A courtesy call [Andrew]

**Dolores Strudge** Jeu 30 Juil - 2:03

La journée s'annonçait déjà magnifique en ce début de matinée. Le vent avait repoussé la brume jusque dans les retranchements des plus sombres ruelles, aussi le soleil avait-il réussi à percer et rayonnait maintenant dans le ciel londonien. Le temps était propice aux promenades et autres flâneries dans les rues de la ville, mais pourtant Dolores était restée dans son atelier.

Elle s'était levée bien tôt ce matin-là, s'étant réveillée comme si souvent ces derniers jours à la suite d'un cauchemar. En était-ce réellement un d'ailleurs ? Elle n'aurait su le dire, ne parvenant pas à s'en rappeler. Elle qui aurait pourtant su reproduire chacun de ses rêves dans une de ses œuvres - et elle ne s'en privait généralement pas -, elle était bien incapable de se remémorer ne serait-ce la dernière seconde de celui-là. Le réveil était tout sauf brusque, d'une douceur infinie, très loin de celui qu'on attendrait en sortant d'un cauchemar, mais la laissait pourtant en nage, presque essoufflée. Comme ce matin-là. Elle y repensait bien sûr, restant allongée sur son lit de longues minutes, les yeux clos, tandis que son esprit finissait d'évacuer les dernières brumes du rêve et avec elles cette odeur sucrée, ce gout mielleux...

Après sa toilette, elle avait revêtu non pas une robe, mais une longue tunique blanche qui lui descendait jusqu'aux genoux et qui laissait ainsi entrevoir ses pieds nus, par dessus laquelle elle avait enfilé un tablier beige. Relevant ses cheveux, elle les noua en un chignon serré. Elle était prête à se mettre à l'œuvre.

S'installant au milieu de l'atelier, devant un bloc de terre glaise qui n'attendait qu'elle, elle laissa un instant son regard se perdre dans la vaste salle. En cette journée exceptionnelle, le soleil versait à flots ses rayons dorés au travers des larges fenêtres, créant ainsi des jeux d'ombre et de lumière parmi les multiples sculptures, illuminant ici un visage, là une main, révélant tantôt d'obscures formes cachées sous un drap. Il aurait suffi de peu, le talent de l'Artiste aidant, pour que l'on puisse croire toute cette assemblée douée de vie, une vie insufflée par l'Astre Lumineux.

Dolores laissa libre cours à son inspiration, comme à son habitude, plongeant les mains au cœur même du bloc de glaise pour l'ouvrir, l'étirer, le malaxer, le modeler, le façonner, au gré de son imagination, commençant l'ébauche d'un buste féminin, rapidement transformé en angelot, lui-même devenant figure abstraite, aux orbites profondes. Et ainsi de suite, le tas de glaise redevenait tas de glaise, changeait constamment de forme avant de revenir invariablement à son état initial. Dolores ne manquait pas d'inspiration, elle en débordait, certainement un peu trop en cet instant où ses idées ne parvenaient pas à se fixer. Cela lui convenait ainsi, alors que sous ses doigts prenait naissance une œuvre éphémère, bientôt mise à bas, remplacée par une autre. Créer, détruire, recréer, détruire, encore et toujours, le même cycle, inlassablement...

La glaise était déjà passée par de nombreuses formes quand une petite cloche sonna au dessus de sa tête. On tirait sur la corde à l'entrée, et avec insistance semblait-il. Un visiteur. Elle n'en attendait qu'un, quand bien même elle ignorait quand il se déciderait à passer. Elle n'avait par contre aucun doute sur le fait qu'il viendrait, et c'est avec un léger sourire complaisant qu'elle se dirigea vers la porte tout en s'essuyant les mains sur son tablier. Qu'importait sa tenue, ses manières ou toutes autres convenances, elle était ici chez elle, et cela se ressentait jusque dans le ton de sa voix, se voulant déjà dominante, alors qu'elle lança, sitôt la porte ouverte.

"Bonjour Messire Crane. Je vous attendais. C'est un plaisir que de vous recevoir chez moi."

S'écartant légèrement pour laisser passer l'inspecteur, pas assez toutefois pour qu'il puisse rentrer sans être obligé de la frôler, elle lui fit l'affront de plonger sitôt qu'elle le vit ses yeux émeraude dans les prunelles sombres lui faisant face, attendant qu'il daigne rentrer.

