Sweet awakening [ouvert]

**Dolores Strudge** Ven 31 Juil - 2:52

Ne pas rouvrir les yeux, pas tout de suite, pour conserver encore un peu les reliquats de cette délicieuse nuit. Elle savait Milady absente, se souvenait avoir sombré dans un léger sommeil sitôt que la Veuve s'était retirée, la laissant à ses songes où elle l'accompagnait encore. Son parfum sucré, si troublant, flottait sur les draps, sur sa peau, elle avait toujours le gout de ce nectar sur ses lèvres. Et elle aurait presque pu croire Milady à ses côtés tandis que ses propres mains parcourraient son corps dans une ultime caresse. Dans ses bras, elle s'était découverte comme jamais elle ne l'avait été auparavant, elle n'était pas prête de l'oublier.

Elle finit par ouvrir les yeux, presque à regret, levant enfin le voile de ténèbres dans lequel elle s'était plongée corps et âme. Elle avait craint que la lumière lui soit agressive après être restée si longtemps dans le noir mais s'aperçut avec soulagement que tel n'était pas le cas. Les teintures noires du lit étaient pourtant relevées, et les rideaux ouverts par un domestique probablement, mais l'exposition de la chambre ne permettait pas à l'astre solaire de darder ses éblouissants rayons sur cette fenêtre, aussi la pièce restait-elle relativement sombre malgré le temps clément au dehors.

Dolores s'assit sur le bord du lit, découvrant non loin d'elle sa robe fraichement repassée, ainsi qu'un plateau déposé là à son attention. Et quelle attention... À côté du petit déjeuner et des quelques friandises sucrées disposées là, on avait déposé une rose. Rouge. Les yeux clos, elle en huma le parfum, faisant resurgir à nouveau les souvenirs de cette nuit. Elle la posa délicatement auprès de sa robe avant de se décider à avaler une première bouchée. C'est avec un appétit qu'elle ne se connaissait pas qu'elle mangea ce qu'on lui avait apporté, s'offrant même le luxe de glisser sous sa langue deux de ces bonbons sucrés au gout de miel.

Repoussant le plateau, elle s'habilla sans empressement avant de quitter la chambre, non sans emporter la rose avec elle. Déambulant dans les couloirs sans rencontrer âme qui vive, tous vaquant probablement à leurs occupations, elle se surprit elle-même de retrouver si facilement le chemin du hall, alors qu'elle ne se souvenait pas de l'avoir emprunté la veille, toute absorbée qu'elle était dans la contemplation de Milady.

Elle ne pouvait décemment pas partir ainsi, comme une voleuse, sans un mot à qui que ce soit. Elle aurait aimé La voir Elle, bien sûr, mais à défaut elle se contenterait de Lui faire transmettre ses remerciements pour Son hospitalité. Restait à trouver le messager. Aussi pénétra-t-elle dans la salle où le diner avait eu lieu la veille, cherchant du regard un domestique ou une de Ses Sucreries.

**Amelia** Jeu 13 Aoû - 20:17

Un pas en avant, un pas sur le coté. Le bras tendu vers l’avant décrivant tant bien que mal une arabesque. La silhouette s’arrêta brusquement en haut des escaliers, à peine visible dans le corridor encore plongé dans l’obscurité.

Le jour pointait, Amelia le sentait. Elle réprima un bâillement et songea à la nuit qui venait de s’achever. Elle avait assisté avec une joie indescriptible à un petit spectacle donné par ses Sœurs. De la musique, de la danse, tout ce dont elle était définitivement et totalement incapable.

Elle tenta néanmoins de tourner sur elle-même avec grâce et, satisfaite au vu de ses capacités, décida de s’arrêter là. Ses pensées s’envolèrent un instant en direction de Neige, qui avait, une fois de plus, brillé par son absence à leur petite réunion improvisée. Elle y était habituée, mais elle n’avait cessé de se demander, avec un sentiment indéfinissable, quelles avaient pu être ses activités nocturnes.

Réprimant un soupir, elle jeta un œil en direction du hall d’entrée, vérifiant s’il était bien plongé dans l’obscurité et si elle pourrait y passer sans encombre afin d’aller se restaurer un peu dans la grande salle. Elle savait le manoir encore endormi, quelques domestiques commençant peut-être à sortir de leur torpeur et à activer la routine qui animait ces murs. C’était l’un des moments qu’elle appréciait, bien qu’elle sache pertinemment qu’il était bientôt temps pour elle d’aller se réfugier au sein de sa chambre, loin de l’astre solaire, loin de la lumière vive.

