Sucrerie
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-39%
Le deal à ne pas rater :
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON AVR-X2800H, Enceinte ...
1190 € 1950 €
Voir le deal

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

2 participants

Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Tewa Joli-Coeur Sam 4 Juil - 22:27

Dieu, que le temps avait passé . Alex Stirling ... portait des galons d'or en ce temps-là, et non pas des jabots de dentelle . ''Alex Stirling'' ... traçait du bout de son couteau un convive désoeuvré, après un repas sans guère de romantisme, seul au coin d'une table bancale, dans une petite mare de vin renversé . Alex Stirling ... en bon gentleman du Sud, aurait dédaigné d'appeler cela du vin . Il parlait le français comme une langue maternelle, il serait plus exact de dire en son cas une langue nourricière, sa nourrice étant une quarteronne du pays cajun, et sa mère ayant mieux à faire que de lui apprendre des comptines . C'est pour cela sans doute qu'il s'était si vite fait sa place dans les bureaux de l'ambassade, et passait sa soirée avec eux, et non ici, dans les bas-fonds, en compagnie d'un ami politiquement des plus incorrects, et d'autres gibiers de potence dans son genre . Pour cela, et en hommage à sa grande fortune .

Sa femme lui avait tout apporté . Le gîte et le couvert, des jabots de dentelle à n'en plus finir, une jolie réputation, des appuis dans le beau monde ... un enfant pour reprendre son nom . Tewa ne lui avait qu'ouvert les yeux sur le Monde Invisible . Ils avaient mâché la coca ensemble et les esprits avaient fait connaissance, timidement, avec ce jeune lieutenant avide de savoir et terrifié à la fois ... C'était son âme qu'il lui devait . Tewa Joli-Coeur soupira et jeta son couteau dans son assiette, alors qu'une petite servante coiffée de travers, aux cernes sombres sous ses vastes yeux clairs, venait débarrasser ses couverts . Non, monsieur ne prendrait rien d'autre . Alex Stirling ... dînait en ville, ce soir .

Un couple hétéroclite à faire tomber le lambris des murs passa les portes dans un fracas de pluie froide et d'insultes goguenardes . Un jeune violoneux maigre comme un épouvantail et une aveugle présentée comme sa chanteuse, tendant devant elle ses bras de banshee dont pendaient des filaments de vêtements déchiquetés . Il ne trouverait pas à la vendre ici, la marchandise locale était meilleure, plus plantureuse et sans doute plus propre, et surtout constituait un jaloux monopole . Si l'audacieux ne recevait pas un coup de couteau ... Ses yeux luisaient sous la frange de son chapeau comme ceux d'un loup . Il le rendrait, à coup sûr . Cela dégénérerait en bagarre et Tewa n'était venu que pour manger, se faire un pauvre repas dans son pauvre appartement l'aurait attristé à la pensée de Stirling et de ses amis Lords, mais cette fois il songeait sérieusement à rentrer chez lui . Il lirait un livre . Un de ceux qu'Alex lui avait offerts . C'est même lui qui lui avait appris à lire ...

Alors qu'il repliait son manteau, l'air de violon s'éleva . Il releva les yeux, et la fille commença à chanter . C'était la voix de la misère, de la faim et de l'espoir dont l'être humain ne peut se départir, pas davantage que d'une malédiction . Tewa en tremblait presque . Sans détacher ses yeux de la bouche pâle, aux lèvres minces, qui lançait ses notes irréelles qui s'entrelaçaient aux plaintes de l'instrument, il se rassit . Puis il commença à chercher s'il avait des pièces dans ses poches, fébrilement . Il ne pouvait pas les laisser partir sans effleurer cette main qui se tendait désespérément à la rencontre des anges, mais qui dans quelques minutes se ferait mendiante et suppliante . A moins qu'il se soit trompé également sur cet a priori . Qu'elle ne soit venue que menée par les Esprits, pour le distraire de sa nostalgie, comme une pluie sur la mélancolie des étendues désertiques . Il abandonna ses recherches et s'abandonna lui-même à ce que le destin lui offrirait ce soir .
Tewa Joli-Coeur
Tewa Joli-Coeur
Âme Londonienne

Messages : 61
Humeur : have some candies, together with me ^^

Masque Venitien
Rang & Statut: Humain, Petites Gens
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Diane Laurel Dim 12 Juil - 19:31

Tant de tourments et de turpitudes ne trouvaient, souvent, leur réponse que noyées dans celles d'autres. Usée, la Dame de Glace l'était. Elle ne l'aurait avoué à personne, mais elle était lucide. Son époux l'avait attaquée au flanc, elle, la Chasseresse, et l'enfant croisé au matin tiède avait posé sa main sur sa plaie, en toute innocence. La mélancolie la pesait, et elle ne voulait pas retourner au Manoir, elle ne voulait pas se coucher trop vite dans ce lit, et surtout pas tant qu'elle n'était pas certaine que son absence pousserait son époux dans les bras de son enfant adoptée. Tant qu'elle ne sentirait pas le parfum de la Vipère sur la peau de son Tourment.

Aussi, elle n'était passée à la demeure qu'en leurs absences, avait évité servantes et congédié dame de compagnie, pour troquer sa robe contre l'une de celles de ces femmes de sang moins bleu, moins corrodé, et avait pris le chemin des entrailles les plus sombres de la cité. Elle ne se sentait sereine qu'en voyant là, en ressentant en elle, le désespoir d'autres, la déliquescence du monde et des enfants des rues de Londres. Ce n'était qu'une silhouette maigre de plus qui avait passé la porte, qui avait laissé un sou pour un repas, sur un coin de table sale, auprès d'un ivrogne assoupi qui sentait la sueur et la maladie couvante.

Elle se laissa emplir des colères, des déchéances, des aigreurs étrangères, d'un contraste si flagrant par leur vie et leur réalité à ces sentiments déjà à demi morts, vieux d'années incolores. On jouait, c'était un violon languide, et elle sourit. On chantait, c'était une voix lointaine, et elle l'aima, simplement. Elle ferma les yeux pour s'imprégner davantage de ces sons qui pénétraient les âmes et altéraient les sentiments, et la Brume la berçait, arrachant lentement d'elle ses morceaux appartenant aux vivants, lavant son esprit flou. Ici siégeait l'oeuvre du Démon, ici Dieu n'était plus. Ici était sa paix, son secret parmi d'autres.

La mélodie s'étirait, alors qu'elle se redressait devant le plat qu'on lui avait servi, la voix forte de la compagne du tenancier l'attirant hors de ses pensées. Le sou avait disparu, déjà, et Diane ne répondit que d'un regard absent aux questions de la femme qui bientôt la quitta, hélée par un autre. Le sourire qui était pour elle ne rencontra que le vide de la salle malodorante. Son âme sauta d'un émoi à un autre, s'enticha de l'un, pour y préférer l'autre, s'éprit trente fois et s'écoeura tout autant. Bientôt, le vide reprendrait ses droits, et elle serait morte, apaisée.

Toutefois, cette nuit-là, oeil et âme s'accrochèrent à un autre tourment que le sien. Plus profond, plus trouble, comme si d'une flaque elle avait trouvé un gouffre. Rêveuse, toujours souriante à demi, elle se laissa aller à l'observer, lui, l'étranger à l'âme double.

Elle s'attarda, ce qu'elle n'aurait sans doute pas dû faire, pour sa tranquillité. Elle s'oubliait un peu, menton dans sa main, repas boudé, à l'observer. Son regard résonnait comme un appel, et ce soir-là, elle se prit d'un nouveau jeu. Le gouffre l'attirait, comme lorsqu'on se penche sur un abime et qu'on ne parvient à se redresser pour cesser de s'y pencher.