**Andrew Crane** Lun 3 Aoû - 18:56

Oh le bel inspecteur avait attendu ! Oh que oui ! L’attente avait été longue, le temps s’était montré capricieux, faisant défiler les minutes et les heures dans une intolérable lenteur. Néanmoins, durant tout ce temps, le fauve ne s’était point laissé aller à la paresse, bien au contraire, le jeune noble avait été de tout les salons et s’était renseigné sur sa future hôtesse, il avait à la vérité guetter le prétexte le plus plausible et le plus détestable pour rendre visite à Miss Strudge. Pourquoi ne pas s’abandonner à son envie, me direz-vous ? Tout simplement pour ne lui céder en rien ! Jeux d’enfants, orgueil mal placé et préjugés étaient son lot, son fardeau. C’est ainsi que son excuse pour lui rendre visite avait été un vague tapage nocturne au cours des nuits précédentes qui avait indisposé quelques hauts membres de l’aristocratie. Et, après tout, l’idée germa, fruit de ses collaborations avec Messire Fisher, il osait pour parfaire son jeu que ses voisins l’avaient accusé, elle, l’Artiste.
Le triste habit se profilait à l’horizon, la haute silhouette se tenait rigide et sèche devant la demeure de l’artiste. Sa présentation était semblable à l’accoutumée, ce costume sombre presque similaire à celui des ecclésiastiques, cette même tristesse dans les tons, cette absence de couloir notoire. L’encre opaque se déversait sur le tissu pour le recouvrir dans cette toile ténébreuse et avaler les derniers monceaux de lumière ; Pourtant, malgré tout, derrière cette armure de noirceur demeurait cette simple chemise de coton, touche de pureté à travers la carapace.
Le fauve s’était senti prêt à cette rencontre et pourtant lorsque la sculptrice lui ouvrit, la surprise redoubla. Miss Strudge lui offrait un nouveau visage, bien plus intime, le tout saupoudré d’un zeste de charme. Toutefois, Andrew parvint à puiser en lui suffisamment d’audace et de superbe pour déclarer d’un ton dédaigneux.

« Bien le bonjour Miss Strudge, puis-je entrer ? Je ne serai pas long. »

D’une enjambée, l’austère se faufila à l’intérieur. Il ne put éviter le premier écueil complètement, rougeurs passagères s’ensuivirent.
Ne savait-il pas qu’en évitant la collision complète avec la belle naïade, ce n’était qu’une malheureuse tentative pour tomber de Charybde en Scylla ? Puis comme pour prendre l’ascendant de l’échange, le détective Crane décréta.

« Pardonnez cette venue impromptue, j’aurai du vous prévenir. Puis-je vous poser quelques questions ? Du tapage nocturne nous a été signalé dans les environs, avez-vous entendu quelque chose d’inhabituel ? Vous souvenez vous d’un quelconque indice sur ces mystérieux bruits ? »

Attaque finale de cette première joute, l’homme se permit.

« Certaines sources vous accusent, Mademoiselle Strudge. »

**Dolores Strudge** Mar 11 Aoû - 21:42

Le rustre, le vil personnage ! Comment osait-il se présenter devant elle avec de telles accusations, infondées qui plus est ?! Avait-il besoin de pareil prétexte pour lui rendre visite sans perdre la face ? C'était là un coup bien bas, vicieux, indigne d'un tel homme, qui prouvait par là-même qu'il avait déjà perdu. Sans doute voulait-il la faire perdre avec lui.

Elle aurait pu lui répondre avec dédain, lui claquer la porte au nez. Mais ç'aurait été s'avouer vaincue, et il en était hors de question. Et puis... de le voir ainsi résister ne lui donnait que plus d'attrait, quand bien même il s'en montrait insultant. Elle n'allait certainement pas le laisser mener le jeu au travers d'un interrogatoire. N'avait-elle pas l'avantage du terrain ?

Aussi, si l'éclat émeraude de ses yeux avait brillé sauvagement lors de l'accusation portée sur elle, elle n'y avait pas réagi, pas même d'étonnement, conservant son calme et son sourire pour lui. Et c'est sur un ton neutre, un peu froid, qu'elle répondit.

"Tiens donc ? Et puis-je savoir qui m'accuse ainsi, monsieur l'Inspecteur ? J'ai de nombreux ennemis, le saviez-vous ? Beaucoup envient ma place."

Pour illustrer son propos, elle s'écarta légèrement et présenta d'un geste du bras le vaste atelier qui s'étendait derrière elle à son visiteur. Les statues les plus proches, toutes tournées vers l'entrée, paraissaient dévisager l'intrus, tant le soleil illuminait les visages emplis d'émotion de ces hommes et femmes de pierre. Elle-même le dévisagea longuement, avant de finalement se décider à répondre à ses questions.