Mais pour le moment elle était encore à son aise, marchant d’un pas tranquille en direction de la grande salle. Elle nota sans y faire attention que la porte était entrouverte, contrairement à son habitude, mais elle la poussa délicatement, presque sans un bruit.

Elle s’arrêta brusquement dans l’embrasure de la porte, les yeux fixés sur une silhouette féminine debout, près de la table. La femme qui se tenait devant elle semblait chercher quelque chose, ou quelqu’un. Elle tenait une rose rouge à la main, de celles que Mère aimait à tenir dans un magnifique vase dans ses appartements. Ces fleurs semblaient dégager une odeur unique, comme tout ce que Mère touchait.

Elle fit un pas de plus en direction de cette femme et s’arrêta tout près d’elle, sans réellement savoir si elle devait signaler sa présence ou attendre qu’elle la remarque d’elle-même. La politesse et la bienséance que Mère lui avait inculquées se rappelèrent à elle et de sa voix douce elle prit la parole.

« Bonjour Madame, je m’appelle Amelia. Puis-je vous être utile ? »

Elle n’avait guère l’habitude d’aborder les étrangers, même au cœur du manoir et encore moins de faire usage de ces formules toutes faites qu’elle avait eu du mal à apprendre par cœur. Mais la situation semblait différente, ne serait-ce que par le regard de cette femme juste face à elle.

**Dolores Strudge** Jeu 20 Aoû - 2:55

Dolores se tenait à l'endroit précis où la veille elle s'était arrêtée pour contempler son image dans les grands miroirs recouvrant les murs de la salle. Contemplation dans laquelle elle était à nouveau plongée en cet instant, tenant délicatement la rose de la main que Milady avait goutée de ses lèvres ici même, l'honorant d'un baiser, prémices d'une délicieuse nuit qui se rappelaient à elle. Elle ferma les yeux, à peine quelques secondes, pour chasser de son esprit ce miroir qui ne lui renvoyait que son propre reflet et y imaginer Milady à ses côtés, frôlant son bras, son épaule.

Un mouvement à ses côtés, accompagné d'un souffle léger... Étaient-ce là des illusions, résurgences des souvenirs de cette soirée ? Mais la présence était bien réelle, et si Dolores garda les yeux clos dans l'espoir de bientôt sentir la caresse de Sa main tant attendue sur sa peau, elle eut tôt fait de se rendre compte, avant même que la Sucrerie n'ouvre la bouche, qu'il ne s'agissait pas de Milady.

Ouvrant les yeux lentement, elle découvrit la jeune fille, ou tout du moins son reflet, qu'elle détailla de ses émeraudes contrastées, sans autre mouvement que celui de ses yeux. Elle lui paraissait tel un oisillon sur le point de s'envoler pour peu qu'elle eut fait un geste brusque, et Dolores l'aurait volontiers recueillie au creux de ses mains. Recueillie aussi l'expression de son visage, de son regard si intense, troublant... mais pas de la même façon que le sien. Elle l'aurait alors gravée dans la pierre, telle une étrange œuvre tourmentée, afin de ne pas l'oublier.

Ce n'est que lorsque la douce voix s'éleva que Dolores se détacha enfin du reflet pour se tourner lentement vers l'originale, sans gestes superflus, bien qu'elle eut volontiers apposé sa main à cette joue pâle, lisse. Elle lui sourit, afin de la mettre en confiance, avant de répondre de sa voix claire, d'un murmure parfaitement audible dans le silence les environnant.

"Bonjour Amelia. Je me nomme Dolores. Dolores Strudge. Je cherchais Lady Delight, afin de pouvoir la remercier comme il se doit de son accueil chaleureux. J'ai passé une nuit fort agréable."

À ces mots, elle passe brièvement la langue sur ses lèvres, rémanence de sensations de cette même nuit.

"Mais je suppose qu'elle doit être très occupée..."

**Amelia** Sam 22 Aoû - 22:00

L’espace d’un instant, Amelia resta immobile, intriguée par l’attitude la femme qui se tenait devant elle. Elle n’avait en effet guère l’habitude d’être observée ainsi, surtout par une personne qu’elle ne connaissait absolument pas.

Dolores ne semblait même pas se contenter de l’observer. Elle donnait l’impression d’étudier chaque parcelle de son visage, de détailler chaque courbe de sa silhouette. L’Oisillon, pour la première fois de son existence, se mit à ressentir une certaine gène. La plupart des gens se contentaient de la regarder à peine plus d’une seconde et de l’oublier presque aussi rapidement. Jamais aucun d’eux ne se serait attardé aussi longtemps à étudier une personne qu’on aurait qualifiée d’insignifiante.