Dans le coeur de l'âme double, s'imprimerait bientôt le sentiment qu'on l'observait. Qu'on voulait le connaître. Juste ce soir. Juste ça. Puis disparaître. Comme un fantôme qui aurait eu un soir pour côtoyer les vivants, et qui aurait choisi celui qui lui ressemblait pour revoir le jour au travers de lui.
Diane Laurel
Diane Laurel
Âme Londonienne

Messages : 34
Humeur : Ethérée.

Masque Venitien
Rang & Statut: Dame de Givre
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Tewa Joli-Coeur Jeu 16 Juil - 21:04

Si je promets de disparaître, promets-moi aussi quelque chose : juste un baiser sur les paupières, pour m'endormir .

Arraché à sa fascination par deux flammes bleues errantes sur sa peau, Tewa eut le sentiment que l'on venait d'entrouvrir une lucarne derrière sa nuque, et qu'un filet d'air transi de pluie venait se glisser jusqu'à lui, apportant l'obscurité grandissante qui régnait au-dehors . Malgré lui, il formait les paroles de la chanson de ses lèvres moins engourdies, plus douces et plus colorées au milieu de son visage bruni, à force de vin . Il s'interrompit . La lady risquait de croire qu'il murmurait un sort à son encontre ... il ne fallait certainement pas indisposer la lady . Mais qu'avait-elle besoin de regarder dans sa direction ? Il n'avait rien fait de notable, hormis se perdre dans la voix de la chanteuse des rues, et psalmodier avec elle le refrain entêtant de cette mélodie pareille à une liqueur .

Discrètement, presque humblement, il se releva et s'enveloppa de son manteau, faisant tinter sur la table le prix de son moment passé à l'abri et au calme . Relatif, mais tout a son prix même le plus relatif des abris dans le plus douteux des quartiers, telle est la belle ville de Londres . D'ailleurs, que faisait-elle là, cette créature d'une distinction sans commune mesure avec les ombres qui tachaient ces murs, si aisément effacées par un peu de concentration ou simplement l'usure du temps ? Elle avait l'air d'une statue de marbre blanc au milieu des cyprès d'un cimetière, du moins elle lui faisait le même effet, lui qui n'était pas de ce monde . Supérieure, et cependant sourdement menacée . Et cependant toujours victorieuse, de par sa blancheur qui tranchait l'univers comme une lame de lumière . La foule l'aurait broyée, mais il y avait fort à parier qu'elle s'écarterait sur ses pas . Il eut soudain envie de voir cet étrange et magique phénomène, ce charme d'une autre magie, à l'oeuvre sous ses yeux . Mais c'était sans doute trop demander . L'image de Stirling tinta devant ses yeux mi-clos, et il secoua résolument la tête .

Cependant, en marchant vers la sortie, arpentant de souliers de l'armée américaine conservés en souvenir un sol inégal et d'une propreté irrégulière, il se livra à une impulsion qui s'intégrait relativement bien dans le contexte et la culture environnante, chose à laquelle il prenait toujours un soin extrême . Il fit un léger écart et en passant à côté de la lady pâle, lui glissa, les yeux baissés, parfaitement conforme à l'étiquette entre membres de différentes castes, et les mains bien loin des siennes afin que nul ne puisse s'y méprendre, quelques mots de bon anglais, à peine teintés d'un accent qui, en ces lieux, ne rappelait rien à personne .

''Si je puis faire quelque chose pour vous ...''

Elle n'était pas accompagnée, elle semblait étinceler dans ce décor peu fait pour elle, peut-être venait-elle le voir tout spécialement et en cachette de son entourage habituel . Si c'était le cas, il devait lui apporter son assistance et ce dans toute la discrétion requise . Il se moquait bien de réputation et de profit, le jour suivant le verrait transplanté dans un tout nouvel environnement si tel était son destin, et il y était préparé . Mais il ne pouvait laisser une âme seule dans le besoin . Et la détresse n'était pas qu'un phénomène matériel, aussi toute âme croisée au détour de ses errances pouvait en être victime et mériter son soutien . Si elle venait pour ''cela'', elle le reconnaîtrait aisément, à quelques indices qui circulaient de bouche à oreille et lui confirmeraient que cet homme étrange était bien l'homme étrange qu'on lui avait recommandé .

''J'ai ma boutique non loin d'ici, vous la trouveriez aisément . Il y a souvent un corbeau perché sur l'enseigne, et nous fabriquons des souliers, mon associé et moi .''
Tewa Joli-Coeur
Tewa Joli-Coeur
Âme Londonienne

Messages : 61
Humeur : have some candies, together with me ^^

Masque Venitien
Rang & Statut: Humain, Petites Gens
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Diane Laurel Dim 19 Juil - 18:04

Le regard ne l'avait pas quitté, pas un seul instant. Pourtant, il n'était plus pesant, il n'avait pas l'insistance qui révèle. Il était seulement doux, rêveur, presque absent. Presque à traverser l'âme du Double Coeur, pour s'échouer plus loin, sur la foule ou sur le ciel que cachaient les murs salis du suif des âges et des hommes.

Intérieurement, pourtant, la Dame de Glace était plus que présente. Elle guettait, caressait des yeux et de la Brume les inflexions infimes de cette âme qui était présentée là, accompagnée des chants languissants. Elle le trouvait beau, de la beauté des cristaux sous cloche, que jamais on ne touche, et qu'un jour on brisera comme d'un rien. Il était prudent, il était lointain, et elle trouva à le contempler un reflet déchu d'elle même. Le gouffre était donc si profond qu'il en était miroitant, et si sombre qu'il la maquillait ainsi? Il semblait s'enquérir des raisons, chercher l'intérêt, comme s'il avait une vague coutume qu'on s'intéresse à lui de cette façon, qu'on se penche vers lui. Non, elle n'avait jamais entendu de rumeurs à son propos, trop retirée dans sa tour fictive qui n'était que les murailles de givre qu'elle avait placées soigneusement entre le monde et elle-même. Aussi, elle l'observait sans doute avec cette fraîcheur presque candide de jeune fille, croisant les mains sur la table, boudant toujours son repas refroidissant. Ici, sa marque la laissait en paix. Ici, rien n'était un danger réel. Dans sa tenue de femme du petit monde, peu s'intéressaient à ses allures spectrales. Et ceux qui l'avaient fait pour de mauvaises raisons avaient eu cette idée promptement arrachée de sa main, comme elle l'aurait fait d'une mauvaise herbe à son jardin secret. Mais, lui, à qui elle s'était presque dévoilée, verraient-ils comme elle n'était... Que si peu présente, aux yeux d'autres? Ils passaient, sans la bousculer, mais même sans un regard. Elle n'était que pour lui, et son murmure lui parvint, clair, malgré le brouhaha.

Une mauvaise augure pour des chausses. Voilà étrange manière, au juste.


Elle se permit de lui sourire, en penchant la tête un instant, semblant pensive. Semblant, seulement. Au juste, elle se délectait encore un instant des environs troubles, de tous ces drames, de tous ces gens si simples, si libres, et pourtant si prisonniers de corps. Enchaînés de leurs estomacs et de leurs instincts. Elle les aimait ainsi, fleurs fauves dans une ville de métal et de rouages.

Oui, j'aurais bien quelque chose à vous demander...


Elle ferma les yeux, cette fois, alors qu'elle redressait la tête vers lui, semblant l'observer derrière la frontière de ses paupières closes.

Restez, prenez un verre, parlez moi de vous. De votre vie. Je vous paierai pour cela, si vous le désirez. Et si vous êtes pudique... Contez-moi une histoire. Un songe. Une sottise. Le corbeau. Ce qui vous viendra.


Elle rouvrit les yeux enfin, perdant son sourire, comme pour affirmer le sérieux de cette demain. Une main se libéra de sa compagne, et désigna la chaise presque face à elle. Cette âme en peine voulait rêver.
Diane Laurel
Diane Laurel
Âme Londonienne

Messages : 34
Humeur : Ethérée.

