûlait en lui, pas plus qu’il ne semblait avoir fané la beauté de son épouse d’éther. Lord Laurel n’envisageait pas pousser son dernier soupir dans son lit, fauché par la vieillesse. Quant à un autre âge, une époque différente, il lui faudrait d’abord s’assurer que l’au-delà qui lui était destiné ne résidait pas aux Enfers.


« Quel siècle? Je ne suis pas même certain que nous assisterons au tournant du prochain. »

Quelques pas jusqu’à la porte-fenêtre. Sa main s’éleva, se posa contre le carreau et il fut envahi par l’étrange impression que c’était là la représentation même de son mariage. Chaque époux était séparé par une vitre de verre que la pluie, la Brume surtout rendaient impénétrable, brouillée, confuse.
Saisi d’une inspiration subite, Lucian se tourna à demi pour contempler Diane, toujours aussi alanguie. Lui accordant un sourire pâle, il suggéra :

« Cependant… À défaut de lui faire l’honneur d’aller vous-même à sa rencontre, vous pourriez laisser la Nature venir jusqu’à vous. »

Et il tourna les poignées, libéra momentanément leur chambre du brouillard et des vapeurs délétères qu’elle renfermait pour que s’engouffrent dans cette pièce trop silencieuse, trop vide la clameur provenant de la Tamise et tout particulièrement, les éléments, espérant que le vent, la pluie revigorent leur coeur embrumé.
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Message  Diane Laurel Ven 19 Juin - 5:05

La pièce était emplie de fantômes. Il n'y avait pas qu'elle pour être un spectre, il y avait leur amour mort né, il y avait ce qu'ils auraient pu être, qui flottait là entre eux, accusateur comme un enfant famélique, il y avait l'ombre d'un mal attiré par un pacte ancien dont ils avaient hérité. Ils étaient entourés de morts. L'air neuf, né de la pluie, les soulignait par un contraste froid, comme si le dehors avait soulevé le linceul couvrant leurs cadavres et leurs mains rougies d'un mauvais sang. Les vieux crimes ne se laissaient pas diminuer par le temps, il n'y avait guère que les vivants pour être érodés. L'eau tachait le sol de leur couche, comme pour y dessiner les rivières de leurs blessures, des larmes qui n'avaient pas su couler. Il apparu alors plus crument que jamais à la Dame Blanche que ce mal sourd et lent n'avait d'autre cause que les armes qu'ils avaient tourné vers eux-mêmes, dans leur hymen assassiné de fierté, de retenue, de refus d'être livré.

Sa vieille haine s'en éveilla soudain, et l'inspiration d'air glacé qu'elle prit lui sembla devenir un feu alors qu'il roula en ses veines. Comme elle pouvait lui tenir rancoeur pour n'avoir su l'embraser elle, pour n'avoir su deviner que cette violence qu'elle savait en lui, elle la désirait contre elle. Qu'elle aurait aimé, oui, bien trop aimé pour en faire le moindre signe, qu'il la prenne de force, qu'il la revendique sienne, à nouveau, à jamais. Les ombres nues de la chambre vide étaient pleines de tout ce qu'ils n'avaient su faire, su dire.
Mais il n'était pas encore parti. Il n'était pas encore venu quérir sa vipère pour s'en faire injecter le venin -Une mort lente à laquelle elle le promettait, mais d'une autre main que la sienne, pour qu'elle en sente elle aussi la griffe- et il restait. Sentait-elle ce reste, cette fêlure en lui, s'agiter et vouloir vivre? Elle refusa de la voir, tout d'un bloc, fermant les yeux à l'instant. Son corps, lui frissonna, se tendit sous le froid. Chair faible et enveloppe traîtresse. Il avait hésité, c'était à elle de le faire. Elle était là, et pouvait choisir de ne se mouvoir, d'attendre qu'il quitte la pierre de son tombeau et qu'il cesse d'appeler ses mannes. Elle pouvait choisir de refermer elle même la dalle, et de signifier ainsi une hostilité plus franche qui achèverait ce qui voulait vivre entre eux, de nouveau, comme un enfant en son ventre.