L’espace d’un instant, Amelia ne sut plus quoi faire. Elle se savait pas si elle devait sourire, se contenter d’ignorer la façon dont elle avait été dévisagée ou le lui signaler. Réfléchissant un instant aux leçons de Mère, elle ne trouva aucune réponse « comprenant ce qu’il faut de bienséance » dans tout ce qu’elle avait pu apprendre.
Haussant les épaules comme pour marquer la fin de sa petite réflexion, elle s’approcha d’un pas incertain en direction de Dolores.

« Enchantée de vous rencontrer Madame Strudge. Mère doit se reposer dans ses appartements, il est encore très tôt vous savez. Elle ne se promène guère dans le manoir à cette heure-ci mais je ne saurais vous dire si elle dort ou pas à l'instant. Vous êtes une nouvelle amie à elle ? »

Elle pencha la tête sur le coté, soudainement intriguée. L’image de Dolores se superposa l’espace d’un instant avec une autre, où elle semblait sculpter dans la pierre un visage qui lui était familier. Elle haussa les sourcils, étonnée. Jamais elle n’avait vu d’image de cette façon, les yeux ouverts. Peut-être était-ce du à sa fatigue ou à la façon étrange dont elle l’avait regardé.

Secouant la tête, elle tendit la main en direction de la table.

« Souhaitez-vous boire quelque chose ? Vous restaurer ? Et… pourquoi aimez-vous graver le visage des gens dans la pierre ? »

Cette dernière question posée sans aucune approche subtile, comme elle le faisait habituellement, mais également sans aucune animosité. Amelia semblait réellement curieuse, surtout que Miss Strudge semblait apprécier énormément Mère.

**Dolores Strudge** Jeu 27 Aoû - 17:34

Dolores fut peinée de distinguer la gêne chez la damoiselle qui lui faisait face. Elle avait certes l'habitude de telles réactions quand elle-même ne se gênait pas le moins du monde pour détailler son interlocuteur, son regard double, pénétrant, ajoutant généralement au malaise tandis qu'elle en analysait tous les contours, les expressions, jaugeant leur intérêt, leur intensité, pour mieux restituer sur la pierre après coup ceux qui lui semblaient dignes d'intérêt. Mais elle se serait attendue à toute autre réponse de la part d'une protégée de Milady. C'était oublier que dans ce manoir, tous n'étaient pas les modèles de sa propriétaire, bien au contraire. Et c'était bien là ce qui en faisait tout le charme, ce qui ne manqua pas d'attiser davantage encore la curiosité de l'Artiste envers l'Oisillon, qui finit par passer outre sa gêne, s'approchant d'elle.

Dolores leva une main à la hauteur du visage d'Amelia, dans un geste lent, empli de délicatesse, pour la laisser suspendue dans l'air entre elles-deux, l'inclinant légèrement, comme pour en apprécier les contours malgré la distance qui les séparait encore. Un sourire, encore, tandis que la main restait là.

"Mademoiselle. Mais tu peux m'appeler Dolores. Une nouvelle amie, oui..."

La main redescendit se poser sur sa poitrine, contre son cœur, tandis que dans ses yeux semblaient défiler les images qu'ils n'avaient pas pu voir, attisant l'éclat des émeraudes alors que les souvenirs de cette nuit se rappelaient une nouvelle fois à elle.

"Mais je ne tiens pas à la déranger en cette heure matinale. Pourras-tu lui faire part de mon amitié ?"

Si Dolores ne put qu'être ravie d'être à son tour scrutée, l'étonnement qu'afficha alors l'Oisillon la laissa perplexe. Venait-elle donc juste de découvrir ses yeux vairons ? Ou bien avait-elle vu autre chose sur sa personne qui puisse la surprendre ainsi ?

De même qu'Amelia chassa sa vision en secouant la tête, Dolores en fit rapidement abstraction, s'intéressant davantage à ses questions, sans même s'étonner que la jeune fille ait eu vent de son Art alors qu'elle semblait ne pas savoir qui elle était l'instant d'avant.

"Je prendrais volontiers une collation. Et pour répondre à ta question..."

Ses yeux s'illuminèrent d'un nouvel éclat, comme à chaque fois qu'elle s'apprêtait à parler de son Art. Un fin sourire flottait sur ses lèvres alors que sa voix se fit murmure suave.