Masque Venitien
Rang & Statut: Dame de Givre
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Tewa Joli-Coeur Dim 19 Juil - 20:45

L'histoire du loup, voilà ce qu'il lui conta . Il désigna le feu dans la cheminée, et expliqua que le feu était une chose sacrée . Il désigna les hommes alentour, recroquevillés autour de cette chaleur séculaire et potentiellement destructrice . Les hommes aux yeux luisants, à la fois terrifiés et fascinés par ce pouvoir qui ne leur appartenait qu'à demi . Et il parla des loups . Cette femme qui n'était pas qu'une femme avait demandé une connaissance ; il n'avait pas envie de parler de Stirling . La pudeur au sens propre était un réflexe défensif plutôt qu'une valeur chez lui ; il ne la cultivait pas mais s'en enveloppait comme d'une armure, et ne pouvait la déposer sur la table après une simple invitation à s'asseoir, quelque plaisir inattendu que celle-ci lui fasse, éveillant sa curiosité, et détournant ses pensées de leur cours sombre et embrumé comme la Tamise ...

L'histoire du loup . Un enfant envers lequel son ami s'est montré injuste . Il cilla légérement . Pourquoi pensait-il à cela précisément ce soir ? Quoi qu'il en soit ... l'enfant va voir l'ancien et lui parle de ce qui le tourmente . Tewa se souvint de l'ancien qui lui avait appris la médecine et le langage du monde, et un sourire passa sur ses traits paisibles, tandis qu'il nouait son regard à celui de la femme aux étranges requêtes . Il savait pourquoi il faisait ce qu'elle lui demandait ; l'ancien l'aurait fait à sa place . La sagesse s'était incarnée en l'un puis en l'autre, sans déranger les faiblesses humaines et les goûts personnels alentour, se faisant une petite place lumineuse et chaude, comme le foyer dans la cheminée, car une niche est prévue dans chaque âme pour cette sagesse-là qui vient de la nature . Il se demanda si dans le coeur de la lady brillait semblable petite étoile, et interrogea plus profondément son regard si singulier, avant de baisser les yeux et de reprendre le cours de son récit, de peur de l'importuner, de déroger à la coutume de cette terre complexe .

L'ancien répond à l'enfant en lui expliquant que la colère est un poison que l'on avale en espérant que son ennemi en meure : une chose absurde, un rêve que seul l'être humain était capable de former . Mais il ne faut pas pour autant s'y adonner ou en être fier ... Puis il fait un geste de la main et de la fumée du feu apparaissent des dessins de volutes bleutées . Deux silhouettes animales se dessinent . L'on devine la tête du loup . Tout en parlant, Tewa montra le brasier qu'une enfant en haillons, au regard prématurément durci, venait sans un mot ranimer de sa main maigre de petit oiseau . La fumée se perdait dans l'âtre . Sans doute les loups s'y cachaient-ils . On voyait dans la braise étinceler leurs yeux . La sauvagerie n'était jamais loin, y compris dans ce monde de pierre construite . Il secoua cette pensée sombre et continua son histoire ; l'ancien donc montra les deux loups qui s'envolaient du feu . L'un était un de ces bons loups qui suivent les campements, mangent les restes, n'attaquent pas les enfants, et combattent les ennemis des hommes, les grizzlis, les serpents, les tribus ennemies . A l'époque où se déroule ce conte, expliqua-t-il, on n'appelait pas encore cela des chiens ... eh oui, la sagesse était une chose ancienne . Ce loup était en harmonie avec son entourage, ne s'offensait que lorsqu'il y avait lieu, combattait uniquement lorsque c'était juste, et le faisait de manière juste . Tewa montra son oeil gauche .

''Dans mon âme aussi il y a un feu . Dans sa fumée aussi il y a ce loup noir .''


Puis il évoqua le second loup désigné par l'ancien, le loup blanc . Comme Tewa avait aimé entendre parler de ce loup blanc à l'époque où, jeune enfant en proie aux quolibets, il avait pour la première fois entendu raconter cette histoire ... Le loup blanc était enragé, ne rêvait que de mordre, et se mettait en embuscade pour dévorer ceux qui s'éloignaient de la sûreté du campement, le jour comme la nuit, incapable de réfléchir au bien-être qu'il éprouverait à recevoir des caresses ; incapable de trouver des raisons à ses combats, désespéré et sans influence sur le monde qui l'entoure . Le loup blanc, c'était Tewa, à l'âge où il quitta la maison de ses parents emportés par la maladie, et où il devint l'apprenti de l'homme sage . Tewa montra son oeil droit .

''Le loup blanc aussi est là . L'ancien dit, comme je vous dis, et comme vous direz à vos enfants pour qu'ils le disent à leur tour : le loup blanc est là . Ne l'oubliez jamais . Le loup noir est là, ne l'oubliez jamais . Nul, ni la personne que vous aimez le plus, ni celle que vous aimez le moins, ni vous-même, nul n'a que l'un de ces loups pour habiter votre corps . Je ne parle pas bien l'anglais ... je veux dire, chacun a les deux . Et parfois cela fait souffrir, d'avoir les deux loups aux désirs inverses présents à la fois en un même coeur, car ils s'affrontent pour dominer l'âme, comme un territoire de chasse . Alors, l'enfant demanda à l'ancien : quel est le loup le plus fort ?''


Tewa se pencha vers la lady . Cette histoire était sacrée . Les auditeurs éventuels n'en feraient rien ; mais il ne racontait pas pour eux, et la réponse de l'ancien leur était interdite, tant qu'il n'aurait pas l'intention de la leur livrer . Pourtant elle était si facile à deviner ... il l'avait comprise, lui, avant que l'ancien ne parle . Il chuchota à la lady, sans frôler sa joue de ses lèvres, car cela est trop familier, et tandis que le feu dans la cheminée laissait échapper un grondement lugubre :

''Le plus fort en ton âme, c'est celui que tu choisiras de nourrir .''
Tewa Joli-Coeur
Tewa Joli-Coeur
Âme Londonienne

Messages : 61
Humeur : have some candies, together with me ^^

Masque Venitien
Rang & Statut: Humain, Petites Gens
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Diane Laurel Mer 22 Juil - 10:04

Tout d'abord piquée, mais agréablement, comme on l'est d'une main amicale, par la chaleur du plaisir qu'à ressenti son Conteur à être invité, elle lui avait adressé un sourire autrement plus chaleureux que ceux qu'elle adressait à sa progéniture. Ensuite, telle une enfant à son tour, elle avait posé ses coudes sur ses genoux, son menton dans ses mains réunies, et suivit l'histoire comme s'il n'existait plus qu'elle. La voix, les émois du Double Coeur guidaient son âme, ils étaient Vérité, ils étaient Loi, ils étaient Monde. Tant ce qu'il soufflait que ces échos intimes étaient pris par elle comme l'enseignement de ce soir, et un don, qu'importe son origine.

Ses propos sur la colère la frappèrent en plein coeur, et la Chasseresse n'aurait pas été plus surement touchée par l'un de ses propres traits. Le poison qu'on avale, espérant que l'ennemi en meure. Comme c'était vrai, comme c'était cruel de son étincelante acuité. Elle entrouvrit les lèvres, pour n'en sortir qu'un petit soupir, comme une invite à continuer, encore et encore, et que l'histoire ne s'arrête jamais. L'oeil suivit la main, et elle fut fascinée, s'imaginant tout à fait l'Ancien, le feu et les loups; elle se vit au travers de cette enfant extérieure.
Enfin, vint le moment des flammes et de la révélation. Les loups, les deux parts, la dichotomie éternelle du monde que la Bible avait voulu oublier au profit d'un fantasme illusoire de n'être qu'un seul tenant, comme une balance à un seul plateau. Au murmure enfin, elle frissonna, non de la proximité ou de la peur, mais de son transport, et d'en revenir à elle même. Le conte s'était achevé, et il rôdait en elle, dans ses entrailles, avec la fumée du feu de l'Ancien. Avec les loups.

