doors of the Hell

Première nuit

La musique emplit l’église, raisonne dans les hautes arcades, solennelle. La foule se tait, il y a du beau monde. Tient les Laurel sont là eux aussi et la peste d’Eve. Papa à l’air fière de marcher à mon côté.

Tu es magnifique dans ta robe ma chérie, m’a-t-il soufflé avant que nous entrions et avancions vers l’autel.

La robe est magnifique, blanche immaculée, aussi blanche que ma peau. La dentelle est légère, délicate. La traîne tenue par quatre demoiselles d’honneur est longue. Le corset est peut-être un peu trop serré.

L’autel est magnifiquement décoré de fleurs, il y a des couronnes de fleurs partout à vrai dire. Cela a du coûter cher en décoration. Maman a l’air si heureuse, elle a les yeux qui brillent. Je suis sûre qu’elle a veillé à ce que chaque détail soit parfait.
Ce sera un beau mariage, maman.

J’ai envie de pleurer.

Il est là, lui, Lord Willow, dans son costume impeccable. Il me sourit, son sourire que je hais tant. Il déborde d’amour gluant et il m’en éclabousse. L’Evêque va commencer la cérémonie. Une Brooke ne se marie que sous la bénédiction d’un évêque. Ses paroles commencent à s’élever mais de cette première lecture, je n’en ai pas entendu un mot. Mes oreilles bourdonnaient de pensée absurdes. « Tu peux dire non, imagine leurs têtes. » « Un mariage de raison comme tant d’autre de quoi te plains-tu ton futur époux est bel homme ».
Elle revint à la cérémonie quand tout l’assemblée lu un psaume, pour se réfugier rapidement dans ses pensées à nouveau.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
Lent à la colère et plein d'amour ;
La bonté du Seigneur est pour tous,
Sa tendresse pour toutes ses œuvres.

« Je ne peux pas dire non, ma mère en serait folle de chagrin et mon père me renierai sans doute. C’est par simple égoïsme et confort que j’accepte finalement »
L’Evangile fut ensuite lu par l’évêque, dieu qu’il est bouffi cet évêque.

Des pharasiens s'approchèrent de Jésus
Pour le mettre à l'épreuve ;
Ils lui demandèrent :
" Est-il permis de renvoyer sa femme pour n'importe quel motif ? "
Il répondit :
" N'avez-vous pas lu l'écriture ?
Au commencement, le Créateur
Les fit homme et femme,
Et il leur dit :
" Voilà pourquoi l'homme quittera son père et sa mère,
il s'attachera à sa femme,
et tous deux ne feront plus qu'un. "
A cause de cela, ils ne sont plus deux, mais un seul.
Donc, ce que Dieu a uni, Que l'homme ne le sépare pas ! "

Je devrais être heureuse, alors pourquoi ai-je envie de pleurer, c’est égoïste. Je vais finir ma vie dans un manoir à pouponner une couvée de gamin braillard et à subir les désirs de cet homme.

Lynn et Jean-Batiste, vous avez écouté La parole de Dieu qui a révélé aux hommes le sens
de l'amour et du mariage. Vous allez vous engager l'un envers l'autre.
Est-ce librement et sans contrainte ?

Officiellement ce fut un beau oui de cœur, officieusement je mourrais d’envie de lui dire, je dois répondre sincèrement ?

Vous allez vous promettre fidélité. Est-ce pour toute votre vie ?

oui, pour toute notre vie

Ma voix est plus grave que la sienne.

Dans le foyer que vous allez fonder, acceptez-vous la responsabilité d'époux et de parents ?

Oui, nous l'acceptons.

C’est pas lui qui portera les enfants, ça l’engage pas beaucoup de dire oui. Il se tourne vers moi, Lynn... voici tes dernières secondes de liberté.

Lynn, veux-tu être ma femme ?

J’allais dire oui, que voulez-vous que je dise d’autre. On a beau fanfaronner, dire qu’on dira non et qu’ils seront tous bien embêtés, mais c’est que du vent. Combien de femme avant moi on fait mon choix ? Alors que le oui naissait dans ma gorge, les portes s’ouvrir en fracas et une silhouette imposante surgit. Noir, enveloppée d’un long manteau. Ses pieds étaient des sabots de bouc, il avait des yeux plissé aux iris rouge et or. Le Diable.

Mes bons messieurs, charmantes dames, je suis dans le regret de vous annoncer que cette jeune femme ne pourra épouser ce jeune homme... puisqu’elle m’appartient.

Il y eut dans la salle des cris épouvantés, des femmes s’évanouirent, l’évêque brandissait son crucifix.
Et moi je Le regardais et Lui me souriait.

Lynn se réveilla en sueur. Il était encore tôt. Il aurait pu interrompre la cérémonie plus tôt pensa-t-elle, au lieu de me laisser souffrir sur cet autel. Elle s'apperçut même qu'elle fut soulagée de le voir apparaître.