"...j'aime à figer dans un éternel mouvement les visages, leur expressions fugitives. Pour ne pas les oublier. Pour leur offrir toute l'attention qu'ils méritent. Pour rendre immortelle la beauté éphémère, celle qui est la plus belle, la plus pure."

La main de l'Artiste était revenue se perdre tout près du visage de l'Oisillon, l'effleurant presque.

"Aimerais-tu que je grave le tien... ?"

**Amelia** Dim 30 Aoû - 16:22

Amelia observa la main tendue dans sa direction, sans dire un mot pendant quelques instants. Même si elle avait ressenti une certaine gêne, elle ne pouvait s’empêcher de remarquer la tendresse dans les gestes de Dolores, son attitude lui faisait quelque peu penser à Mère lorsqu’elle essayait d’approcher les oiseaux qu’elle nourrissait lorsqu’elle était à l’extérieur.

Le regard de la sculptrice s’anima quand elle entendit l’Oisillon parler de Mère. Rien que pour cette raison, toute trace de méfiance disparut en un instant du cœur d’Amelia. Une femme qui semblait aimer Mère à ce point ne présentait surement aucun risque. D’autre part, Mère ne l’aurait certainement pas laissée errer seule entre les murs de ce doux cocon qu’était le manoir si elle avait ressenti le moindre danger pour sa petite famille.

Le manoir était leur seul rempart, leur seule réelle protection face au monde extérieur. Amelia avait l’impression que rien ne pouvait jamais lui arriver tant qu’elle était entre ces murs, jusqu’au jour où Mère déciderait qu’il en était autrement et qu’il était temps de partir. Mais cette heure n’était pas venue, loin de là, et si elle avait laissé Dolores pénétrer dans leur antre, il s’agissait alors d’une amie pour tout le monde.

« Dolores ? C’est un joli prénom mais il n’est pas anglais n’est ce pas ? »

Quand elle lui parla de transmettre ses amitiés à Mère, elle acquiesça d’un bref hochement de tête.

« Je lui parlerais de vous avec plaisir. Mais peut-être désirez-vous également prendre quelques minutes et lui écrire un petit mot qu’elle pourra lire lorsqu’elle sera éveillée ? Je pense que Mère apprécierait ce genre d’attention pleine de douceur et de délicatesse. »

Tandis qu’elle parlait, l’Oisillon avait discrètement agité une petite clochette toute proche. Un domestique était arrivé presque aussitôt, comme s’il avait guetté ce moment et, sans une parole, sans un geste superflu, avait compris ce dont il s’agissait. Elle tendit alors la main en direction de la table nappée de blanc et s’installa sans plus de cérémonie.

« Une collation va bientôt arriver. Elle risque de ne pas être très copieuse, je suis généralement une des rares personnes éveillée à cette heure-ci et qui désire manger au manoir. Mais ils trouvent toujours quelque chose de bon ici. Au manoir, nous avons toujours des douceurs prêtes pour nos hôtes. »

Sa voix s’était faite à peine plus haute qu’un murmure tandis qu’elle lui désignait la chaise juste à coté d’elle. Elle la fixait, sans faire de remarque sur ses yeux étranges, l’écoutant parler de son art avec attention.

« J’aime la façon dont vous parler de ce que vous faites. Vous semblez vivre votre art avec passion et j’avoue que je serais curieuse de voir à quoi cela peut ressembler de plus près. Mais vous aimez vivre dans le souvenir ? »

A sa question, elle prit un instant pour réfléchir, puis un mince sourire se dessina sur son visage.

« Je vais aimer que vous me graviez dans la pierre. Comme ça, je pourrais l’offrir à Mère. Cela lui fera plaisir. »

**Dolores Strudge** Jeu 3 Sep - 0:22

"Tu as parfaitement raison, c'est un prénom espagnol. Mais de l'Espagne, je n'ai que le prénom, mes origines sont anglaises, quelque importance que cela puisse avoir."

D'où lui venait son prénom, elle n'aurait su le dire. Était-ce sa mère qui l'avait choisi, prévision funeste de la fin qu'elle lui ferait subir en naissant, ou bien son père, devant le spectacle de cette même fin, tragique et douloureuse, douleur qu'il partagerait longtemps après encore, douleur dont il la rendrait responsable des années durant ? Que ce fût une bénédiction ou une malédiction, elle l'acceptait. Elle aimait son prénom, et tout ce qu'il pouvait représenter.