Le silence, soudain, malgré le brouhaha de l'auberge. Il n'existait pas à ses oreilles. Il n'y avait plus personne ici, pas un badaud, pas même cette enfant qui lui avait paru si belle, si unique dans sa proximité des flammes. Elle songeait, les yeux mi clos, plongés dans les flammes et leurs danses, à ce conte. A cet autre enfant. Et à ses loups en elle. Elle savait déjà lequel d'entre eux elle avait patiemment nourri, années après années, s'enfermant elle même loin de tous. Le noir, efflanqué, ne vivait que dans ces soirs où elle venait contempler les basses fosses, où elle se laissait aller à quelque générosité pudique qui refusait de se faire voir. Et peut être, peut être bien avec Matthew l'avait-elle nourri plus que de coutume, et il s'était rappelé de l'existence de la faim.

Enfin, elle se tourna vers la voix qui avait repris corps, qui n'était plus la sagesse d'un temps autre sur une terre lointaine, qui était son invité et son donateur. Et lui offrit son sourire, à nouveau, en retour. Plus appuyé, et plus durable, qui laissait son ombre trainer encore à ses lèvres qu'on devinait d'ordinaire si mélancoliques. Comme se rappelant ses devoirs, elle héla d'un geste la tenancière qui sembla s'apercevoir de son existence alors qu'elle l'avait servie si peu de temps avant, afin de quémander ce qu'il voudrait prendre.

Merci... Fit-elle, simplement, semblant chercher ses mots ensuite. C'était plus qu'un conte. Je vous suis redevable.


Elle ne le faisait jamais. D'ordinaire, elle disparaissait avec le levé du jour. Elle ne laissait pas de trace. Pourtant, en plus de son sourire, elle lui offrit quelque chose qu'elle ne laissait que trop peu derrière elle.

Je suis Diane.


La Chasseresse, se garda-t-elle d'ajouter.
Diane Laurel
Diane Laurel
Âme Londonienne

Messages : 34
Humeur : Ethérée.

Masque Venitien
Rang & Statut: Dame de Givre
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Tewa Joli-Coeur Mer 22 Juil - 12:20

Ce n'est pas l'attention accordée qui fit le plus plaisir à Tewa ; lorsqu'il commençait un conte, généralement on se livrait sans résistance . C'était le sentiment que ses paroles n'étaient pas qu'une musique, que pour cet esprit elles avaient tout leur sens . Il lui était si aisé de charmer et d'enchanter, sa différence y suffisait . Les hommes de Londres vivait comme des rats, et il venait d'une terre où qui n'était pas guerrier se faisait automatiquement joueur de flûte . Certains combinaient même les deux . Tewa en avait eu l'ambition, lorsque les feux de la jeunesse avaient dévoré son âme en prenant l'apparence de l'un ou l'autre loup sans qu'il soit possible de faire la distinction, la sarabande étant trop embrouillée et trop rapide pour qu'un oeil humain en distingue les détails . A présent, voir étinceler brusquement cette lueur de compréhension, qui le ramenait à l'âge où tous les hommes étaient réellement frères, suffisait à le convaincre qu'il avait sa place sur cette terre et qu'il accomplissait son devoir . Il n'avait pas besoin de combattre et de tuer pour marquer le monde de son empreinte et faire vivre son nom .

''Tewa . Fils de Thano et de Numpayo . Le nom de ma mère signifie : serpent qui ne mord pas . Avoir la beauté du serpent sans en avoir le venin est un cadeau du Ciel . Mais avoir le venin et ne pas s'en servir est une marque de force .''


Il lui fallait toujours louer la mémoire de sa mère lorsqu'il prononçait son nom . Il la révérait dans la brume du souvenir, comme peut-être il ne l'avait jamais fait alors qu'il était un enfant et qu'il apprenait ce qui est juste et ce qui ne l'est pas, et recevait leçons et réprimandes, comme tous les enfants . Il se demanda si elle serait fière de cet être étrange qu'il était devenu . Contradictoire . Ce n'était pas un péché dans leur religion . Solitaire . C'en était un, bien davantage ... il est primordial de s'inscrire dans un groupe . Tewa fronça brièvement les sourcils . La femme en face de lui avait prononcé ce mot, Diane, comme une référence à toute une culture qui lui échappait pour sa part . Il n'avait jamais entendu ce mot . Sans doute n'avait-il jamais croisé une femme qui lui ressemble, que ce soit sur ce point ou sur aucun autre . C'est lui qui lui était redevable de ces mots échangés, de ces instants loin des tracas d'une existence somme toute pas si dramatique, et dont il avait grand besoin de s'évader pour prendre un peu de recul . Il essaya de penser à Stirling . Son image s'était évanouie . Ce soir, il le laisserait en paix, tel un fantôme familier en veine d'indulgence exceptionnelle .

''Certains pauvres hères d'ici me trancheraient la gorge pour oser prétendre une chose pareille, mais tout n'est qu'une question de choix . La liberté, le bonheur, toutes ces choses qui font ricaner les dandys, vous savez . Pourquoi êtes-vous ici, Diane ?''


Il était fier de savoir placer ce mot pour désigner les esprits forts . Esprits forts, cela ne leur allait guère . Tout au plus se révoltaient-ils contre les principes de leurs parents, ce qui est digne d'un enfant réclamant de devenir un homme, rien de plus . Chercher l'indépendance dans une bouteille n'était que faiblesse et esprit de facilité, et les hommes de son peuple avaient donné avec trop d'enthousiasme dans ce travers sordide pour qu'il puisse l'accepter . Il ne faisait pas la leçon à tous les dandys qu'il croisait, mais il lui était difficile d'évoquer le phénomène avec aménité . Cependant il savait bien que certaines jeunes femmes y voyaient le portail vers la liberté de penser et d'agir, et encourageaient ou même partageaient ces moeurs en apparence révolutionnaires, avec un grand plaisir parfois, même si ce n'était pas exactement le bonheur . Il ignorait s'il n'avait pas affaire à l'une d'elles . Une grande dame égarée dans un lieu de débauche, c'était tout à fait l'aura nécessaire à ce genre de scénario .

Il lui était impossible d'interroger son regard . Comme les eaux de la Tamise, l'on n'en voyait jamais le fond et il était impossible de savoir même s'il en existait un . Ce n'était pas une comparaison flatteuse et il se promit de ne pas la prononcer à voix haute . Il avait surtout envie de lui poser des questions . Elle était Diane, et qu'est-ce que cela signifiait ? Qu'était Diane, et cette femme, qu'était-elle avant d'être Diane ? Elle lui avait remis avec ce nom une petit clef d'or, il était maintenant de son droit de chercher à s'en servir . S'enhardissant un peu, il avança la main et frôla une mèche de cheveux lunaires, comme si la réponse pouvait s'y cacher . Son sourire ne l'avait pas quitté, comme une garantie qu'il n'y aurait dans aucun de ses gestes l'agression dont le risque planait sur toute conversation en pareil lieu .
Tewa Joli-Coeur
Tewa Joli-Coeur
Âme Londonienne

Messages : 61
Humeur : have some candies, together with me ^^

Masque Venitien
Rang & Statut: Humain, Petites Gens
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Diane Laurel Lun 27 Juil - 9:48

Tewa, fils de Thano et de Numpayo.