"Autrement non, je n'ai entendu ni remarqué quoi que ce soit qui puisse vous aider dans votre enquête, je le crains. Mais peut-être que si vous me précisiez la ou les dates auxquelles ont été entendus ces bruits étranges, ainsi que leur nature, je saurais me souvenir de quelque détail."

Son sourire se fit plus appuyé alors qu'elle poursuivit.

"Quand à votre visite à l'improviste, vous êtes tout pardonné. Ne vous avais-je pas dit de passer quand bon vous semblerait ? Et puisque vous êtes là, je puis vous faire découvrir mon Art, ainsi que je vous l'avais promis..."

Et elle comptait bien honorer, d'une façon ou d'une autre, ce qui d'une simple invitation était devenu promesse.

**Andrew Crane** Jeu 10 Sep - 2:13

La déstabilisation fut certaine, et l’espace d’un bref instant, les traits de l’inspecteur Crane traduisirent un certain étonnement qu’elle ne manifeste nulle surprise, nul rancœur face à ses déclarations, prétextes formulés dans la tête de l’inspecteur depuis quelques jours déjà. Le masque de froideur s’érigea tel une ultime barrière pour contenir son mécontentement et se parant des mêmes accents austères de l’accueillante hôtesse, il s’exclama.

« Miss Strudge, je n’ai malheureusement pas le droit de vous révéler ces noms, vous m’en voyez désolé, mais nul doute que je partage votre avis sur le nombre de vos ennemis. »

Pas un battement de cils, pas de mouvement inopportun, pourtant un malaise certain émanait du jeune enquêteur. Il n’avait franchi le seuil de la porte que par pure politesse et déjà le regrettait, c’était affreuse torture qu’être face à cette méduse.

« Mais certainement madame, ces événements se sont produits dans la nuit du 27 au 28 juillet, n’avez-vous vraiment aucun souvenir de cette nuit là ? »

Mais déjà, ses orbes sombres se posèrent sur les statues, victimes de la sorcière à la chevelure serpentine.

« Je….je vous remercie, oui.. »

Comment aurait-il pu réagir face à ces mânes, à ces esprits capturés, torturés, figés dans d’atroces souffrances et autres expressions singulières ? Miss Strudge projetait-elle de lui jeter pareil sort, de le rendre semblable à ces reflets tristes et ternes, à ces être inanimés sans vie, sans dignité ? Et, déjà, les statues d’albâtre semblaient l’appeler, l’une le conviant d’une main tendue à se joindre à la meute, à ce groupe, à cette étrange famille ? L’effroi le saisit et un frisson lui parcourut l’échine ! La fièvre sembla l’emporter alors qu’une suée s’était emparée de son front de marbre, chose inhabituelle chez sa personne. Il fallait s’éclipser, prétexter une excuse, n’importe laquelle ferait l’affaire ! Une seule certitude subsistait : celle de quitter ces lieux et l’artiste au plus vite ! Oui, mais partir serait déclarer défaite ! Et, son orgueil, il n’allait pas fuir devant cette entêtée, cette femme de surcroît ! Messire Crane réprima tant bien que mal un sursaut suite à une autre rencontre de regard avec l’un de ces membres fantômes et s’accrocha à la taille de la poupée fière pour faire face à cet assaillant. Ne voyait-il pas qu’il venait de tomber dans un piège bien plus vil que la plus mortelle des danses ? Sa silhouette droite vacillait et il s’était cramponné à la maîtresse des lieux…

« Je ne…me sens pas très bien…Je..Excusez-moi ! »

**Dolores Strudge** Ven 11 Sep - 3:33

Elle se gardait bien de le montrer mais Dolores s'amusait follement à voir son charmant Inspecteur ainsi déstabilisé tenter vainement de sauver les apparences. L'expression de son visage, si courte fut-elle, ne put échapper à l'œil exercé de l'Artiste. Aussi le ton froid et la rigueur toute procédurière de ses paroles ne la trompèrent pas. Elle n'aurait pas beaucoup à faire pour porter le coup fatal.

Elle ne se souciait déjà guère plus de l'enquête, excuse des plus puériles pour une visite s'il en était, et peu lui importait de ne pas obtenir le nom des délateurs. Nombreuses étaient ses inimitiés, un nom de plus ou de moins n'y eut rien changé. À entendre les dates, elle ne prit même pas la peine de chercher à se rappeler une quelconque étrangeté, se contentant de hocher la tête à la question.

"Non, vraiment navrée, rien qui ne me revienne en mémoire..."