Ce fut pour cela que, pour ne pas pleurer, pas encore, plus jamais pour lui, elle se leva. La main prenait appui sur le mur, à peine, elle le frôlait en approchant. Pas lents et mélancoliques, évanescents. Le vent qui s'engouffrait se jouait de sa robe de lin, laissant deviner ce corps presque vierge d'avoir été préservé. Comme si sa lente agonie avait racheté l'image d'une pureté qu'elle ne lui avait jamais offerte. Elle ne le regarda pas, la bataille était trop récente, et gardait cette distance de ne voir encore et toujours que ces brumes et cette pluie qui les accusait. Elle semblait sur le point de se dissiper avec elles, d'être emportée par Eole.

Cердце моё...


Murmura-t-elle, d'un ton que l'incarnation de la bruine n'aurait renié, tant il était faible et atone. Pourquoi, pourquoi sentait-elle cette faiblesse, ce rouage brisé se retourner, se rouvrir, couler de nouveau en ses entrailles. Elle était une porcelaine qui se fendillait, et le mur n'était plus assez pour la soutenir. Elle fit une erreur alors, une terrible erreur, alors qu'elle releva les yeux vers les siens. Quand bien même elle s'abritait encore derrière le bouclier de son état, il y avait dans son regard l'accusation que ne surent taire ses lèvres.

Vous souhaiteriez ma mort, que vous ne feriez pas autrement.


Et sa main quitta son refuge, se posa à la porte ouverte. Refermer, refermer, oublier, ne plus laisser toutes ces choses entrer. Tout ceci était bien trop éloquent, allégorique, pour ne pas être renié. Elle ne voulait contempler l'oeuvre ravagée qu'ils avaient peinte à deux sous un éclairage si cru.

Pourtant, elle n'aurait su dire si sa main voulait trembler de froid, ou de peur. De peur qu'il la touche, qu'il la serre, la réchauffe et ne la brise net. Il le voudrait, qu'il ne ferait pas autrement.
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Message  Lucian Laurel Ven 19 Juin - 8:21

Peut-être savait-il, peut-être avait-il su un jour qu’il lui aurait suffi de partager ce feu brûlant en lui pour enflammer à son tour son épouse d’éther. Après tout, l’air n’alimentait-il pas les incendies les plus ravageurs, ne portait-il pas une étincelle pour qu’elle embrase tout sur son passage? Lord Laurel aurait pu faire de Diane sa reine, la poser sur un piédestal à ses côtés, l’asseoir sur son trône pour qu’ensemble, ils règnent en parfaits opposés, en exacts compléments. Mais c’était trop tard à présent. Tant bien même l’aurait-il désiré de tout son cœur, aurait-il souhaité reconquérir cette Chasseresse retirée dans son domaine, loin de Dieu, loin des hommes, tant bien même aurait-il perçu chez elle le moindre espoir que leurs âmes se renouent à nouveau, il savait que le Temps avait fait son œuvre.

Son pouvoir n’était pas celui de traverser les âges et, à des instants tels que celui-ci, exquisément cruels, empreints d’une langueur par trop douloureuse, Lucian le regrettait amèrement. Certes, à des instants tels que celui-ci, alors que sa Dame daignait le rejoindre à la fenêtre, plongeait une fois de plus son regard dans le sien, il se serait transporté devant l’autel. Aurait soulevé ce voile avec plus de ferveur, plus de tendresse. Aurait posé ses lèvres contre celles de la nouvelle mariée en savourant une douceur, une fraîcheur qu’il n’avait point connues depuis des années. Lui aurait juré amour, fidélité, protection avec une conviction renouvelée. Hélas, ces instants étaient rares et la séparation trop ancienne pour qu’il ne songe, ailleurs qu’en fantasme, à réparer les torts du passé.

Il contempla cette silhouette si près, trop près pour qu’il ne puisse en ressentir quelque trouble. Il ignorait la réaction qu’il avait tenté de provoquer chez sa compagne. Cette impulsion avait été de celles qui le rendaient admiré par certains et abhorré par d’autres, ce geste avait témoigné de la braise couvant en lui, seule capable de percer la Brume dans laquelle il s’était égaré. Un rire de dérision l’aurait persuadé d’étouffer le premier mouvement de l’âme, de ne plus esquisser le moindre élan vers une improbable réconciliation.