Elle répéta ces quelques mots, les laissa rouler sur sa langue comme, non pas pour se les approprier, mais pour les sentir, les goûter, mieux se souvenir de leur substance. Et de cet émoi si rare, que l'âme du Conteur laissa à paraître, tel une perle enfermée: L'accomplissement. Ce bonheur supérieur, car si calme et si paisible, qui transperce et transcende. Malgré elle, et de sa simple présence, de son écoute et de sa réaction à son offrande, elle avait tiré l'un des plus beaux traits qu'elle aie jamais esquissé, dans le coeur double de l'homme. Son sourire s'en fit le reflet, alors qu'elle l'écoutait, et le goûtait encore, parler et ressentir au propos de sa mère. Encore une fois, elle songea à son engeance, et se demanda dans combien de temps ne serait-elle plus pour ses deux filles que le souvenir lointain et opaque qu'elle cherchait depuis si longtemps à être. Peut être se confineraient-elles dans une haine paisible adressée à une figure lointaine, comme les hommes passés pointaient Hadès et crachaient sur ses icônes. Il y avait, à ces pensées, une langueur étrange dont elle savait se satisfaire. Elles seraient plus heureuses, toutes trois, éloignées sagement les unes des autres. A nourrir leur loup blanc, le sauvage. Il ne devait jamais être bon d'en laisser un trop de côté.

Elle ne répondit rien à la conclusion de l'homme au propos du nom, et du venin. Elle hocha simplement la tête, approuvant, tout à fait consciente qu'elle avait eu la faiblesse large à ce sujet, et qu'elle avait été généreuse d'un venin lent et insidieux, celui là même qu'elle avait bu. Sa mère, oui, devait être une femme à l'âme magnifique, comme il y en avait peu. Une femme qui méritait qu'on conte l'histoire de son nom. Elle songea un instant à la figure de sa propre mère, et n'y trouva rien de semblable. Sa mère était une figure lointaine de dîner funèbres et d'accusation muette. Et quelques plumes d'oiseau. Elles se ressemblaient, à présent, dans les yeux de leurs enfants, sans doute. Diane en eut un sourire pâle, évanescent.

Vint le temps de sa question, et elle était légitime. Pourquoi. Oui, pourquoi, alors qu'il semblait avoir vu si vite, si aisément, qu'elle n'était pas de cette même souche. Pas du même sang. La liberté, le bonheur, deux choses qui ne l'avaient jamais faite rire, ou même ricaner, et qu'elle n'était pas certaine d'avoir eues un jour. Elle en connaissait la saveur passante dans le coeur d'autrui, et les rares images auxquelles elles la renvoyaient étaient les bras d'un homme qui s'était enfui. Alors, oui, pourquoi. Elle pouvait mentir, c'était aisé. Il y avait des milliers de raisons de se trouver là, une affaire, une lubie, un rien, quoiqu'il fut. C'étaient là des sottises, qu'il ne croirait sans doute pas, et qui briseraient ce lien ténu de confiance et de sincérité simples, qui s'étaient tissés entre eux deux, qui lui permirent de se laisser frôler son unique parure sans se soustraire, sans croire un instant à la malice ou à un intérêt charnel dont elle n'aurait eu cure. Des choses précieuses, fragiles; d'autres présents en ce soir. Si son visage restait ainsi qu'il était toujours, flottant, l'oeil absent, il se paraît d'un sourire qui se faisait celui d'une jeune fille qu'elle avait été. Plus animé. Sa main s'ouvrit sur la foule, la taverne, le bruit, pour laisser le monde entrer un instant dans le leur, avant de refermer la porte quand sa main s'abandonna à nouveau au vieux bois.

Je viens parfois ici, pour regarder, respirer, entendre. Pour voir ce qu'il y a, écouter ces vies si différentes, entendre... Entendre des coeurs battre. Je suis d'un monde qui s'effondre sur lui même, fermé, clos. J'y vais pour respirer, l'espace d'un soir, là où nul des barreaux de ma cage ne viendrait me chercher. Je suis enfermée et je le sais, et je viens là comme d'autres se penchent à leur fenêtre. J'offre toujours quelque chose en retour, pour rendre la valeur de cet air que je leur ai pris et qu'ils ne savent pas souvent avoir. J'ai beaucoup à leurs yeux, ils sont beaucoup aux miens. Voilà pourquoi je suis ici.


Elle avait été sincère, et il avait offert sans doute plus qu'il ne le pensait. Si c'était là ce qu'il désirait en échange, elle le lui donnait de bonne grâce. Elle souriait, non pas comme un ange, bien loin qu'elle était de cette vertu sévère qui ne savait pas avoir de mérite, puisqu'elle allait de soi, mais comme une vestale, ces femmes charnelles retirés d'elles-mêmes. Et elle souffla, sa main approchant la sienne, sur ce même ton, cette même symphonie de confiance mutuelle, tissée d'on ne sait quoi, surgie d'on ne sait où.

Que signifie, Tewa? Et que fait celui qui le porte ici?


Oui, sans doute lui dirait-elle ce que signifiait Diane ensuite. Et quand bien même il ne répondrait pas, peut être, pour conter une légende à son tour. Elle avait la sensation qu'ils avaient tous deux dérivés d'autres temps, d'autres panthéons, pour que leurs barques se touchent sans se heurter. Et que c'était un instant de grâce magnifique. Diane était sereine, et en ça, Tewa avait accompli un miracle.
Diane Laurel
Diane Laurel
Âme Londonienne

Messages : 34
Humeur : Ethérée.

Masque Venitien
Rang & Statut: Dame de Givre
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Tewa Joli-Coeur Mer 29 Juil - 2:07

''Je vais répondre en une fois, car au fond, c'est la même chose . Tewa ... Cela dépend pour qui . Les cherokees l'utilisent pour désigner les écureuils volants, les sorcières, ou ceux de notre peuple, ce que nous avons repris . Pour les sorcières il y a un autre mot, vous auriez du mal à le prononcer mais nous pouvons jouer à cela si vous voulez . Tsgili . Et pour moi, Tewa est l'homme-médecine qui est parti loin de sa terre, à la suite d'un couple de Blancs très civilisés, et a découvert que les hommes ne sont jamais que des hommes . C'est un peu plus long .''

D'un sourire, il mit fin aux explications et débuta le jeu, répétant d'une voix mystérieuse : Ts ... gui ... li . Ses crocs luisaient blancs entre ses lèvres sombres, mais il n'y avait pas de menace dans toute la familiarité de son expression . Il s'était dit qu'un écureuil volant pouvait se fier à un serpent pour ne pas faire usage de son venin, et se laisser charmer un peu, pourvu que ça l'amuse . Il avait tant besoin de ce genre de distractions ... La voix de cette femme était si douce, et formait les syllabes avec une musicalité si fascinante ... Il pouvait à peine détacher les yeux de sa jolie bouche, même si ce n'était guère convenable . Elle était aussi intéressante qu'un reflet dans un miroir déformant . Elle était sortie de son monde et apprenait de ce qu'elle observait au-dehors, comme l'enfant couché sur la rive contemple les mouvements des êtres aquatiques sans réellement traverser la surface .

''... c'est ce que je fais ici . La femme s'occupe de son enfant, l'homme est au conseil avec les autres hommes . Et moi, où puis-je aller ? Alors je reste ici ... Je crois que j'attends .''

Mais vers quelle direction le courant pouvait-il se décider ? Il le broierait de toute façon en l'emportant . Ici seulement il pouvait vivre, seul de son côté de la surface . Il n'était fait ni pour une branche définie de cette rivière, ni pour l'autre . Il trouverait toujours à se démarquer, et à souffrir de n'avoir su correspondre aux attentes de ceux qui comptaient pour lui .

La chanteuse aux yeux vides savait quelles pensées l'animaient, et elle reprit à voix plus feutrée, d'un peu plus loin parmi la foule bruyante, cette fois sans le secours musical du violoniste qui l'avait doucement enlacée par derrière, à la façon d'une muse masculine et spectrale soufflant sans former un seul mot les paroles exactes à son oreille .