Sur son invitation, Dolores vint s'asseoir auprès de l'Oisillon, non sans frôler son bras au passage alors qu'elle se laissait glisser sur sa chaise. Que le geste fût volontaire ou non, il y avait là quelque chose de... sensuel, cette même sensualité que Dolores portait à fleur de peau, sans aucun doute exacerbée par la nuit passée. Elle-même ne s'émut pas de ce contact, se contentant de joindre ses mains sur la table, non loin de celles d'Amelia, lui offrant un sourire.

"Je crains de ne pas trouver les mots justes à coucher sur le papier. Mais je suis sûre que tes mots à toi feront merveille. Et je ne manquerai pas de lui écrire une lettre dans les jours qui viennent."

Elle huma la rose, fermant les yeux quelques secondes, avant de se retourner vers Amelia. Son ton se fit plus bas encore tandis que ses yeux continuaient d'abriter cette lueur qui les caractérisait tant.

"Je ne vis pas de souvenirs, mais d'instants présents. Alors qu'ils passent, disparaissent, je leur offre un futur, je leur permets d'exister durablement. Le passé, lui, est déjà figé, gravé dans le marbre, je n'aurais nul mérite à le reproduire."

Si ses yeux semblaient s'être un instant perdus dans le vide, ils étaient maintenant à nouveau posés sur l'Oisillon, et n'en déviaient pas, sans ciller.

"Pour dire vrai, si je puis graver un visage de mémoire, je préfère infiniment l'avoir en face de moi quand je le sculpte, afin d'en mieux saisir toutes les nuances. Aussi, si tu souhaites me voir à l'œuvre, tu peux venir à mon atelier me servir de modèle pendant que je sculpterai tes traits."

À ses paroles, l'éclat de ses yeux se fit plus intense encore, et sa main se leva une fois de plus vers ces traits que bientôt elle graverait dans la pierre.

**Amelia** Sam 5 Sep - 20:07

Dolores dégageait quelque chose qu’Amelia ne connaissait encore guère. La sensualité était encore pour elle une inconnue, même si elle avait déjà pu l’effleurer quelques fois, sans réaliser de quoi il s’agissait. Et comme pour toute sensation qui ne lui était pas connue, elle ne savait comment réagir. Pour l’heure, elle se contentait de l’observer, laissant sa gêne de coté. Un sourire léger, presque imperceptible tandis qu’elle parlait de sa voix douce, basse.

« Oh, votre origine n’est pas réellement importante il est vrai mais j’avoue avoir de la curiosité quand j’entends un prénom à consonance étrangère. Après tout il est fréquent de croiser des gens de tous les pays, surtout au sein de ce manoir. Mais vous êtes déjà allée en Espagne ? »

Et puis, brusquement, sans essayer de donner une quelconque forme de politesse à ses propos.

« J’aime bien la couleur de vos yeux. Ca vous donne un coté unique, bien plus joli que s’ils étaient identiques. »

Amelia avait énoncé ces paroles avec une certaine tranquillité, cette assurance qui la gagnait quand elle était sure de ses propos. Deux domestiques arrivèrent, discrets, presque invisibles, l’un portant un plateau chargé de boissons, l’autre chargé de toasts et de fruits frais.

Ils s’inclinèrent brièvement, sans attendre visiblement de réaction de la part des deux femmes et disparurent comme ils étaient arrivés. La discrétion était le mot clé de ce manoir, Mère y avait veillé. Tous ceux qui travaillaient là savaient que bien souvent ses occupants ne voulaient pas être dérangés dans leurs discussions, dans leurs découvertes.

L’Oisillon se versa du lait dans un verre tout en désignant les différentes cruches à Dolores, l’incitant à se servir. Elle mordit alors dans un toast, une petite bouchée, presque picorant, avant de reprendre, avec un sourire rêveur.

« Parfois, les mots n’arrivent pas à transcrire ce que l’on ressent ou ce que l’on souhaite dire à quelqu’un. Mais je serais ravie de dire à Mère de quelle façon vos yeux brillent lorsque vous parlez d’elle ou la joie qu’elle semble vous avoir procuré. Et je suis sure qu’elle sera ravie d’avoir de vos nouvelles lorsque vous aurez envie de lui en donner. »

Elle la regarder jeter un bref coup d’œil à la rose, tout en continuant de grignoter son toast.

« Alors, en réalité, vous fabriquez les souvenirs ? Grace à vous les instants présents perdurent dans le futur, c’est plutôt intéressant. En tout cas, j’aimerais beaucoup visiter votre studio et vous voir travailler. Mais, j’ai juste une question. Pourquoi souhaitez-vous graver mon portrait ? »

La main de Dolores était toute proche de son visage, elle pouvait presque en sentir le grain sur sa peau.