Encore une fois, pour leur malheur à eux deux, Diane emprunta cette voie pavée de non-dits, de désolation, de nostalgie pour une époque qui n’avait jamais vu le jour. Leurs tourments s’étireraient, se déploieraient davantage, revers des liens qu’ils avaient presque tissés et qui, avec les années d’absence, s’étaient détachés un à un. Ulysse était-il vraiment revenu de son Odyssée, porteur d’une Brume qui l’avait rendu plus lointain que jamais? Pénélope s’était lassée d’attendre et ce, avec raison.

Néanmoins, malgré les fautes qu’il se reconnaissait, le reproche qu’on lui murmura lui parut infondé et il s’en défendit sur le champ :

« Vous êtes injuste, ma Dame. »

Son ton était dénué de toute animosité et au contraire, semblait presque peiné, le malfrat admettant mille et un crimes à l’exception d’un seul, un sacrilège qu’il ne se serait jamais résolu à perpétrer. D’ailleurs, aucune haine ne l’habitait, envers Diane moins que tout autre. Ce sentiment lui était totalement étranger. Il ne causait pas la souffrance chez la plèbe rampante par haine, mais bien par… ennui, pour combler un vide grandissant à l’intérieur de lui. Bien sûr, il prenait plaisir au spectacle de jeunes femmes en pleurs, d’enfants arrachés à leur mère, mais jamais, jamais par haine. Au mieux, il ressentait du mépris pour ces êtres faibles, seulement destinés à l’usage des grands de ce monde, ceux à qui tout était permis. Au pire, ils lui étaient tout à fait indifférents. Leur nature, leur essence était avant tout de nourrir sa flamme avant qu’elle ne le consume lui-même.

Ainsi, l’accusé chercha à expliquer son motif, l’intention bonne qu'il n’avait pu traduire dans ses forfaits, ses iniquités. En partie pour sauver l’honneur – cette seule règle qu’il n’avait pas violée, celle de ne jamais haïr une femme qu’il s’était aliéné, celle de ne pas vouloir la mort d’un être qui lui était cher en dépit des souffrances causées – et en partie pour prêter main forte à son épouse, alors qu’ils creusaient ensemble leur propre tombe.

« C’est la vie que j’aurais aspiré à vous apporter, la vie que j’aurais aimé que nous venions à partager. »

Et sa main s’était approchée à la rencontre de sa jumelle frémissante, mais n’avait osé se l’approprier, était restée à son côté, suspendue dans le temps et l’incertitude. Lucian s’était également penché au-dessus d’Elle, sa Diane, s’était abreuvé de l’eau de ces lacs cristallins dans lesquels il aurait plongé sans hésiter et ses lèvres s’étaient avancées jusqu’aux siennes.

Non. Hélas. Trop tard.

Leurs bouches ne s’effleurèrent même pas. Cela aurait été un blasphème. Comme il s’était gardé d’haïr, Lord Laurel se prévenait à présent de souiller ce qui devait à tout prix demeurer d’une pureté, d’une perfection infinies. Il n’y avait aucun moyen de réparer ce qui avait été brisé, tenter de le faire aurait été un outrage pour ces années de négligence, d’abandon, de solitude. Un baiser n’aurait pu panser des plaies vieilles de dizaines d’années. Il fut même surpris de constater sa répugnance, sa culpabilité à poser des lèvres, qui en avaient embrassé d’autres, des plus jeunes et d’aussi fielleuses, sur celles de son épouse trompée.

Il s’était détourné, ses doigts s’étaient refermés à leur tour sur la seconde poignée. Peut-être était-il véritablement l’heure de fermer la porte sur un passé impossible à ressusciter. Cette fois, lorsqu’il prit la parole, le remord et la rancœur étaient palpables, bien qu’ils ne fussent pas dirigés vers sa compagne. La voix avait été adoucie, cependant, par égard à celle à qu’il s’adressait :


« Mais vous aviez raison. Je ne sais quel siècle s’y prêtera. »

Tant bien même la lave qui coulait dans ses veines à cet instant et le goût de cendres de cette étreinte manquée, tant bien même ce corps diaphane auquel il aurait tant rêvé d’insuffler quelque ardeur, tant bien même cet amour fané, carcasse qu’il se serait éternellement ingénié à ranimer…
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Message  Diane Laurel Ven 19 Juin - 9:54