I am neither alive nor dead
I can neither go nor stay here .
You, look so much like me tonight
I can almost see myself clear .
So, come and take my hand again
Let's join our shadows on the wall .
Maybe out of the two of us
Could be built an entire soul .
Tewa Joli-Coeur
Tewa Joli-Coeur
Âme Londonienne

Messages : 61
Humeur : have some candies, together with me ^^

Masque Venitien
Rang & Statut: Humain, Petites Gens
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Diane Laurel Ven 31 Juil - 7:18



La Chasseresse avait saisit le regard, avait relevé l'intérêt, et beaucoup en auraient pris ombrage. Pas elle, non. Les arcanes des âmes lui avaient, depuis longtemps, appris à dissocier ce qui est des normes admis et ce qui en est en réalité, dans les confins secrets des coeurs. Le jeu lui plut, et à son invite, elle souffla, plusieurs fois.

Tss... Gui... Lui. Attendez. Tsg'... Uili. Tsguili. Ts-gui-li. Je l'ai. Tsguili.


Son accent léger rendait le mot plus envolé, plus guttural aussi. Osa-t-elle rire, même, un peu? Un son léger, suave, qu'elle-même n'avait pas entendu depuis fort longtemps. Même enfant, elle ne pleurait que peu, riait rarement, et jamais aux éclats. C'était là quelque chose de ténu, mais de présent toutefois, une petite trille lancée par un oiseau en plein hiver. Qui la surprit elle même. Ainsi, elle pouvait encore rire. Ainsi, elle pouvait encore ressentir. Si cette dernière chose, Matthew le lui avait bien montré, cette première la laissa un instant pensive, le regard plongé sur l'étranger qui lui était plus familier que ses enfants mêmes. Et, pour une fois, elle ne savait ce qui vraiment l'empêcherait de se laisser faire, de se laisser réchauffer au coin de cet âtre. De troquer son venin de colère contre un broc de bière ou de mauvais vin, e laisser un peu approcher le loup noir, sous l'oeil méprisant et hautain du blanc.

La reprise du chant, tout autant que ces derniers mots, ses derniers émois, lui étreignirent le coeur, la saisirent d'une sensation de pincement qu'elle croyait, elle aussi, morte depuis longtemps. Elle était accoutumée à l'asphyxie, pas aux brûlures. Elle ne reconnaissant pas les élans de son Incube, ni rien de ce que décrivait Letha dans ses ouvrages, mais peut être était-ce là quelques chapitres qu'elle devrait écrire sans modèle. Sans guide. Sans contraintes autres que celles qu'elles ne savait que trop bien s'imposer d'elle même. C'était à son tour de faire un geste vers lui, de tisser quelque chose, de l'extraire de ce courant languide qui lui était familier, dans lequel elle ne pouvait se noyer, elle. La Nymphe de Mélancolie. Alors, lentement, comme un serpent approcherait d'un écureuil pour ne pas l'effaroucher, elle approcha sa main de la sienne, frôlant ses doigts de ces brindilles dignes d'une pianiste, dignes de son rang, qui n'avaient jamais connues le labeur. Intactes, comme des mains de jeune fille. Froides, comme celles d'une morte. Sans force aucune. Juste un contact. L'esquisse d'une caresse. D'une promesse, peut être, enveloppée dans le chant de l'aveugle.

Diane... Est le nom d'une déesse, oubliée depuis longtemps. Elle présidait à la chasse, elle incarnait la lune, farouche et vierge, parfois cruelle. Elle était dans les sources, dans les plaines, dans ce qu'il y avait de sauvage. C'est elle, Diane.


Un pas de plus, un partage encore. La Chasseresse le contemplait, comme s'il était Endymion éveillé. Il avait peut être été seul, très longtemps, entre deux eaux. Mais, à force de marcher, ils s'étaient croisés.
Diane Laurel
Diane Laurel
Âme Londonienne

Messages : 34
Humeur : Ethérée.

Masque Venitien
Rang & Statut: Dame de Givre
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Tewa Joli-Coeur Ven 31 Juil - 12:50

''C'est une femme de mon peuple que vous me décrivez là . Un double esprit . Capable de chasser, de porter les vêtements de la femme ou de l'homme, de choisir entre le conseil des guerriers et les danses des jeunes épouses . Et d'envoyer tout ça au diable, si je puis me permettre . Une déesse ? Et pourtant je ne suis pas un dieu ... j'étais un garçon qui cherchait la sagesse, puis un jeune homme qui suivait son coeur, et maintenant je ne sais plus ce que je suis .''

Diane ? Si telle était cette déesse qui avait tout d'une sorcière, il en avait déjà croisé plusieurs exemplaires . Aux grands rassemblements des guérisseurs et des conteurs de plusieurs peuples, parfois ennemis, il avait parlé avec des Dianes sans nombre . Il imagina soudain pouvoir emporter cette blanche tourterelle des cieux londoniens, d'un long vol comme les corbeaux n'en firent jamais qu'à bord des navires à tête de serpent, pour regagner les territoires indiens à l'agonie et la convier à l'un de ces derniers grands rassemblements magiques . Il la mènerait par la main, maquillé de ses peintures rituelles, et l'on s'écarterait sur leur sillage, comme s'ils étaient deux êtres surnaturels sortis des flammes pour hanter la célébration . C'était ridicule, mais il adorait cette idée .

''Pourquoi vos parents vous ont-ils donné ce nom ? Espéraient-ils que vous seriez sauvage ? Je croyais que les Anglais trouvaient le monde sauvage mauvais . Dangereux et sale ... Pourtant je prends des bains tous les matins et je n'ai tué personne depuis des semaines !''

Son air innocent parfaitement affecté laissa la place à un rire las mais sincère, qui fit briller un court instant ses yeux sombres . Pouvoir se montrer si naturel et si insouciant en compagnie d'une femme, ces êtres sacrés et précieux de l'Ancien Monde depuis les temps de la chevalerie, et qui plus est d'une femme d'une telle distinction, était surréaliste . Et pourtant cela semblait la chose la plus évidente en ce monde, éternelle comme la clarté de la Lune, indiscutable comme son pouvoir sur les êtres et les choses . Il saisit dans la sienne la main qui l'avait frôlée et y déposa un baiser, spontanément, sans réfléchir . Il avait vu des enfants faire cela avec leur mère, des frères avec leur soeur, même s'il savait que c'était également la manifestation d'une tendresse aussi profonde mais entachée d'autres désirs dans certains cas et entre certaines personnes . Il n'aurait su dire dans quelle catégorie il se situait ni ce qu'il ressentait exactement ; le geste lui avait simplement brûlé les lèvres, et il avait suivi cette attitude naturelle que la blanche dame lui avait permise .

Ses baisers, son contact, n'étaient en aucun cas une tache sur une réputation, même si la bonne société en pensait sans doute autrement . C'étaient des bénédictions et l'on en retirait forcément quelque chose . Il était un chaman au double esprit, un être plus proche que nul autre du Grand Esprit qui créait les choses et les hasards, et surtout les pouvoirs magiques . Il avait approché de plus près que les autres le brasier dévorant qu'était la complexité infernale du monde . Il s'y était même brûlé les doigts et en porterait à jamais la trace douloureuse . Cette nature particulière était peut-être ce que les Anglais existant avant les chrétiens appelaient leurs dieux . Il n'osait pas poser la question, il était rare de trouver un Anglais acceptant ce genre de conversation sans tomber dans des réactions disproportionnées, nées d'une colère infantile et d'une crainte dont il s'apercevait à peine lui-même, des sentiments venus du fond des âges, transmis de père en fils sans être analysés . Tewa souffrait de les voir ainsi . Il savait ce que c'était de combattre sa propre nature, et il n'aimait pas y pousser les autres, à moins de les y sentir prêts .
Tewa Joli-Coeur
Tewa Joli-Coeur
Âme Londonienne

Messages : 61
Humeur : have some candies, together with me ^^

Masque Venitien
Rang & Statut: Humain, Petites Gens
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Diane Laurel Mar 11 Aoû - 19:10

Les propos du Double Coeur, une nouvelle fois, trouvèrent écho en elle, dans son coeur à elle. Elle n'en fut plus étonnée. Tout était devenu si évident, si frais, si innocent et doux qu'elle ne désirait plus s'encombrer de doutes, de questions ou d'aigreur qui la ferait revenir à sa chape de glace coutumière. Elle avait délaissé son manteau de givre auprès du feu de l'Ancien. De fantôme elle était redevenue femme.