Navrée, elle ne paraissait pas l'être, et ne faisait aucun effort pour le cacher. Et si ses yeux ne quittaient pas l'Inspecteur, déjà perdu dans la contemplation des statues qui s'offraient à son regard, et aux yeux desquelles il s'offrait en retour, elle esquissa un pas, telle une danse, autour de celui-ci. Pas qu'elle mit à profit pour refermer subrepticement la porte, achevant ainsi de lui couper toute retraite. Messire Crane honorerait sa promesse jusqu'au bout, elle y veillerait.

Elle reprit place aux côtés de l'Inspecteur, frôlant son bras de sa main, et eut tout juste le temps de s'apercevoir de son émoi devant ses œuvres et de s'en satisfaire avant qu'il ne manque de défaillir, se raccrochant à elle. Elle ne s'en offusqua pas un seul instant, bien au contraire, un sourire carnassier venant orner ses lèvres quelques secondes à peine avant de se faire doux, en accord avec le ton de son murmure.

"Eh bien, eh bien Messire Crane... Vous vous surmenez. Un homme tel que vous, voyons..."

Elle le soutint sans effort apparent, passant un bras dans son dos, refermant ainsi ses filets sur sa prise qu'elle ne comptait pas lâcher de sitôt. Lui souffla, d'un ton doucereux.

"Venez, rejoignons mes appartements, vous pourrez vous y reposer et je vous offrirai un rafraichissement, vous en avez grandement besoin."

Elle désignait de la main le grand velours rouge tiré au fond de la pièce, nécessitant de ce fait de traverser les rangs des statues pour l'atteindre. Sans attendre son consentement, le soutenant toujours, elle fit le premier pas en direction de ses œuvres qui les contemplaient tous deux.

**Andrew Crane** Mar 15 Sep - 5:26

Cette Perséphone conduisit son hôte parmi les rangs serrés de ses œuvres, de ses amours, de ses trésors ! Les dociles serviteurs se turent et les observèrent en silence, faisant de grands signes dans leurs directions, les épiant tantôt du coin de l’œil ou avec plus de franchise ! Le défilé de ces figures, cette procession harassante ne ménageait pas les nerfs du pauvre inspecteur, les prunelles sombres balayaient avec zèle les habitants de ce monde étrange, l’encre noire se délayant de manière malhabile sur cette blancheur immaculée, ses paupières finirent par se clore pour le préserver des monstrueuses visions, châtiments infligés à ces malheureux. Cette large main masculine, d’abord timide, agrippa avec plus de vigueur la taille fine de la sculptrice, froissant le tissu, l’empoignant comme si elle était sienne, se raccrochant à l’instigatrice de tout ceci, la priant par là-même de l’épargner de cette torture d’albâtre. D’un œil, Andrew jeta un regard vers l’objet de leur destination.
L’écarlate se profilait, ce rouge dense et oppressant l’appelait, l’enivrait, n’était-ce pas la seule touche de couleur dans cette marée faussement humaine ? Les lèvres incurvées se muèrent en une grimace alors que son imagination le travaillait. Ce drap qui cachait les appartements de l’orgueilleuse, n’était-ce tout simplement le véritable cœur de ces sculptures, la boucherie de ces innocents, la salle de tortures où lui, l’agent des forces de l’ordre, serait soumis aussi à d’innombrables supplices !
Un murmure étouffé filtra de sa bouche gourmande, le souffle chaud se répercutant en écho sur la gorge gracile de l’artiste.

« Je…Je ferai mieux de rentrer, je ne serai qu’une source de gêne pour vous… Je.. peux marcher, Dolores. »
Une touche de superbe venait saupoudrer la complainte, le bras ne délaissa pas néanmoins son tendre appui, sollicitant celui-ci davantage à mesure de leur progression. Bientôt, ils arrivèrent jusqu’à cette simple étoffe qui délimitait l’armée personnelle de la maîtresse des lieux. La fièvre ne baissa pas mais sa perfidie masculine jaillit de nouveau avant d’initier un aveu terrible.

« Je…vous suis désagréable, j’abuse de votre gentillesse. Ceux qui médisent sur votre compte se trompent…. J’ai quelque chose à vous avouer…. Je.. La raison de ma visite….Je crois que vous avez raison, je me surmène. Je ferai mieux de m’assoir… »

**Dolores Strudge** Mar 22 Sep - 16:26

Dolores guidait d'une main de fer dans un gant de soie son fragile Inspecteur à travers le rempart de ses sculptures, qui paraissaient ouvrir une haie d'honneur devant leur Maitresse, pour mieux suivre le couple du regard sitôt passés. D'ailleurs, ne décelait-on pas une point de jalousie dans ces yeux là ? Mais la blancheur ne faisait pas l'apanage de l'armée de l'Artiste, loin de là. Et si les quelques statues d'airain, majestueuses, se dressaient tels des généraux faisant preuve d'un immobilisme et d'un calme olympien, que dire des œuvres de glaise, multitudes faites de chairs, aux expressions souvent cruelles, semblant prêtes à bondir sur l'infortuné ?