**Dolores Strudge** Mer 9 Sep - 18:11

Si la main de l'Artiste ne s'apposa pas à la joue de l'Oisillon cette fois encore, elle était toutefois assez près pour en percevoir la froideur de sa peau sous ses doigts rayonnant d'une douce chaleur. Elle sourit au compliment, qui n'était dans la bouche de la jeune fille qu'une vérité parmi d'autres. Ça en était touchant de sincérité, et si Dolores n'avait pas pour habitude de céder aux flatteries, elle pourrait bien faire une exception.

"Merci. Tes yeux aussi ont quelque chose d'unique..."

Son pouce passa au coin de l'œil d'Amelia, sans s'y attarder. Elle imaginait ces yeux là faits de verre et se représentait leur bleu profond ressortant au milieu d'un visage de pierre. Sa main s'effaça discrètement, pas son sourire.

"J'ai rarement eu l'occasion de quitter Londres, plus rare encore celle de voyager hors des frontières, qui se limite à un voyage à Paris, avec mon père, il y a déjà fort longtemps. Mon Art m'accapare tant, mais je ne m'en plains pas. Donc non, je ne suis jamais allée en Espagne."

Bien vite, ses yeux remplacèrent avantageusement la main qui venait de se détacher du visage de l'Oisillon, qu'elle ne perdait pas de vue un seul instant, en scrutait les moindres détails. Elle l'écouta attentivement, délaissant sur l'instant fruits et boissons. Son rire cristallin s'éleva quelques secondes, avant qu'elle ne réponde.

"Fabriquer les souvenirs ? Oui, c'est une façon de voir les choses... Mais mes sculptures n'ont pas pour vocation de servir de mémoires. Elles Sont, et c'est là tout ce qui importe. Mais il est inutile de mettre des mots sur mon travail, le plus simple est que tu te fasses ta propre idée en me voyant à l'œuvre."

Tout en l'observant, elle se saisit d'une pomme, qu'elle caressa du bout des doigts. Elle s'apprêtait à croquer dedans sans autre forme de cérémonie quand en la portant à ses lèvres, elle en fut troublée. Une odeur, un parfum, fugace cela dit, mais elle l'eut reconnu entre mille, l'ayant accompagnée toute la nuit. Ses dents se refermèrent sur le fruit dans une morsure des plus délicates et charnelles, à la pensée que Milady l'avait tenu entre ses mains la veille. Peut-être n'était-ce là encore une fois que rémanence de son esprit, ou de la présence en ces lieux de leur propriétaire, mais cela n'empêcha pas Dolores de la savourer comme s'il se fût agi de LA pomme, celle-là même dont Elle s'était saisie, un Fruit de la Tentation qui lui était proposé alors qu'elle avait déjà cédé.

Sans doute devait-elle avoir l'air étrange à déguster ainsi sa pomme, du bout des dents, les yeux mis-clos, sa langue venant se promener sur la chair du fruit mise à nue. Mais elle ne se soucia pas une seule seconde du regard que l'Oisillon pouvait bien porter sur elle à ce moment-là. Ce n'est qu'une fois le trognon mis de côté qu'elle se retourna vers Amelia comme si de rien n'était.

"Ai-je besoin d'une raison pour ce faire ? Eh bien il n'y en a pas. Je t'ai demandé, et tu m'as dit que tu allais aimer. Alors je te graverai, c'est aussi simple que ça."

Elle se leva, posant sa main sur le dossier de la chaise d'Amelia.

"Mon atelier t'est ouvert à l'Elder's Museum, viens quand tu veux, j'y serai."

Se tenant ainsi au dessus de l'Oisillon, elle se voulait rassurante, protectrice. Elle ne voulait pas le voir s'envoler maintenant qu'il s'était presque posé sur son doigt.

**Amelia** Mer 23 Sep - 19:12

La chaleur qui émanait de Dolores avait de quoi surprendre, surtout pour l’Oisillon qui était plutôt habituée au froid de sa propre peau. Elle avait fini par s’habituer au regard que la jeune femme posait sur elle mais sursauta légèrement au contact, même ténu de sa main au coin de ses prunelles bleues.

Son regard se fit plus songeur lorsqu’elle évoqua ses rares voyages. Depuis sa rencontre avec Mère, elle avait eu maintes fois l’occasion de vivre dans les plus belles villes du monde. Elle ne les connaissait guère, refusant comme toujours de sortir la journée et Mère la jugeant trop jeune pour sortir seule en pleine nuit. Cela ne faisait que peu de temps qu’elle avait réussi à sortir sans difficultés et malheureusement, elle n’avait pas eu l’occasion de découvrir les autres villes comme elle connaissait Londres. Pourtant Mère lui avait montré de belles choses une fois la nuit tombée, ces souvenirs lui étaient précieux même si elle était heureuse de pouvoir faire de nouvelles découvertes par elle-même.

