L'hôtel Lindsay, and its peculiar surroundings [PV Mr. Applewood]

Pleasance Lindsay était une noble dame, qui disposait de deux manoirs en province, et ne les devait pas aux intérêts de son mariage mais à l'illustre ascendance de ses ancêtres . Elle avait deux filles : July et Summer . C'étaient deux petits monstres, qui savaient qu'ils n'étaient pas désirés, et qui le rendaient bien à tout ce qui s'approchait d'eux . La première avait noyé son petit chat dans une casserole d'eau bouillante quelques jours plus tôt, et la seconde, encore au berceau, mordait ses nourrices jusqu'au sang, au point qu'elles devaient quitter le service au bout de quelques douloureuses semaines . Elle ne voulait pas d'enfants dès le départ, mais son mari l'avait avertie qu'ils essaieraient jusqu'à ce qu'elle ait un fils . Et il avait mis son avertissement à exécution, de sorte qu'elle se trouvait à nouveau enceinte . L'enfant dans son ventre ne tarderait pas à la bourrer de coups de pieds, elle savait déjà que tout suivrait le scénario déjà expérimenté avec les deux premières . Sa mère non plus n'avait eu que des filles . Heureusement, son époux, en pur produit de la grande bourgeoisie régnante, avait ses faiblesses congénitales et prenait la bonne habitude de cracher du sang dans un mouchoir ; comme il n'arrêtait pas pour autant les excès de tous ordres, il y avait fort à parier qu'avant peu elle en serait débarrassée, ou du moins, qu'il n'aurait plus la force de la poursuivre de ses assiduités .

''Je ne pourrai pas me forcer à l'aimer . Les deux premières ont les cheveux de leur père . Ces affreuses boucles rousses qui me pleuvent sur le visage quand il me ... Non, celle-ci sera comme les autres, malheureuse et méchante . Elle m'inspirera de l'horreur, qu'elle agisse mal ou bien . J'aurais dû me résoudre à cela dès le départ .''

Tewa fronça les sourcils . Cette dame Lindsay qu'il avait devant les yeux parlait de l'enfant comme d'une sorte d'insecte repoussant, de parasite installé de force dans son ventre pour déformer son corps et la dévorer de l'intérieur ; mais elle faisait les mimiques d'une petite fille trop gâtée qui doit rendre visite à quelqu'un qu'elle n'aime pas, et qui répète d'un air désespéré qu'elle ne pourra pas être polie et gentille, parce qu'elle n'en a pas envie, comme si c'était la meilleure raison du monde . Il aurait voulu lui faire entendre raison, faire éclore cette chrysalide de femme que la société avait comprimée dans une sorte de corset moral . Mais il n'en aurait pas le temps, elle l'avait fait venir dans un but bien précis et elle n'en démordrait pas .

''Je suis prête . Dépêchez-vous . J'ai peur de perdre courage . Je vous paierai, vous savez ...''

''Nous avons déjà parlé de cela, je ne tiens pas à être payé,'' marmonna Tewa en sortant ses outils de sa sacoche . ''Je voudrais que vous considériez sérieusement ma proposition : si je vous promets de prendre soin de l'enfant après sa naissance, de l'enlever si vous voulez ... Vous ne le reverriez jamais, et je vous garantis qu'il serait bien traité ... je trouverais des gens qui veuillent de lui .''

Il n'y eut rien à faire . Quelques minutes plus tard seulement, madame Lindsay gisait sur son lit, les linges étalés pour protéger ses précieux draps à présent rouges de sang . Son visage était en sueur mais reflétait un triomphe intérieur qui ne prenait même pas la peine de se cacher . A la grande surprise de Tewa, qui s'attendait à ce qu'elle s'évanouisse, elle réclama de voir la créature morte qu'il s'apprêtait à nouer dans un sac pour la dissimuler, en attendant de lui donner un semblant de sépulture, dans le double fond métallique de sa sacoche . Il lui apporta l'embryon, craignant sa réaction à la vue du minuscule pénis qui pointait du petit ventre gonflé . A sa grande surprise, elle eut un rictus méprisant, mais ne détourna pas même les yeux .

''Une horrible petite fille . Exactement ce que j'avais prévu . Elle est bien morte, n'est-ce pas ? Non, laissez-la ici, il faut que je puisse montrer que j'ai fait une fausse couche, voyons ... Sortez par la fenêtre comme vous êtes venu ; je vais crier pour que mes chambrières viennent à mon secours .''

Elle ne parlait plus de le payer à tout bout de champ, à présent qu'elle avait eu ce qu'elle voulait . Tewa soupçonnait qu'elle allait donner l'alerte sans se préoccuper de savoir s'il avait réellement fui . Elle avait basculé, depuis longtemps peut-être, depuis que son mari abusait de ses charmes probablement, dans un monde imaginaire dont elle formait les règles et condamnait ou acquittait les acteurs à volonté . Si c'était nécessaire pour supporter son existence de recluse mondaine, il ne se permettrait pas de la juger . Mais maintenant il fallait qu'il gagne les toits voisins, et disparaisse de la vue générale ...