À aucun moment l'Artiste n'arrêta son pas, ni ne relâcha sa prise, la resserrant même en écho à la volonté de l'Inspecteur de se raccrocher à elle plus solidement encore. Et si en elle-même elle jouissait de voir son hôte ainsi succomber, c'est sur un ton presque maternel qu'elle répondit à sa supplique.

"Vous ne m'êtes d'aucun gêne voyons... Prenez donc le temps de vous remettre de vos émois. Venez, laissez-vous faire..."

Les derniers pas vers le tissu pourpre furent bien vite achevés, et tandis qu'elle levait la main pour leur ouvrir le passage, c'est avec une immense satisfaction qu'elle accueillit les paroles de l'Inspecteur. En guise de réponse le rideau fut franchi, dévoilant l'intimité de l'Artiste.

S'y trouvaient là d'un seul tenant salon et chambre, salle à manger et salle de bain. Juste devant eux se présentaient une table basse accompagnée de trois fauteuils de velours noir et d'un meuble-bar, un peu plus loin se dressait une tablée pouvant accueillir une demie-douzaine de convives. Au fond de la pièce, un amas de coussins aux formes et couleurs variées désignait sans nul doute la couche de l'Artiste tandis que sur la droite attendait un peignoir de soie accroché à proximité d'une baignoire. Celle-ci, taillée dans un grès rose, aux pieds finement sculptés représentant des angelots face contre terre, semblait bien être la seule pièce faite des mains même de l'Artiste de ce côté-ci du rideau, quand bien même l'ensemble des meuble possédaient un certain raffinement.

Dolores accompagna son hôte jusqu'au fauteuil le plus proche pour l'y faire assoir, laissant glisser sa main en son dos dans le mouvement, caresse appuyée au travers du tissu, un sourire apaisant aux lèvres. Elle ne s'éloigna pas encore, laissant l'accroche masculine sur sa hanche, alors que penchée légèrement sur lui était donné leurs positions respectives, elle lui soufflait au creux de l'oreille.

"Ces accusations n'étaient pas les vôtres, oubliez cela... Votre compagnie ne saurait en aucun cas m'être désagréable. En attendant, laissez-moi vous quérir un verre d'eau, vous me ferez vos aveux après puisque vous y tenez, devant quelque chose de plus fort si vous préférez."

**Andrew Crane** Ven 23 Oct - 20:19

Oh comme elle était proche en cet instant, à portée de main ! Et l’inspecteur Crane n’avait-il pas toujours l’une de ses vilaines pattes sur son hôtesse ? La ribambelle de serviteurs était reléguée au rang de souvenirs du passé, n’avaient-ils pas disparu ces mécréants derrière le voile écarlate ? Les serviteurs figés de mutisme, l’austère fut subjugué par l’accueil de la maîtresse de maison. Ses yeux noirs et vifs ne purent résister à la dualité du regard de la voluptueuse ; et, soudain, d’un seul coup, sans crier gare, ses lèvres masculines et sèches balayèrent la barrière muette qui s’était dressée entre eux avant de s’accoler à la bouche gourmande et délicate de la sculptrice. Nulle hésitation, nul sursaut annonciateur de l’échéance, la distance fut brisée en un instant. Un contact échauffé, un besoin de s’apprivoiser, découverte mutuelle pour un ballet des sens, échauffement de deux peaux. Que d’hardiesse et d’audace de la part de Sir Crane, le baiser se prolongea avant d’être rompu par l’enquêteur. Recul net, les tressaillements suivirent, l’essoufflement aussi ! Manque d’oxygène face à une culpabilité grandissante ou suite à la naissance d’une passion. Les puits béants vrillèrent de bord, se détournant de la maîtresse de maison. Sa voix se fit tout de même entendre, entachée du poids de la faute commise.

« Ne me jugez pas trop sévèrement, c’était…une erreur, je n’aurai pas du me permettre. »

Pourtant, la poigne de l’orgueilleux ne se retira pas de cette hanche finement taillée, le lion n’en avait-il pas assez ? N’avait-il pas pris suffisamment de ces délicates gourmandises ? Ce n’est que lorsqu’il se décida à faire front qu’il se rendit compte de cette maladresse qu’il abandonna son emprise sur cette succube.

« Je suis là à vous embrasser alors que vous êtes admirable avec moi. Je suis un monstre d’avoir profité d’un moment de faiblesse, je ne suis plus le bienvenu ici, laissez moi partir. »

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