Deuxième nuit

Le Diable est toujours là, Il me sourit toujours, Il s’avance. D’un mouvement de main il balaie l’église, il n’y a plus rien autour de nous que le néant, un néant pourpre. Il avance toujours vers moi. Je distingue mieux Ses traits. Il n’est pas laids, non, Il ressemble vaguement aux représentations qu’on en a. Il est séduisant. Ses yeux sont pénétrants, il a un corps athlétique, viril. Il n’y a que ses pieds qui s’achèvent en pattes de boucs et deux petits pics qui sortent de son front. Il a des mains élégantes à la fois délicates et en forte.

Il est à deux pas de moi, la respiration me manque. Que doit-on dire au Diable ?

« Vous êtes très en beauté... »

Il a une voix comme le miel, elle envoûte, grave et douce. La respiration me manque.

« Vous ne semblez pas à votre aise, ce serait sans doute mieux sans cela… »

Je fixais avec effarement ma robe et ce fichu corset dans ses mains qu’il jeta dédaigneusement. Je passe une main sur le tissu qui avait remplacé ma robe de mariée. Une robe de soie, avec des fines brettelles, outrageusement légère et osée. D’un noir profond qui me fis grimacer. Les couleurs noirs rendent ma peau plus blanche encore.

Le contacte de sa main sur mon menton qu’il releva créa un long frisson dans tout mon corps.

« Allons.. entre nous il n’y a pas besoin de masque… »

« Que voulez-vous ? »

« Toi ? »

« Non. »

Je suis peut-être damnée mais je ne suis pas morte et il n’est pas temps encore que j’aille en Enfer. Le Diable rit. Comme on rirait d’un caprice d’enfant. Le décor change et devint une chambre, il y a toujours cette couleur pourpre.

« Le paradis n’est ouvert qu’aux saints et il y en a si peut. Pauvre humain qui êtes condamnés à l’Enfer au lieu du paradis. C'est être prétentieux que de croire y accéder, et l'orgueil est un péché. Le mensonge des gens de l’Eglise. L’Enfer est agréable… Tu désir quelque chose à boire ? De l’eau ? du vin ? »

« De l’eau. »

Alors que mes lèvres et ma gorge sentirent le breuvage ransparant couler en moi, je m’étonnai que l’eau ici ait un goût de vin, moi qui ne le supporte que mal. Il m’enivre trop vite et déjà ma tête tourne. Je sens une vague de chaleur embraser mes joues. Je me sens bêtes et creuse. Il joue. Il s’amuse. Il sait d’avance. Je vais m’assoir sur le lit. Peut-être que le pacte des mes ancêtre vient de Lui, vient de là ? Ce n’est qu’un rêve, c’est impossible qu’Il soit là, que je sois là.

« Je suis un gentleman et j’attendrais le temps qu’il faudra pour que vos préjugés terrestres cessent de vous aveugler. »

Le Diable est un gentleman. Le Diable est un gentleman.

Vous ne le saviez pas ?

Lynn se réveilla en sueur. Avec un goût amer de regret aux lèvres.

Troisième nuit.

Je suis seule dans la chambre. Il n’est pas là. Je me sens vulnérable avec cette seule robe sur moi. J’allonge ma jambe et observe mes pieds, le galbe de ma jambe. Je ferais parfaitement honneur à la beauté des Brooke si j’avais un peu plus de couleur, une voix chantante et des yeux .. Quoique les yeux passent encore. Je m’allonge sur le lit, il est soyeux, parfait. Tout est parfait dans cette chambre. Il n’y a pas de fenêtre.

C’est étrange.

Mais il y a une grande glace, je m’en approche et ose un regard.

Je suis décoiffée. Il y a une brosse sur la commode, un peigne. Tout est parfait comme si chacune de mes attentes était prévue. Je commence à peigner mes cheveux et a les coiffer. C’est beaucoup mieux ainsi. Il y a même de mon parfum favori.
La chambre est petite, il y a une porte… mais elle est fermée.

Un gentleman qui enferme ses hôtes. Suis-je vraiment une hôte alors, plutôt prisonnière d’un de Ses caprices.

Il y a un clavecin sur lequel je promène mes doigts. J’en joue quelque fois, sans aucun talent mais cela occupe mes journées. Les notes raisonnent. Puisqu’il faut passer le temps.

Il y a dans une armoire diverse robe. Elles ne me plaisent pas sans doute parce que je suis tentée de les enfiler.

Je suis retournée sur le lit. Je m’ennuie à mourir. Il n’y a rien à faire et je suis seule. Il n’y a pas un seul bruit, qu’une vague mélopée qui sort du néant et m’offre un fond musical.

Je me suis endormie sans doute et c’est quand je dormais qu’Il est venu puisqu’a mon réveil j’ai découvert un plateau repas garni avec les plus grands soins.

La nourriture m’a parue fade, il me manquait quelque chose.