« Voyager est une belle chose. Elle permet de découvrir de nouvelles personnes, de nouveaux paysages. Peut-être pourriez-vous-même y trouver une nouvelle source pour votre Art d’ici quelques années lorsque vous aurez découvert tous les visages qui pourraient vous intéresser dans notre belle ville. »

Elle l’écouta parler de son art et son attention se fixa sur la pomme qu’elle tenait entre ses mains. Jamais elle n’avait encore vu quelqu’un manger un fruit de cette façon. Tandis qu’elle-même dégustait une grappe de raisin grain par grain, elle ne pouvait s’empêcher de la regarder, ses yeux reflétant sa curiosité. Aucune gêne ne la gagnait, après tout, chacun pouvait savourer la nourriture à sa façon, même si cette façon était inhabituelle. Quand elle eut fini à son tour ses fruits, elle reposa ses deux mains à plat délicatement sur la table, la fixant avec attention, son esprit porté sur son regard plutôt que sur sa façon de manger.

« La façon dont vous regardez les gens est intéressante. Elle donne l’impression qu’en un instant vous arrivez à les détailler, à graver chaque courbe du visage, comme si en un clin d’œil vous connaissiez tout de la personne. Est-ce que tous les gens apprécient d’être regardés ainsi ? »

Encore une fois, nulle agressivité, juste une aimable curiosité. Dolores avait eu l’occasion de connaitre un peu le monde de l’Oisillon, elle voulait connaître un peu plus du sien.
Elle hocha la tête quand elle parla de l’Elder Museum et lui répondit par un sourire.

« Je viendrais avec plaisir mais j’aurais juste une petite condition. Je ne peux sortir avant la nuit tombée, si vous souhaitez faire mon portrait il vous faudra attendre que l’astre qui commence à faire son apparition ait quitté la scène pour que je fasse mon entrée dans votre atelier. Il suffira de me dire quand vous souhaitez être dans votre atelier à la nuit tombée et je serai là… »

L’Oisillon pencha la tête sur le coté, elle semblait presque apprivoisée même si elle gardait cette retenue qui lui était propre. Elle se laisserait approcher sans difficultés par Dolores mais elle ne pourrait picorer au creux de sa main aussi facilement.

**Dolores Strudge** Mer 14 Oct - 18:27

Dolores se surprit à songer de voyages, son regard se perdant - oh, un si court instant ! - dans celui d'Amelia à l'évocation des découvertes qu'elle pourrait y faire. Se détachant de ces rêveries, ses yeux revinrent bien vite à leur tâche première, suivant la ligne des fossettes de l'Oisillon, l'arrête de son nez. Un sourire, avant qu'elle ne se décide à évoquer ce qui était venu perturber ses pensées.

"Hmm... Sans doute faudra-t-il que je prenne le temps de voyager alors. Cela dit, Londres est une source d'inspiration que je me risquerais presque à qualifier d'inépuisable, tant elle est en constant renouvellement."

Un rapide coup d'œil circulaire, rapportant sans aucun doute possible l'intérêt que l'Artiste portait au renouvellement en ces lieux mêmes, et son regard retrouva celui d'Amelia à la question le concernant. Son visage se peignit une nouvelle fois d'un fin sourire à ces paroles ô combien vraies, et c'est d'un léger murmure, penchée sur elle, qu'elle lui répondit.

"Non, la plupart ne supportent pas qu'on puisse les dévisager de cette façon. Ils prétendent trouver cela... inconvenant, alors que c'est là un hommage que je leur rends. Je ne peux me permettre la moindre imperfection vois-tu, ni la plus petite imprécision, ou bien c'est toute l'œuvre qui s'en retrouve perturbée. C'est bien pour cela qu'il me faut saisir chaque grain du visage, chaque parcelle de l'expression de la personne qui me fait face. En tous les cas, je suis heureuse de constater que cela n'a pas l'air de t'incommoder."

Sa main vint frôler une boucle de cheveux de l'Oisillon tandis que ses yeux s'illuminèrent de cette lueur qui les caractérisait tant à l'entendre accepter l'invitation.

"Je te l'ai déjà dit, viens quand tu veux, qu'importe l'heure, je t'y attendrai. Ou peut-être pourrai-je venir te chercher si tu le souhaites."