C'était un assassinat. La porte était refermée, trop lentement, avec une douceur délétère, sur ce qui n'avait pas eu lieu. Sur ce qu'ils auraient pu faire, pu être, qu'ils auraient pu devenir. Mais comment faire, comment prétendre que les années n'avaient pas de poids, comment oublier tout ce qu'ils avaient pu construire, chacun de son côté du mur de glace entre eux, s'effondrerait et les emporterait s'ils venaient à briser cette distance. Encore une fois, elle aura voulu le gifler, sortir de son écrin aux allures de cercueil pour lui hurler combien il avait pu, plus sûrement que la Brume, le Démon, Dieu, la détruire, la tuer, tout en l'emprisonnant dans un corps trop lourd et pourtant à demi effacé. Mais comment faire, comment faire... Pourquoi faire.

L'hésitation qu'elle avait Ressentie n'avait pas été un poignard, mais un tremblement de terre. Elle s'était sentie, non plus se fissurer, mais s'ouvrir toute entière, comme une plaine ravagée qui voudrait offrir au cieux un volcan rageur, bouillonnant, qui voudrait combler de lave et de destruction tout ce qu'il pouvait y avoir d'amertume, d'injustice, puisqu'il l'avait évoqué. De la justice. Qui pouvaient-ils invoquer, pour rendre compte de leur sort? Personne, sauf eux-mêmes. Ni Dieu, ni Diable, ni hautaine figure du Destin n'en endosserait la responsabilité.

Elle se détourna, comme elle tournait dos et page sur l'image meurtrière de ce qu'ils avaient brisé, seuls, l'un contre trop l'autre. Jamais tout contre. Toujours opposés. Elle s'éloignait d'un pas las, et pesant de ces siècles qu'il lui semblait avoir, pour ne pas saisir cette main, pour ne pas achever le geste et trouver ses lèvres des siennes, commettre le blasphème elle-même. Aurait-elle seulement un jour le courage de prendre le poison elle-même, de se saisir de la lame que son époux portait à son flanc, de par son existence même? Oui, sans aucun doute, et au jour de sa mort même. Lorsqu'elle serait victorieuse enfin, lorsque le feu qui consumait Lucian s'éteindrait avec sa vie, venant l'attendre aux enfers, elle s'achèverait du même mouvement. Puisqu'elle aurait perdu tout sens, tout repère. Tout lien. Elle était bel et bien une âme perdue, hantant les couloirs de sa demeure, errante figure impalpable, qu'on savait plus qu'on voyait. Elle était déjà morte, au même titre qu'elle l'avait déjà tué.

Le lit lui paru brutalement hostile, alors elle le contourna, les mains repliées au devant d'elle. Droite, digne et ravagée de regrets séculaires. Elle vint à se couvrir d'un long peignoir venu d'une contrée lointaine, aux teintes d'azur et d'argent qui soulignaient son allure diaphane s'il le fallait encore. Dérisoire protection contre un froid qui n'était que celui de la tombe, que celui en elle.
Il l'avait aimée. Elle l'aimait encore. Il n'y avait, finalement, rien de plus à dire, dans cette danse macabre qu'ils menaient. Jamais, au contraire de son époux, elle n'avait eu l'envie ni le goût à un mignon, à un autre, à un ersatz de ce Lui qu'elle n'avait que trop eu au jour de leurs noces, pour ne plus jamais en avoir la saveur entière par la suite. Elle n'avait plus de larmes, plus assez d'âme, pour lui accorder encore une oeillade, faire durer cette torture languissante. Elle n'était peut être pas assez cruelle. Pour l'être davantage, il aurait fallu qu'elle puisse encore sentir le goût de sa douleur, mais elle emplissait déjà sa bouche, ôtant la fragrance de tout le reste.

Je serai à la bibliothèque.


Souffla-t-elle, pour les convenances, pour ces formes, un dernier pas à leur valse. Elle irait s'abriter, bientôt, s'abimer dans les écrits de son aïeule, laisser emplir ce vide qui ne tarderait pas à se creuser en elle d'une autre morte, autrement plus vive qu'elle, même apposée à un papier effrité par les ans. La dernière porte, celle de leur chambre, fut poussée.
Cette fois, la main ne trembla pas en la refermant.
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