Habillé sobrement, et sombrement par cette nuit peu éclairée, accompagné de quelques crayons plus ou moins gras. Assit contre une cheminée non loin de l’hôtel Lindsay à contempler la vue sur son parc, le vent dans ses feuillages produisant ce bruit si paisible si régulier, si musical, qu’il est bon parfois de juste écouter ce bruit si typique qui donne une telle touche à cette ville, d’ailleurs il va pleuvoir, la nature a du bon parfois sous ce fog londonien.

Il contemple quelques temps la vue, distinguant le « médecin » ou plutôt homme médecine arriver par la fenêtre, clairement invité en ce lieux, officier, Benjamin mettant un certain temps à comprendre le but de son office, distinguant uniquement le médecin, la « patiente » étant toujours couchée hors de vue de la fenêtre, il fait une brève pause dans son esquisse, ce n’est pas tous les jours que l’ont assiste a une telle pratique et il pourra toujours continuer son dessin demain, ou plus tard dans la nuit, contrairement à ce …. Cette personne.
Mais cela ne le dégoute aucunement, au contraire cela le passionne limite, à son age, sa situation, sa dernière profession, il n’en a plus rien a faire de la vie d’une personne inconnue, contrairement aux personnes qu’il apprécie, qu’il pourrait même aimer. Lui aimer ? nan c’est impossible, un mort ne peut aimer, il ne peut s’attacher a une personne, a une mortelle, même s’il la voit régulièrement, il peut apprécier éventuellement, mais aimer nan ca ….

Ok il ne faudrait pas qu’il s’occupe d’une telle tache, et il se réjouit de ne pas y assister, non pas que cela le dégouterait, après tout cela semble être la volonté de cette femme, mais au contraire il ne sait si, si proche de tant de sang, il pourrait se retenir à rester stoïque.

D’ailleurs qu’est-ce qui peut la pousser à faire ceci ? IL est peut courant qu’une femme ne veuille pas de ses enfants, enfin futurs enfants, mais après tout les raisons lui sont inconnues et cela ne le regarde pas forcément… voir pas du tout et un tel « être » si on peut appeler cela ainsi ne pense pas, ne ressent rien, il en est lui-même la preuve du fait qu’il ne ressente rien en leur présence, sinon les femmes enceintes serraient des femmes trop difficilement approchable.

Tiens il sort tel un voleur, s’attendant a n’avoir eut aucun public lors de sa cérémonie plus ou moins funèbre selon le point de vue, pour certains ce serrait juste un médecin attentionné enlevant un kyste indésiré pour d’autres c’est un des pires assassins que ce monde si pur si parfait pourrait connaitre. Pour Benjamin c’est juste une personne effectuant contentieusement un travail baignant dans du sang.

Alors que celui-ci passe a quelques mètres de notre vampire, celui-ci le félicite, reprenant son dessin du bâtiment et de ses jardins ne sachant encore ce qu’il allait dessiner a cette fenêtre, mais il pourrait très bien s’en occuper demain soir.

« Joli travail. »

Fais attention, tu pourrais rencontrer un esprit un de ces jours sur les toits . Voilà ce qu'Alexander lui avait dit . Il préférait être au courant le moins possible de ses activités illicites ; après tout il était un important membre de l'ambassade, et il se compromettait déjà bien assez en le fréquentant au titre d'ami, si trouble celui-ci soit-il entre eux . Mais il savait bien que son Peau-Rouge de compagnon de route persistait à ''recevoir''. Et ce n'était pas pour tenir salon . Les escapades sanglantes étaient un triple risque : risque de chute, risque de perte de sa bonne réputation naissante, risque de sa liberté ; de sa vie dès que le procès aurait été tenu, la question ne se posait même pas . Aussi Alexander aurait-il aimé que Tewa se tienne sage désormais . Il l'avait averti, à sa manière ironique, puis l'avait laissé retourner à ses lubies . Il savait bien que rien, et surtout pas un argument dicté par la raison, ne pourrait se placer durablement entre Tewa et des faibles ou des désespérés ayant requis son assistance . Peut-être la responsabilité toute particulière qu'il se ressentait envers les femmes provenait-elle tout simplement de la manière brutale, immédiate et impitoyable dont il avait rejeté une certaine femme . Toujours est-il qu'il ne saurait s'y dérober .

Ce soir-là, en se coulant au long des tuiles noires jusqu'à une cheminée où abriter son ombre, il se demandait s'il n'avait pas fait le malheur de cette femme à demi-folle de ricanante détresse . Peut-être l'enfant mâle aurait-il ramené quelque chose comme de l'harmonie dans cette famille si riche et pourtant si pauvre, bancale comme un meuble mal assemblé . A présent tous les éléments de ce tableau ne pouvaient plus que se disloquer toujours davantage, pour finalement sombrer dans le chaos . La folie était déjà présente, comme un oiseau noir perché dans un coin de la pièce . Mais il n'avait fait qu'agir en son âme et conscience, et n'éprouvait pas de regret . N'importe quel brave à sa place eût fait de même . Pourvu qu'il en eût l'art et le cran, ajouta-t-il en silence avec un léger sourire d'orgueil . Il était des braves qui tremblaient comme des petits enfants au spectacle d'un ventre de femme . Mais ce n'étaient ''que'' des guerriers ; l'homme-médecine devait être plus que cela .