Je suis vraiment seule.

Lynn rêva ainsi pendant six nuits, six nuits où elle mangea, joua du clavecin, essaya des robes et puis tourna en rond, comme un fauve en cage, se languissant.

Dixième nuit

« S’il vous plait... »

Ma voix brisa le silence. Il ne se passa rien. Je n’en pouvais plus de cette chambre. Je me suis mise à pleurer. Il n’y avait rien ici rien. Le coussin était moelleux, j’y ai noyé mon visage. C’est un tableau très banal qu’une jeune fille pleurant et sanglotant dans son lit. Et chaque sanglot faisait trembler ma poitrine, agitait mon corps. Me rappelant ô combien je suis pitoyable. Ô combien l’injustice me pèse. Ô combien je suis creuse et lasse. Ennuyée de ma vie.

Il me vient des idées d’être réellement malade et d’en mourir. Qu’importe, mais je suis trop lâche pour me tuer. Ou suffisamment courageuse pour espérer encore. L’humain est naïf et je n’échappe pas à la règle.

Oui, je sais ô combien l’être humain est pitoyable, je les entends tous penser, éprouver des sentiments. J’ai vu naître l’amour, je l’ai vu s’éteindre. J’ai tout cela qui raisonne en moi et je les jalouse tous. Pour tout ce qu’ils éprouvent et moi je suis sèche, vide et creuse.

Je ne suis qu’une coquille -certes d’une beauté délicate- mais vide, terriblement vide.

Lorsque Lady Brooke entra dans la chambre de sa fille alertée par les sanglots, elle la vit s’agiter dans son lit. Elle referma la porte derrière elle et s’approcha du lit. Caressa son front et embrassa sa tempe en murmurant les paroles rassurantes que seule une mère possède. Dans le rêve de sa fille quelqu’un fit de même.

Le contacte doux contre ma peau et les lèvres humides me firent cesser de pleurer. A cette distance je pouvais voir la merveille de nuance qui dansait dans ses iris. Il ne disait pas un mot mais me caressait doucement la nuque. Je pouvais sentir sa respiration calme et régulière.

« Lynn… Lynn… »

J’ai secoué la tête comme pour chasser un mauvais rêve, fermé très fort les yeux, aussi fort que je pouvais mais quand je les ouvris à nouveau, il était toujours là. Devant moi, sa main caressant toujours mon dos, une caresse calme, douce, apaisante.

Une fois sa fille calmée, et un dernier baiser déposé sur sa tempe, Lady Brooke sortit et ferma la porte délicatement. « dors bien trésor. »

Onzième nuit

« Pourquoi… pourquoi suis-je aussi creuse et vide, aussi laide ? »

Il eu un rire, pas un rire moqueur, un rire apaisant qui semble dire, mais non, mais non, allons donc. Il caressa sa joue, délicatement.

« Tu es creuse, oui… tu es creuse Lynn. Mais ce n’est pas un défaut, cela veut simplement dire que tu peux t’emplir, tu es vierge, creuse oui. Mais c’est une qualité, tu peux t’ouvrir au monde et en découvrir la saveur, te gorger de sentiments. Cesse d’avoir peur d’éprouver des sentiments toi aussi, tu es comme les autres. Même si tu es spéciale, ma petite perle. Libère-toi de tes chaînes... »

Sa voix était si rassurante, si chaude et envoutante. Il semblait si humain, Il ne ressemblait pas au monstre que l’on dit. Je me suis jetée à son cou où j’ai épanché quelques derniers sanglots aussi. Plus par caprice, il est agréable de sécher ses larmes contre une épaule rebuste. Il était si doux et sa chaleur m’envahi. J’avais envie de m’y brûler jusqu’à la moelle. Mes mains entourèrent son dos, me serrant contre Lui aussi fort que je le pouvais. Je sentis une de ses mains glisser le long de mon dos jusqu'à mes reins tendis que l’autre enserra ma nuque de manière moins douce mais pas pour autant dure, venant entrelacer ses doigts dans ma chevelure.

Il a gagné. Il gagne toujours. Mais perdre avec Lui est agréable, divin.

Peut-être est-ce comme cela qu’on brûle en Enfer, de l’intérieur. Un feu qui embrase tous le corps qui rend les pensées confuses sous des vagues ardentes de sensation irrésistible, un feu qui brûle la chaire jusqu’à la moelle qui l’imprègne.

Lynn se réveilla, le corps moite et le souffle court. Elle se leva et marcha d’un pas hésitant jusqu’à la fenêtre, le matin était gris et pluvieux. Elle sourit à son reflet qu’elle devinait sur la vitre, s’humecta les lèvres et passa ses mains dans ses cheveux.

« Non contente de rêver du Diable, je m’égare avec lui dans un pécher charnel qui ferais rougir jusqu’à l’âme la plus pieuse des dévotes… et le pire… c’est que c’était un rêve agréable. »