Permettez-vous.


Fit-elle avec un sourire plus appuyé, et plus rêveur à la fois, alors qu'elle songeait à ses Démons, son Incube, ce Dieu si sévère et si noir habillé de lumière, revêtu d'indifférence. Un double esprit, disait-il, comme elle l'avait senti de lui. Il disait, sorcière, femme. Était-il de même jusqu'à ce point? Loin de l'écoeurer ou de la repousser, l'idée lui plut, et l'onde de mystère et d'exception dont Tewa s'entourait lui passa ce qu'elle pouvait avoir encore de retenue, de pointe de déception, au fait qu'il ne soit Mage. Qu'il ne connaisse la Brume. Peu lui importait, à présent, puisqu'il était sorcière d'un autre peuple.

Ce que vous êtes... Je puis vous dire ce que je vois.


Elle ferma les yeux, comme pour signifier qu'elle l'observait à présent avec un tout autre regard que celui dont l'Homme tendait à abuser, oubliant la vérité sous la surface des dorures, des apparats. Sa main vint à rencontrer le menton du Double coeur, légère, à peine effleurée.

Ce que je vois est... Un songe ancien, et blessé. Comme un arbre rare qu'on aurait déraciné avec soin, pour le planter dans la terre étrangère d'un parc. Il a repris, il vit, oui, mais il est seul, nu, et observé. Il se tient sage, on l'observe, on passe sans voir tout ce qu'il est. Ce n'est pas qu'il souffre... Ce n'est pas qu'il meure. C'est qu'il ne reconnait pas même le soleil, l'eau. Qu'il est là, avec stupeur, à se demander même si ses feuilles sont toujours semblables...


Elle retira sa main, et la seconde fut baisée. Elle plissa les yeux, non de méfiance, mais de ravissement ténu, qui était encore pudique. Qu'il saurait voir, sans doute. Sa question précédente en fut presque occultée, et c'est distraitement qu'elle souffla.

Ma mère, qui m'a donné mon nom, ne venait pas d'Angleterre, mais de Grèce. Une île, bien plus au sud, où les Temples de ces dieux anciens trônent encore. Certains disent qu'on les y entend encore... J'aurais aimé, je pense, voir ces terres un jour.


Sa main se noua tout à fait à la sienne. Non pas possessive. Mais, quelque part, presque fraternelle. De la confiance qu'on a, à être avec le même sang. Le même être que soi. Son reflet fidèle, même si inversé.
Diane Laurel
Diane Laurel
Âme Londonienne

Messages : 34
Humeur : Ethérée.

Masque Venitien
Rang & Statut: Dame de Givre
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Tewa Joli-Coeur Mer 12 Aoû - 1:56

Comme un félin charmé d'une caresse inattendue, Tewa inclina doucement la tête sur le côté, fermant les yeux à demi, savourant avec une sensualité innocente le pas en avant que signifiait cette nouvelle familiarité . Il avait encore envie d'embrasser le creux de cette main douce comme la soie plutôt que comme une main humaine, irriguée de sang humain . Tout cela avait une étrangeté précieuse comme un instant de parfaite lumière sur un paysage parfait, dont on sait qu'on est le seul à le ressentir aussi intensément, et qu'il ne se reproduira pas . Une lumière juvénile illuminait discrétement son visage d'aventurier .

''Les îles sont toujours des emplacements de forte magie . De ''trésors'', comme je pourrais le dire à l'anglaise, sans vouloir vous offenser ... mais vous êtes comme moi . Vous n'êtes pas anglaise . Vous passez simplement, comme les oiseaux migrateurs . Je suis venu ici à la suite d'un homme, et vous ? ... oh, ne répondez pas . C'est une question inconvenante, nous n'avons pas encore tout partagé .''


Elle n'aurait pu prononcer par hasard tant de mots qui s'adressaient directement au plus profond de ses pensées, au plus secret de ses croyances . Elle devait être issue d'un monde avant le monde, où tous deux s'étaient connus et avaient partagé quelque chose d'assez réel pour retrouver un écho dans la réalité de la vie humaine . Elle avait parlé d'un songe ; or les songes n'étaient-ils pas les messages de ces vies précédentes, les souvenirs de ces sentiments perdus, les cicatrices de ces terreurs oubliées ?

Elle avait parlé d'un arbre ... Peu de ces anglicans se rappelaient un temps avant l'agriculture, où les plantes n'étaient pas de la nourriture pour animaux, et les animaux de la nourriture pour eux, mais tout se côtoyait dans une égalité évidente . Peu de ces darwinistes acceptaient de reconnaître un statut comparable à des créatures si éloignées dans l'évolution du vivant . Il lui avait fallu dialoguer avec une vieille de la campagne, venue vendre ses bouquets sauvages au marché, pour trouver quelqu'un capable de reconnaître que les fleurs méritaient une pensée à l'instant où on les arrachait . Et c'était ce que n'importe qui dans la rue, interrogé, aurait appelé une vieille folle . D'autres fous semblaient partager ces sentiments envers la nature : Stirling lui avait parlé en riant de ''poètes romantiques'' avec qui soit-disant il s'entendrait très bien . Des êtres qui jouaient d'un violon languissant dans des mansardes semblables à la sienne, portant le deuil pour une rose fanée, et qui croyaient aux correspondances mystiques entre les symboles de la nature et les pensées intimes de l'être humain . Mais il n'en avait encore jamais croisé, et soupçonnait que c'étaient de ces ombres efflanquées qui se noyaient dans l'abstinthe dans les coins de cette même taverne . Stirling se moquait, tout simplement . D'autant que Tewa n'aimait pas écrire ...

''... Nous sommes fous, aux yeux du monde,''
murmura-t-il au bout de quelques instants en rapprochant sa chaise de la sienne . Sa voix n'était plus qu'un souffle ténu . Cette situation avait presque quelque chose d'effrayant, mais il se corrigea rapidement, avec une ombre de sourire . ''Aux yeux de cette société . Le monde est plus vaste et plus beau que cela . Nous l'avons vu, vous et moi .''

Il l'espérait . Cette femme plus blanche encore que les autres avait voyagé et sans doute beaucoup appris . A moins d'avoir invariablement détourné les yeux, elle montrait tous les signes d'une nature sensible, capable de juger et de s'abstenir de juger lorsque cela s'imposait . ''Et même en ce monde où nous vivons ... nous pouvons nous montrer la beauté qui demeure .''
Tewa Joli-Coeur
Tewa Joli-Coeur
Âme Londonienne

Messages : 61
Humeur : have some candies, together with me ^^

Masque Venitien
Rang & Statut: Humain, Petites Gens
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Diane Laurel Sam 22 Aoû - 6:13

La certitude étrange et tranquille coulait en elle comme un ruisseau créé par le dégel ténu, timide. Il était un printemps, limité à cette auberge et à ce visage, qui naissait dans son hiver éternel. Et, loin de percer la glace comme un poignard, tout n'était que lueur délicate, douceur caressante. Des choses s'éveillaient, un peu surprises, mais sans être bousculées. C'était là un merveilleux présent, tombé de mains inconnues et hasardeuses tout autant que bienvenues, étrangement délicates. Comme tout était vrai entre eux. L'idée se fit en elle également, qu'ils avaient dû se connaître, qu'ils avaient été frère et soeur, amants, mari et femme ou encore père et fille, mère et enfant. Ils étaient familiers, s'étaient déjà apprivoisés, il n'y avait eu qu'à briser la toile poussiéreuse du temps qui avait passé malgré eux. Elle sourit, flattée, penchant la tête de côté sans relâcher ni son regard, ni sa main.