Les deux mots qui jaillirent soudain de l'ombre ne se heurtèrent pas à ces pensées ; au contraire, elles s'y intégrèrent étrangement bien . Il s'immobilisa, et répliqua d'une voix douce, d'un ton paisible, regardant fixement devant lui en essayant de repérer l'origine de la voix :

''Je vous renvoie le compliment . Pardon, c'est une tournure maladroite . Je vous retourne le compliment .''

Son regard remonta lentement vers la cheminée ; son instinct l'avait poussé à se rapprocher de cette silhouette pour y fondre la sienne, peut-être cet autre inattendu avait-il suivi le même cheminement . En effet, il y avait là quelqu'un . La phrase d'Alexander flotta un instant dans sa mémoire, puis s'évanouit comme une fumée . Il se rapprocha un peu, tandis que quelqu'un se penchait à la croisée de Pleasance Lindsay en appelant à l'aide quelque domesticité postée sous le porche . Il lui fallait se rapprocher de cette soudaine menace indéchiffrable, sous peine d'être aperçu par les insectes humains grouillants qui commençaient à s'agiter dans la cour . Du moins cet homme était-il seul . Un vague défi disséminé dans chaque détail de sa posture, il s'avança vers l'Anglais, qui lui semblait écrire . Ils avaient leurs raisons, l'un comme l'autre, pour être là et ne pas souhaiter être vus . Un marché était sans doute possible .

''... Je pense avoir fait au mieux . Un peu trop de sang versé peut-être . Mais l'esthétique du tableau n'entre pas en ligne de compte .''

Benjamin ne sourit pas lorsqu’il constate que l’autre approche non pas pour se joindre à lui et discuter mais pour partager son coin d’ombre quelques instants. Après tous ils ne se connaissent pas ne semblent avoir que très peut de point commun autre que le fait de rester à l’ombre d’une cheminée massive sur un toit londonien en une heure des plus tardives d’une nuit tout à fait classique, rien de plus commun en somme, cela pourrait arriver a n’importe qui.

Il continue son dessin levant à peine la tête pour le regarder agir. Après tout cette cheminée ne lui appartient nullement, d’ailleurs rien ne lui appartient ou presque et il fait très bien avec, ou sans, il n’a donc aucune raison de réquisitionner ce coin d’ombre nocturne.

Il lève la tête a la dernière réplique du peau-rouge avant de lui répondre, examinant alors le ciel, songeur, tentant d’humer l’état d’esprit de son acolyte de la cheminée.

« Oh vous savez, un travail trop parfait désigne forcément un maitre. Et ces personnes sont souvent rares, alors qu’un travail avec quelques défauts annonce juste un connaisseur, et ces personnes sont de suite plus nombreuses donc largement moins… identifiable. Il faut parfois savoir faire profile bas en cherchant l’imperfection. »

Il continue de façon très sérieuse, voir limite trop sérieuse avant de replonger sa tête vers sa planche.

« Pour ce qui est de la quantité de sang, désolé mais je ne compte pas aller constater cela de suite.
Cependant je me permettrais de poser un véto quand à vos dires sur l’esthétique de l’œuvre, elle devrait, selon moi toujours entrer en compte, surtout quand celle-ci concerne des femmes. Nous leur devons bien au moins cela. »

Mieux valait ne pas chercher à sortir de la propriété pour l'instant, elle était en effervescence . Tous ceux qui dormaient paisiblement un peu plus tôt couraient à présent prévenir tout le monde, et de la cour s'élevaient des gémissements lugubres . Tewa avait toujours trouvé que la domesticité se comportait à la manière d'une meute de chiens . Pas de mépris dans cette constatation, c'était son impression sincère mais il ne le disait guère, chacun étant en cette société pyramidale le valet de quelqu'un, il aurait fini par vexer tout le monde . Il s'assit sur le toit et se recroquevilla contre la cheminée . Son masque pâle rayé d'yeux noirs démesurés risquait de refléter la lune et d'attirer l'attention . L'étrange apparition, pour sa part, ne semblait pas hostile .

''Vos propos sont étranges . Je pratique la médecine, je ne peux viser que la perfection ... et quant aux femmes, trop admirer empêche d'agir . Et je ne vois pas pourquoi nous aurions envers les femmes une dette plus importante qu'envers les hommes . Elles ne nous ont pas toutes engendrés ."

Il était nerveux, mais s'efforçait de s'exprimer calmement . Du calme de leur dialogue dépendait en effet la discrétion de leur retraite . L'inconnu ne semblait pas se considérer en danger ; ou alors il faisait preuve d'un sang-froid de tigre en embuscade . Il n'avait guère de traits communs avec les occupants de la maison, et Tewa ne se rappelait pas que sa patiente lui ait parlé d'un individu semblable . Il aurait voulu le questionner, mais la situation lui semblait pour l'instant trop tendue et trop risquée pour cette manoeuvre d'approche qui risquait de déséquilibrer leur froide harmonie existante .