"Ou si Milady le souhaite..." semblaient dire ses yeux. Elle lui sourit, fit un pas, sans la quitter du regard.

"Il est temps que j'y aille. Sois assurée que ta compagnie était des plus agréables, et que je n'en ai que plus de hâte à t'accueillir chez moi."

Dolores attendait encore, que ce fût un battement d'ailes ou le moindre chant venant de l'Oisillon. Elle attendait surtout de la voir s'envoler, de la laisser partir, enfin, pour pouvoir ajouter cette touche-ci à son œuvre à venir.

**Amelia** Jeu 22 Oct - 1:18

L’Oisillon laissa passer encore quelques minutes, observant la jeune femme devant aller se laisser aller à une certaine rêverie. Elle se demanda vaguement si un jour elle ferait de nouveaux voyages et une voix en elle lui souffla que ses prochains voyages seraient bien différents d’une simple visite de la capitale d’un pays étranger. Un voyage plus long, plus douloureux même, dont elle ne reviendrait peut-être pas…

Mais elle n’en était pas encore là. Pour l’heure, elle se contentait de détailler Dolores, cette femme étrange qui la regardait comme si elle était un tableau de maître des plus originaux. Elle lui sourit, spontanément, continuant de la regarder sans ciller.

« Il est vrai que Londres recèle de bijoux précieux… et de quolifichets brillants qui ne s’avèrent guère intéressant au final. Mais ce doit être toujours intéressant de côtoyer ces différents types de personnes. J’avoue que je ne rencontre guère de monde. Je passe beaucoup de temps au Manoir et les gens ont tendance à ne pas vraiment faire attention à moi quand ils viennent ici… Il y a des bijoux plus… brillants dans cet écrin. Mais je ne m’en plains, pas bien au contraire. »

Dolores se pencha alors vers elle, comme pour lui confier un secret, une découverte que les autres devaient ignorer. Elle répondit, de sa voix douce, de son murmure si étrange.

« L’inconvenance est encore un de ces mots utilisés par ces gens qui ont peur d’affronter la réalité. Ces gens qui se regardent dans un miroir sans se voir réellement et qui crieront au scandale quand quelqu’un posera un vrai regard sur eux. Vous devez les déranger en un sens. Vous les montrez tels qu’ils sont, avec leurs qualités, leurs défauts physiques que nul maquillage, nul artifice ne saurait cacher dans un tel moment.
C’est étrange de voir à quel point les gens ont peur d’être vus sans masque et sous leur véritable jour. Mère me dit souvent qu’ils ont peur et que cette peur peut les rendre mauvais. »

Elle parlait avec cette assurance qu’ont les personnes qui ont depuis longtemps accepté ce qu’elles voient dans le miroir. Pas un jour ne passait sans que la jeune femme ne croise un regard familier, un reflet qui ne lui rappelle qui elle était réellement. Et elle n’en était nullement dérangée, bien au contraire. Il était plus facile d’apprendre à maitriser son don en sachant qui elle était réellement que d’essayer de se voiler la face et d’y perdre toute son énergie, comme bien de ces personnes qu’elle avait l’occasion de croiser brièvement au gré de ses promenades londoniennes.

Aux dernières paroles de la jeune femme, l’Oisillon se leva, lissant ses plumes et se dirigeant vers les hall d’entrée, un sourire rêveur flottant sur son visage.

« Je pourrais vous rendre visite un soir cette semaine si vous êtes disponible. Je ne pense pas que Mère serait en désaccord avec cette sortie, surtout si vous êtes amies non ? En tout cas, je suis heureuse que ma compagnie vous ait été agréable, j’ai été vraiment enchantée de faire votre connaissance.»

Pour une fois Amelia utilisait une des formules de politesse que lui avait apprises Mère sans aucun souci. Elle pensait réellement ce qu’elle disait, cette rencontre avait été fort sympathique et elle éprouvait une grande curiosité à l’idée de voir Dolores sculpter ses traits dans la pierre.

Elles étaient arrivées devant la porte et l’Oisillon s’autorisa même une légère révérence, son sourire s’effaçant pour laisser place à toute la concentration nécessaire pour ce qui restait pour elle une prouesse technique.

« Au plaisir de vous revoir prochainement… Dolores. »

D’un pas léger elle s’éloigna, mettant la plus grande distance possible entre cette porte qui allait s’ouvrir et laisser entrer la lumière du jour et son corps frêle. La journée… la nuit avait été longue, il était temps pour l’Oisillon de dormir dans son petit nid.

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