It's our first dance [Harlé]

**Neige** Ven 24 Juil - 14:20

Les rues avaient cédé aux ruelles, les ruelles aux passages, les passages à une place, la place à une enseigne. Des lumières dansaient au travers des fenêtres, dessinant en couleurs chaudes des silhouettes noires et floues. On devinait déjà la fumée, on percevait le bruit. Et quand la porte fut poussée, ce fut pour laisser échapper quelques instants les entrailles d'une fête giclant sur le pavé à la faveur de l'embrasure, plaie bientôt renfermée.

Le couple prenait place, le mécanisme prenait un mouvement plus assuré. Tout, lentement, se mettait en marche, avec les accoups des vieilles choses qu'on aurait dû accomplir ou réparer depuis longtemps déjà. "Peu importe le retard, le tout était de faire les choses à l'heure", disait souvent sa seconde mère, la vieillarde qui avait gardé ses errances d'enfant déjà trop vieux. Vieux, il le paraissait, sans le sentir le moins du monde. Oh que non. Ce soir, en ce lieu plein de vie, de bruit et de monde, il se sentait Couteau, plus que jamais. Lequel était dans sa botte. Il feignait d'être boiteux.

Ses yeux se portèrent avec leur acuité coutumière et dérangeante, sous l'ombre d'un chapeau de scène, sur les gens, sur l'architecture et les interactions. La nuit était à son pinacle, et l'ivresse se faisait loi. Il y avait des femmes, il y avait des hommes, et il y avait surtout de grands discours et des éclats de rire. Les yeux du Serpent étaient plissés devant tant de démonstration, de bruits, de fureur. Sa main se serra davantage à une taille souple et presque aussi chaude que la sienne. Non pas pour la protéger, non pas réellement pour faire montre d'appartenance -Bien que l'effet serait surement tel- mais pour signifier au Frère qu'il avait conclu son analyse. Ce lieu là était meilleur terrain que l'Ogre Rouge. Là bas, tous se seraient méfiés, tous étaient des rats d'égout, habitués à la chasse des êtres de la surface. Ici, ils se sentaient libres, ils se prenaient pour des oiseaux.

La proie des chats et des serpents, avec les souris.

A nouveau, une pensée pour l'Oisillon le frappa. Avait-elle Vu? Jugerait-elle? Pourquoi ces questions? Elle était une Soeur. Les Soeurs ne jugeaient pas. Il s'avança d'un pas sec vers une table où tous deux trouveraient place, et où il n'y en avait aucune pour ces pensées parasites, son trouble récurrent qui l'obsédait, poussait les rouages de cette machine destinée à broyer des corps pour y chercher l'essence de l'âme.

Le Serpent n'était plus celui qui séduirait. Depuis l'Arbre, les hommes ne s'y laissaient plus prendre. Ce serait au Chat de trouver, lui qui était serpent à pattes, à fourrure, aux crocs et aux yeux tout aussi effilés. Il joignit ses mains gantées sur le bois de la table, et avisa la serveuse qui approchait. Déposant son chapeau là, entre ses mains, il attendrait que sa compagne maquillée lui désigne, tel la main de la Fatalité, qui.

Lui, saurait alors quoi.