Comment m'offenseriez-vous de mots pareils? L'inconvenance ne me dérange pas. Pas venant de vous.


Pourquoi se voiler encore? Elle se sentait encore être la dame de glace, mais une femme libérée de l'immobilité, dominant enfin, sur le point de céder, de fondre, ses facultés. Retrouvant la liberté de se mouvoir, de passer dans son jardin, de hanter d'autres consciences, d'aller sous d'autres cieux. Ceux, cuisants, lourds et lumineux, païens, d'autres terres moins domestiques. Elle avait l'âme à la promenade.

Ma mère est venue épouser un homme, un homme anglais. J'ai encore des écrits de mon aïeule, décrivant la beauté des terres presque sauvages, où le soleil est maître, et les hommes encore respectueux d'une nature indocile et farouche, qui n'étouffe pas sous les pierres. Quand bien même je ne l'ai ai jamais vues de mes yeux, elles sont en moi, et le sang de cette terre est le mien.


Elle baissa légèrement les yeux et rit, très légèrement, de ses propres sottises. C'était un son rare, délicat et suave. Fragile comme une dentelle de givre. Combien riraient de l'entendre deviser ainsi, parler de ces choses dignes des enfants ou des hérétiques. Elle songea un instant à son époux, et il fut une flamme qui projetait des ombres. Un orage grondant dans ses cieux limpides. Comme il serait furieux de la voir ainsi, lui qui la désirait pour elle, à la fois domptée et libre. Il n'avait su que la briser, et la laisser entière, fendue, inutile, et amère. Elle le chassa d'un geste, alors qu'elle posait sa main libre au dossier de sa chaise.

Que diriez-vous... D'aller marcher, simplement, au hasard des rues? J'aimerai sentir l'air. Constater si la beauté se découvre entre deux des pavés des routes.


Le regard qu'elle lui adressait était plus clair, et plus intense que jamais. Elle aurait aimé lui confier ô combien elle aurait voulu lui dire, venez, partons, allons retrouvez nos îles, sauvons-nous, le reste n'importe plus. Mais il y avait le poids du temps jaloux, des murs sévères. Elle n'osa. Pas encore. Ces choses ne s'osent que dans les contes.
Diane Laurel
Diane Laurel
Âme Londonienne

Messages : 34
Humeur : Ethérée.

Masque Venitien
Rang & Statut: Dame de Givre
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Tewa Joli-Coeur Ven 28 Aoû - 1:31

Marcher au bord de l'eau... Laisser leurs pensées ailées retrouver ces courants qui mènent jusqu'à leurs îles . C'était d'une tentation presque douloureuse d'efficacité, et Tewa sentit qu'il n'avait même pas envie de résister . Comme l'or du couchant s'étend à l'horizon entier à l'instant de s'éteindre, il se laissa envahir d'une vague qui n'était pas la vague amère des eaux, mais une vague d'or et de chaleur, qui laisserait sans doute place à une nuit d'autant plus sombre et fraîche, mais sincèrement, quelle importance ... Il se releva et sa main exerça une légère pression, un appel muet, sur celle qu'elle n'avait pas abandonnée .

Pourquoi, pas venant de vous ? Qui était-il pour se distinguer, se faire volontairement distinguer et ne pas s'effacer sitôt la chose accomplie ? Oh, il avait déjà tué, et cet homme anglais lui évoquait une silhouette de Mauvais Homme de théâtre d'ombres, et celui qu'il avait déjà tué, parce qu'il faisait le malheur de sa femme . S'arroger le droit de posséder un être était déjà suffisamment barbare sans que l'on s'applique ensuite à détruire ce trésor qu'on s'était jalousement réservé . Dans une vague d'un or nouveau, presque rouge, d'exaltation, il se jura de tuer l'homme qui tenait enchaînée cette blanche dame d'autres îles, dût-il une fois seulement porter atteinte à son bonheur . L'instant d'après, il était oublié .

''Ce qu'il nous faut découvrir, c'est ceci . Pourquoi sommes-nous venus en Angleterre ? Non, pas à cause de quoi, surtout pas à cause de qui . Pourquoi, dans quel but ? Sans doute, en y mettant les pieds, nous ne le savions pas .''


Pourquoi au monde, c'était également une excellente question, et c'était la même, différemment formulée, et la réponse était la même . Une réponse qu'ils ne trouveraient pas au cours d'une errance passée à échanger des pensées, à éprouver avec une fascination grandissante la sensation de leurs âmes glissant l'une contre l'autre parmi les ondes des ténèbres et des lueurs artificielles . Mais une réponse que leur rencontre les aiderait sans doute à formuler, un jour, lorsqu'elle serait devenue un doux fantôme de souvenir, satiné sous les doigts tremblants de leur mémoire . Avant même qu'ils ne posent le pied hors de l'auberge, il commençait déjà à chercher quel instant il figerait dans sa mémoire, lequel formerait la plus parfaite image à collectionner au milieu des autres, un portrait d'eux ensemble particulièrement bien placé, bien encadré par Londres et par la nuit, bien éclairé, bien coloré . Leurs couleurs s'harmonisaient à la lumière chancelante, se mariaient et se répondaient . Il aimait ce phénomène .

Nimbée de fines gouttes de bruine ricochant sur son manteau, ou du halo d'un lampadaire, comme pourrait l'être une poupée de porcelaine pour adulte oubliée sur un banc au cours d'un autre jeu, elle serait probablement inoubliable .
Tewa Joli-Coeur
Tewa Joli-Coeur
Âme Londonienne

Messages : 61
Humeur : have some candies, together with me ^^

Masque Venitien
Rang & Statut: Humain, Petites Gens
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Diane Laurel Sam 5 Sep - 12:13

A l'appel léger elle se leva enfin. Sa main libre, ou plutôt celle qui lui faisait l'effet, contrairement à l'autre, d'être orpheline, se saisit de sa capeline, la passa à ses épaules et la boucla. Son visage fin et noble se voila de l'épais tissu d'un gris terne qui était à l'image même de la ville; une chape morne couvrant des trésors qu'il fallait découvrir en osant y porter la main.

Son regard se porta de nouveau, et avec le goût étrange et doux-amer des dernières fois, sur la salle et ses contours. Ces gens, ces âmes, ces perdus qui se débattaient avec une fougue magnifique et lasse contre leurs vies, leurs conditions, et pour ces dernières à la fois. Leurs identités, leurs êtres tous entiers. Comme ils étaient beaux de laideur et d'abandon!... Un instant, elle se demanda si elle n'avait pas été la plus laide et la plus pauvre de tous en entrant, vampire étrange venu se nourrir du mal et des langueurs qui rongeaient les os même de l'humanité, et si elle n'était pas la moins méritante, pourtant la plus gâtée, alors qu'elle s'apprêtait à franchir le seuil.

Elle posa son regard à nouveau sur lui, et on pouvait lire à ce lac limpide et clair, presque lunaire, quelque chose de précieux et de doux, quelque chose qui était resté de ses envies inavouables de partir aussi loin que leurs jambes sauraient les porter. Comme ça. A la faveur de leur rencontre, et sans autre raison. Qu'importe la destinée, qu'importe quelle main divine ou païenne avait bien pu vouloir les confronter l'un à l'autre; ils étaient, tous deux. Et cette certitude bâtie sur du rien lui fit la faveur de conserver ce sourire, cet éclat, à son visage d'ordinaire si marmoréen.

Au seuil, à la frontière de leur chemin qui devenait un pour l'éternité de quelques instants volés, elle détourna enfin le regard, et découvrit le dehors bruineux, épais. Souffla, d'un ton de conteuse, d'un ton d'oracle.

Diane Laurel
Diane Laurel
Âme Londonienne

Messages : 34
Humeur : Ethérée.

Masque Venitien
Rang & Statut: Dame de Givre
Amours & Haines:

Revenir en haut Aller en bas

''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre] Empty Re: ''Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.'' [Libre]

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum